Algérie : Rachid Thabti, le « James Bond de Marmara » qui a nationalisé l’industrie pétrolière
Certains l’appellent le « James Bond » de l’Algérie. Connu comme l’agent secret le plus dangereux du service de renseignement algérien, la Sécurité Militaire (SM – Sécurité Militaire), cette figure énigmatique a su mettre à profit son charme, son charisme et ses multiples talents pour servir son pays. Le rôle que Rachid Thabti a joué au service des intérêts nationaux de son pays a permis à l’Algérie d’accéder à l’indépendance économique complète de la France, à travers son acquisition du secteur pétrolier au profit du jeune État algérien, créé après la victoire de la révolution entre 1954 et 1962, à la suite des conditions dures et injustes stipulées par les accords d’Évian de 1962 qui maintenaient les richesses pétrolières de l’Algérie sous contrôle français.
En 1971, l’Algérie a tracé une ligne politique particulière après la fin de l’ère coloniale par le processus de nationalisation de toutes ses ressources pétrolières qui étaient sous le contrôle des entreprises françaises. Cette politique a été mise en place suite à la fin des négociations unilatérales de la partie française, qui a été choquée par leur déroulement et les informations précises présentées par la délégation algérienne, grâce à des fuites et des documents secrets parvenus au service de renseignement algérien via Thabti, qui a pu infiltrer les institutions souveraines françaises les plus secrètes, et obtenir suffisamment d’informations pour gérer les négociations avec les Français d’une manière étonnante.

Surnommé par certains le « James Bond » de l’Algérie, Rachid Thabti, l’agent secret le plus dangereux des services de renseignements algériens, a su mettre à profit son charme, son charisme et ses multiples talents pour servir les intérêts nationaux de son pays.”
Qui est Rachid Thabti ?
Rachid est né le 17 mai 1930 dans une riche famille musulmane de la ville de Constantine, dans l’est de l’Algérie. Il y a passé une grande partie de sa vie, avant de s’installer en France avec son oncle Hussein Belaloufi pour poursuivre ses études. A vingt ans, il obtient son baccalauréat et s’inscrit à la faculté de droit de l’Université de France.
Comme le mentionne Noureddine Khalasi, l’oncle de Thabti, dans un article publié le 15 janvier 2021 dans le journal britannique The Independent , qu’en plus de ses études, Rachid Tabti était assez passionné par la boxe. Il y excelle et remporte le Championnat de France des étudiants universitaires en 1953 et le prix des Championnats d’Europe de boxe amateur en 1954-1955. Après cela, il décide alors de devenir professionnel dans ce sport, mais son asthme allergique le pousse à arrêter de le pratiquer et à retourner à l’école et à obtenir une licence en droit, un diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris, puis un diplôme de l’Institut Institut d’études internationales de Paris ainsi qu’au début des années 1960.
Pour gagner sa vie, il travaille comme professeur d’éducation physique au lycée Albert Camus, un lycée de Courbevoie. Il s’est ensuite tourné vers le jeu d’acteur dans plusieurs films français et américains avec de petits rôles et comme cascadeur. Il est apparu aux côtés d’acteurs tels que Jean Marais dans le film Le Comte de Monte-Cristo , et Martine Carol dans le film Nana.. Cela lui a permis d’entrer dans les salons parisiens les plus grands et les plus luxueux, ce qui lui a permis de se rapprocher des personnalités politiques, artistiques et sociales les plus en vue. De plus, il maîtrisait cinq langues vivantes : l’arabe, le français, l’anglais, l’allemand et l’espagnol. Cette culture ainsi que toutes ces capacités physiques ne rassasiaient pas les ambitions de ce jeune homme séduisant et fier, qui, pour échapper à la monotonie, se tourna vers un autre domaine ; politique, rejoignant le ministère algérien des Affaires étrangères, puis devenant un espion recruté pour son pays.
