Allonville (80) : “Non à l’expulsion de mon fils Abdoulaye Sow Helbecque!”, un préapprenti guinéen, adopté en France à l’âge de 26 ans, est frappé par une OQTF
Par Bakhti Zouad
Adopté par une famille allonvilloise, Abdoulaye Sow fait l’objet d’une Obligation de quitter le territoire français. Le jeune homme, qui dit avoir connu l’esclavage en Libye après son départ de Guinée Conakry, est arrivé en France en 2017.
La mauvaise nouvelle est arrivée le 28 décembre dernier, par lettre recommandée. « Il apparaît que vous ne remplissez pas les conditions prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers (…) », écrit la préfecture de la Somme par le biais de son bureau des étrangers.
Frappé d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) sous 30 jours, Abdoulaye Sow, jeune Guinéen de 26 ans, ne comprend pas pourquoi on lui demande de partir, lui qui a fait tant d’efforts pour s’intégrer après un parcours personnel chaotique. Au point même d’avoir officiellement trouvé une famille d’adoption, les Helbecque qui vivent à Allonville, au nord d’Amiens.

Abdou aux côtés de sa mère adoptive, Christiane Helbecque.
Sa vie de déraciné bascule à Amiens, il y a cinq ans, lorsqu’il croise la route de Véronique, une jeune femme très investie dans l’aide aux migrants et aux sans-papiers. Elle l’héberge puis Abdou se lie avec sa famille. Avec l’accord du tribunal judiciaire, il est adopté, en mai 2022 par la mère de Véronique, Christiane Helbecque, éducatrice spécialisée.
Pas suffisant pour convaincre les services de la préfecture de la Somme qui expliquent, dans son arrêté d’OQTF, qu’Abdoulaye Sow « ne justifie pas de la nécessité et de la présence de sa mère adoptive à ses côtés » et qu’« il ne justifie pas d’une intégration particulière à la société française, il n’a notamment jamais travaillé ou suivi de formation ». De quoi agacer Mme Helbecque : « On a toujours besoin de sa mère, quel que soit son âge ! Quant à son manque d’intégration, je rappelle juste qu’il a travaillé bénévolement pour la Croix-Rouge, qu’il aide l’association Fleurs de prunier à récolter des bouchons de liège et que toute sa vie, il a travaillé ! Parfois même réduit à l’état d’esclave… »
Livreur Uber Eats, peintre en bâtiment, bénévole, etc.
Photos à l’appui, Abdoulaye Sow nous montre ses activités de peintre en bâtiment, de livreur Uber Eats ou encore de plongeur dans un restaurant en France. Du travail au noir mais le jeune homme dit qu’il n’a pas d’autre choix car il n’a pas l’autorisation de travailler. « J’essaie de me rendre utile comme je peux, confie Abdou, qui joue aussi au futsal dans une petite structure.
« Il se projette dans l’avenir avec un réel désir de travailler et de s’intégrer. Il a tenté de faire un préapprentissage. Malheureusement, l’apprentissage du français écrit lui est encore difficile », souligne Christiane Helbecque, qui le considère comme son cinquième enfant à part entière. Abdou, qui craint de croiser les policiers lors de ses livraisons Uber Eats, ne se voit pas non plus quitter sa maman française. Une pétition est en ligne sur change.org, elle totalisait un peu plus de 500 signataires ce mercredi 25 janvier. Contactée, la préfecture de la Somme n’a pas répondu à nos sollicitations à cette heure.
Martyrisé en Guinée, esclave en Libye
Né dans un village de Guinée Conakry, petit pays d’Afrique de l’Ouest, il explique avoir fui un oncle et une tante qui l’ont martyrisé et exploité après la mort de sa mère durant l’accouchement, puis celle de son père, éleveur de bœufs, peu de temps après. « C’est une voisine qui m’a appris que j’avais été récupéré par mon oncle et ma tante, j’avais toujours pensé qu’ils étaient mes parents. Quand j’ai su, j’ai fui car ils me battaient tout le temps », raconte-t-il avec conviction.
Sans un sou en poche mais le cœur gonflé, il décide de quitter le pays à seulement 16 ans. Suivra un long périple à travers le Mali, l’Algérie, la Libye, l’Italie rejointe à bord d’un zodiac de fortune, l’Allemagne et enfin la France, en 2017. « C’était très dur, surtout en Libye où on nous traitait comme des esclaves. Quand j’avais fini un travail, on me prêtait à une autre personne. On ne pouvait pas refuser car ils avaient tous des armes », poursuit-il, corroborant les témoignages de nombreux migrants victimes de la traite d’êtres humains condamnée par l’Union européenne.
De cette période, Abdoulaye, que tout le monde appelle Abdou, garde des cicatrices et des marques sur le corps et sans doute des traumatismes invisibles à l’œil nu, devine-t-on en l’écoutant. Arrivé à Beauvais puis Amiens, il connaîtra la rue et le 115 et une première demande d’asile refusée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) qui jugera son récit peu crédible… « Son entretien n’a duré qu’à peine 30 minutes et à cette époque, Abdou avait beaucoup de mal à verbaliser ce qui lui était arrivé », se désole Christiane Helbecque.
Non à l’expulsion de mon fils adoptif, Abdoulaye Sow Helbecque! “

“Je m’appelle Christiane, et j’ai besoin de vous pour garder mon fils auprès de moi.“
Orphelin, Abdou a été élevé dans la famille de son oncle qui l’a maltraité, exploité, et finalement vendu. Il a réussi à prendre la fuite avec un ami pour un parcours qui l’a amené jusqu’en France. Il a survécu à la prison en Lybie et à la traversée de la Méditerranée en zodiac . Quand je l’ai rencontré, il avait 20 ans. Il vivait dans la rue, traumatisé par son parcours, et sans aucune ressource. Nous l’avons hébergé d’abord pour quelques nuits. Cela fait maintenant 5 ans. Adbou fait tellement partie de la famille, que j’ai décidé de l’adopter avec l’accord de mes 4 enfants.
La préfecture de la Somme vient de refuser son droit au séjour pour rapprochement familial, arguant notamment de son manque d’intégration en France. Comment être plus intégré qu’en étant adopté légalement par une famille française ?
A ce jour, il reste moins d’un mois à Abdou pour faire un recours au tribunal administratif. Montrons par vos signatures qu’Abdoulaye Sow Helbecque, mon fils, doit rester en France !