Aide médicale d’État : Un clandestin peut se faire poser un anneau gastrique, recoller les oreilles ou refaire le nez gratuitement

Invité de CNews jeudi 1er juin, le maire de Béziers Robert Ménard a pointé les dérives de l’Aide médicale d’État. Souhaitant montrer les failles de ce dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins immédiat et gratuit, et qu’il juge trop généreux, l’élu divers droite a donné quelques exemples d’actes médicaux pris en charge à 100% par l’État.

«Aujourd’hui, un clandestin peut (se faire poser) un anneau gastrique pour maigrir», procéder à un «recollement des oreilles», ou encore «refaire son nez», a énuméré l’élu. «Je ne prends pas des exemples au hasard !», a-t-il insisté, laissant entendre que certains étrangers pourraient venir en France exprès pour recevoir ces soins gratuits. «On marche sur la tête !».

Créée en 2000 sous le gouvernement de Lionel Jospin, l’aide médicale de l’État (AME) a souvent été décriée, notamment à droite. Censée pourvoir une aide d’urgence aux nouveaux arrivants, son périmètre est en réalité assez large. Dès trois mois de présence sur le sol français, «l’AME permet la prise en charge à 100 % des soins médicaux et hospitaliers (tarifs conventionnés) et sans avance de frais pour : les soins médicaux et dentaires, les médicaments, les frais d’analyses, les frais d’hospitalisation et d’intervention chirurgicale, les frais pour certaines vaccinations et certains dépistages, les frais liés à la contraception, à l’interruption volontaire de grossesse, etc.», énumère de manière non exhaustive la Cimade, association de défense des migrants, dans une brochure à destination des sans-papiers.

Au bout de 9 mois de présence en France, le périmètre s’élargit encore aux soins liés à «des pathologies non sévères». La Sécu les détaille sur son site Ameli. On y trouve, comme l’évoquait Robert Ménard, les interventions pour oreilles décollées, mais aussi les prothèses de genou, prothèses d’épaule, prothèses de hanche, ou encore gastroplasties pour obésité. Pour toutes ces prestations, les transports ainsi que les actes de masso-kinésithérapie prescrits a posteriori sont pris en charge. Jusqu’en 2011, la procréation médicalement assistée (PMA) et les cures thermales étaient également remboursées.

Flou sur le nombre de prises en charge

Robert Ménard étaye son propos. «Je ne suis pas favorable à la suppression de l’AME. Mais si j’ai donné ces exemples, c’est que je suis excédé par les gens qui vous objectent qu’il faut bien lutter contre la tuberculose». De fait, l’exécutif a toujours objecté aux anti-AME la nécessité d’une «vision globale de santé publique». «Un nouveau Covid qui arrive chez des gens qui pourraient bénéficier de l’aide médicale d’État, on ne va pas les traiter (…) et on va laisser la maladie se développer ?», a encore interrogé ce dimanche le ministre de la Santé, François Braun, invité du Grand jury RTL/LCI/Le Figaro. «D’accord ! Cela n’empêche pas de réduire l’AME aux mesures d’urgence, réagit Robert Ménard. Aujourd’hui c’est une pompe aspirante, du tourisme médical».

Ces opérations sont-elles nombreuses ? À gauche, on minimise cette hypothèse en arguant que l’ignorance de l’existence du dispositif, la complexité des démarches ou l’impossibilité de fournir des justificatifs de résidence découragent les potentiels demandeurs. La députée non-inscrite Emmanuelle Ménard, qui travaille régulièrement sur le sujet, affirme au Figaro que les chiffres sont «très difficiles à évaluer» à cause du manque de données. «Les médecins ne mentionnent pas forcément si l’acte est réglé via l’AME ou pas », explique l’élue. En d’autres termes, la prescription des médecins se fait, dans les centres médicaux et hospitaliers, indépendamment du statut administratif.

Même constat dans l’équipe de la députée LR Véronique Louwagie. Pour établir son son rapport examiné le 17 mai à l’Assemblée nationale, la rapporteure spéciale des crédits de la mission Santé a réclamé des chiffres à la Sécu. En vain. «Il y a un vrai problème de transparence. Pour moi c’est la question essentielle», affirme l’élue.

La seule donnée tangible est le nombre de bénéficiaires, qui s’élevait à 403.144 personnes fin 2022, en hausse de 5,9% par rapport à 2021 et de 20,5% par rapport à 2019. Autant de personnes qui ne cotisent pas à la Sécurité sociale.

En 2021, dernière année pour laquelle Véronique Louwagie a obtenu des données par pathologie, le bilan des séjours hospitaliers dispensés aux bénéficiaires de l’AME était le suivant :

  • Les séjours en médecine portent majoritairement sur des pathologies relevant de la pneumologie, de l’hépato-gastro-entérologie, de la neurologie médicale, de l’endocrinologie, du diabète et des maladies métaboliques ainsi que des affections cardio-vasculaires.
  • L’obstétrique représente 27% des séjours hospitaliers, et la chirurgie 18%.
  • Les dialyses représentent 55% des séances, contre 30 % pour les chimiothérapies et 13% pour les radiothérapies.

Un système «unique au monde» et «bien au-delà des obligations»

En tout état de cause, le coût global de l’AME reste faramineux et en hausse constante. En 2020, il a franchi un seuil historique en dépassant le milliard d’euros. Un chiffre qu’Emmanuelle Ménard juge non exhaustif. «Quand on interroge les professionnels de santé dans les hôpitaux, ils disent que c’est encore bien plus important que cela. Il leur arrive de soigner des clandestins sans facturer les actes. Pourquoi ? Je ne sais pas. Toujours est-il que chaque année, le budget de l’AME fait l’objet d’un vote de crédits supplémentaire, et ces crédits sont systématiquement dépassés».

Cette générosité est propre à l’Hexagone. Dans son rapport de 2021 sur les étrangers malades admis en France, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) expliquait qu’avec l’AME, le dispositif de soins urgents et vitaux (DSUV) et la Protection Maladie universelle (PUMa), «la France dispose d’un système unique au monde plus favorable et se situant bien au-delà des obligations qui s’imposent aux pays européens».

«Si à l’origine cette procédure permettait l’accès aux soins de personnes gravement malades déjà présentes sur le territoire grâce à un titre de séjour pour soins, cette disposition est aujourd’hui connue bien au-delà de nos frontières, et on observe des “mobilités thérapeutiques”», continue le rapport, soit une immigration médicale en France de malades étrangers en recherche de soins gratuits, récents, chers ou innovants». À titre d’exemple, l’Ofii a identifié en quatre ans plus de 200 demandes de titres de séjour effectuées spécifiquement pour réaliser une PMA, «parfois faites sous couvert d’une autre pathologie».

Dans leurs propositions en vue du projet de loi immigration dont l’examen est prévu à l’automne prochain, Les Républicains ont suggéré de remplacer l’AME par une aide d’«urgence» au périmètre et conditions d’accès bien plus restreints.

Le Figaro