En 1971, l’Algérie a tracé une ligne politique particulière en nationalisant ses ressources pétrolières contrôlées par des entreprises françaises après la fin des négociations par la partie française, qui a été choquée par les informations précises et les progrès de la délégation algérienne.”
Le Prince de Marmara
Un rapport publié par le site California18 le 27 juillet 2022 indique que c’est le Front de libération nationale (FLN) algérien qui a été le premier à remarquer les talents et les capacités de Thabti, et l’a ainsi recruté pour l’aider dans le processus de fuite de documents liés à les négociations avec les Français après l’indépendance. Selon le parti FLN, le charisme et l’attractivité de Thabti lui ont permis de jouer tous les rôles nécessaires à la réussite de sa mission. Le médiateur de ce contact fut le général Kasdi Merbah, qui dirigea la SM entre 1962 et 1979.
Un autre récit concernant le recrutement de Rashid – également connu sous le nom de Richard ou Tony, pseudonymes utilisés par l’agent Thabti pour mener à bien ses missions – est attribué au désir personnel de Thabti d’être recruté. Cette version est mentionnée dans un article de Rachid Filali publié dans le journal algérien Echorouk le 12 mai 2006. Il aurait rejoint l’ambassade d’Algérie en France en 1964. Il y travaillait comme secrétaire sous Boualem Moussaoui, l’ambassadeur d’Algérie à Paris, avant de s’installer au ministère des Affaires étrangères dans la capitale Alger, qu’il quitte rapidement en raison de son asthme dû au climat, puis de revenir à Paris.
De retour à Paris, il écrivit au ministre des Affaires étrangères, l’informant qu’il souhaitait et pouvait fournir des informations hautement confidentielles et convaincantes sur les relations économiques franco-algériennes. Sa lettre était accompagnée de photos de notes diplomatiques qu’il avait obtenues, ce qui a incité les services de renseignement algériens à le recruter.
Le Front de libération nationale algérien (FLN) a été le premier à remarquer les talents et les capacités de Thabti, et l’a donc recruté pour l’aider dans le processus de fuite de documents liés aux négociations avec les Français après l’indépendance.”
Pour convaincre les cercles français, Thabti s’est fait passer pour le prince de l’île turque de Marmara, de sorte qu’il semblerait être extrêmement riche et posséder des palais et des propriétés dans la plupart des régions du monde. Il a ensuite invité ses amis chez l’un d’eux en Algérie même, dans sa ville natale de Constantine, où se trouvait sa maison familiale. Grâce à sa magnifique architecture, il ressemblait à un château de l’aristocratie. C’est là qu’il entame le plan de séduction et d’affection de Béatrice Heligoa, secrétaire personnelle du chef de la délégation française aux négociations économiques, Jean-Pierre Brunet, également président de la société qui a acquis les champs pétroliers algériens.
La belle maîtresse était fascinée par ce charme oriental. À leur retour à Paris, elle était devenue convaincue que Rachid était en effet un prince riche et avait donc un engagement officieux avec lui, avec de belles promesses de mariage. Ils ont ensuite vécu ensemble dans son luxueux appartement haut de gamme du 16e arrondissement, un quartier huppé de Paris que les autorités algériennes avaient mis à la disposition de Rachid.
Rachid Tabti s’est efforcé d’exploiter au mieux cette relation amoureuse fabriquée, en continuant d’infiltrer avec elle les murs de l’Elysée, prenant tous les secrets cachés qu’il voulait de cet espace politique hermétiquement fermé. Il continue également à fréquenter, accompagné de Béatrice, les grands salons parisiens qu’il a déjà fréquentés, mais cette fois en tant que prince de Marmara.
L’architecte caché de la nationalisation du pays
Dans un rapport d’archives datant du 29 octobre 1970, le journal français Le Monde mentionne qu'”A l’origine de l’affaire d’espionnage dont M. Rachid Thabti est accusé, le petit réseau de renseignement dont il était l’élément principal, n’aurait jamais ont vu le jour sans lui, et sans les efforts qu’il a faits pour rendre ses services aux autorités de son pays.”
Rashid a pu obtenir – grâce à Béatrice, qu’il avait su séduire avec de belles promesses et de l’amour – beaucoup d’informations sur son travail et ses projets. Grâce à elle, il a pu divulguer plus de 4 000 documents top secrets et hautement classifiés qui ont atteint les bureaux des responsables algériens. En particulier, Rachid connaissait le code de l’Ambassade de France à Alger, qui avait eu connaissance de la dévaluation de la monnaie locale de 12,50 % bien avant la promulgation du décret de nationalisation et, par conséquent, il a permis le transfert de toutes ses réserves en français et en autres devises fortes.
Dans le rapport précité de Noureddine Khalasi, il mentionne les propos du célèbre avocat parisien Jean-Louis Tixier-Vignancour : « Nous avions la nette impression côté français que les instructions secrètes de Paris étaient parvenues au partenaire algérien avant même que nous nous soyons assis autour de la table ronde”. Il ajoute : « Le mystère a été résolu grâce à une information anonyme transmise à la DST. En effet, selon l’accusation, l’agresseur est une Française, Béatrice Heligua, secrétaire aux affaires économiques. .”
C’est à ce moment-là que la partie française a senti que quelque chose se passait dans les coulisses de son propre territoire. Les services de renseignement français ont rempli le bureau du directeur français des négociations de micros, et sont ainsi tombés sur Béatrice, la “victime de l’amour et de la cupidité”, dans le piège qu’ils avaient tendu. La femme, qui échangeait des appels et des correspondances avec Rachid Thabti, a été arrêtée avec lui dans un guet-apens soigneusement exécuté. Son arrestation a choqué les ministres, les riches, les stars et les savants de France ainsi que l’Elysée, qu’il avait l’habitude d’entrer et de sortir comme s’il lui appartenait.
Rachid a été incarcéré dans une prison criminelle à Paris, où il a été condamné à dix ans de prison pour espionnage économique. Il n’a pu recouvrer sa liberté qu’en 1973 en échange du Dr Damien, un espion français que possédait l’Algérie. En effet, l’Algérie a échangé 35 prisonniers français qui avaient été emprisonnés en Algérie, dont 11 incarcérés pour les mêmes faits. A 43 ans, Rachid Thabti, décide de se retirer de ses fonctions politiques et de reprendre la pratique du droit à El Biar, Alger.
Même si le rôle joué par Rachid Thabti au service du pays l’a aidé à acquérir une totale indépendance économique vis-à-vis de la France, les Algériens n’auraient pas appris la mort de leur bel espion s’il n’y avait pas eu un appel au hasard d’un journal local.”
La fin de l’agent élégant
Dans ses derniers jours, Rachid souffrait de la maladie de Parkinson, vivant avec sa petite famille dans la banlieue d’El Biar à Alger. Un reportage d’ Echorouk El Yawmi en 2006 révèle qu’il a été oublié et qu’il est décédé en juillet 2009, lors de la commémoration de l’indépendance du pays vis-à-vis de la France.
Curieusement, n’eut été du rapport du 12 mai 2011 intitulé « Rachid Thabti, l’espion le plus célèbre d’Algérie est mort il y a deux ans et personne n’a commenté », personne n’aurait été au courant de sa mort. Dans son introduction, le rapport dit : « Un appel régulier passé par Echorouk El Yawmià la famille du patriote algérien Rachid Thabti, pour vérifier l’état du vétéran de 79 ans, a révélé le fait que ceux qui avaient fait une part importante de notre histoire moderne sont tombés dans l’oubli, comme nous l’a appris son épouse qu’il était décédé en juillet 2009, et que personne n’était au courant de sa mort. était décédé sur son lit de malade, avec seulement sa femme et son fils à ses côtés, à son domicile du quartier El Biar, à l’âge de soixante-dix-neuf ans.”