Ambrières (51) : L’agriculteur qui a tiré sur un cambrioleur gitan veut être jugé aux assises pour y être mieux entendu
La justice étudie ce jeudi si Jean-Louis Leroux, qui avait ouvert le feu sur un jeune cambrioleur en février 2020 dans la Marne, sera jugé pour tentative d’homicide, ou pour violences volontaires comme l’a décidé le juge chargé du dossier. L’agriculteur demande à être jugé aux assises espérant y être mieux entendu.
C’est une affaire devenue symbolique pour le monde agricole : celle de Jean-Louis Leroux, cet agriculteur de la Marne âgé de 46 ans poursuivi pour avoir, dans la nuit du 31 janvier au 1er février 2020, tiré sur un jeune voleur de carburant, issu de la communauté du voyage. « Ce qui est arrivé à Jean-Louis est l’affaire de tous », martelaient, en février 2020, les 600 agriculteurs rassemblés devant le palais de justice de Reims lors de la marche de soutien à leur pair, sur appel de la FDSEA de la Marne, pour dénoncer « l’abandon des territoires ruraux » et la « recrudescence des actes de malveillance » visant les exploitants. Après onze jours de détention, Jean-Louis Leroux avait été libéré sous contrôle judiciaire, et mis en examen pour tentative d’homicide volontaire.

Jean-Louis Leroux, agriculteur de la Marne âgé de 46 ans, est poursuivi pour avoir, dans la nuit du 31 janvier au 1er février 2020, tiré sur un jeune voleur de carburant, issu de la communauté du voyage.
Mais le 14 octobre 2022, le juge d’instruction ordonne la requalification des faits : l’agriculteur de la Marne n’est plus poursuivi pour tentative d’homicide volontaire mais pour des violences volontaires avec arme, gommant l’intention de tuer. Il devrait donc être renvoyé devant le tribunal correctionnel et non plus devant une cour d’assises.”
Pour Me Thomas Hellenbrand, avocat de la mère de la victime, il n’y a qu’une explication à cette requalification : « C’est la pression de la rue qui emporte la décision du juge. » La jurisprudence est constante sur cette question depuis 1930 : « Le fait de tirer à bout portant sur une zone vitale du corps de la victime crée une présomption d’intention homicide. » C’est lui qui a fait appel de la requalification des faits, que la chambre de l’instruction doit étudier ce jeudi.
65 plombs dans le ventre et 150 jours d’ITT
Le soir des faits, alerté d’une intrusion sur son exploitation à 1 h 45, Jean-Louis Leroux appelle son frère dans les trois minutes puis les gendarmes, vingt-cinq minutes après. Il ressort de la procédure qu’armés de fusils, les deux frères se rendent sur l’exploitation et prennent deux chemins différents pour encercler les intrus. Son frère tire en l’air quand Jean-Louis Leroux, après avoir effectué un tir de sommation au sol, tire à bout portant, à une distance comprise entre 3 et 4 mètres, sur l’un des intrus : Diego, 19 ans, se retrouve avec 65 plombs dans le ventre et 150 jours d’incapacité totale de travail.
Pour Me Thomas Hellenbrand : « Quand on tire avec un fusil de chasse dans le ventre d’un gamin à bout portant, c’est forcément qu’on est animé d’une intention de tuer. » En garde-à-vue, l’agriculteur reconnaissait d’ailleurs avoir prémédité le « plan ». Une information judiciaire du chef de tentative d’homicide volontaire avait donc été ouverte à son encontre le lendemain du drame. Avant d’être requalifiée en octobre.
Mais du côté de l’agriculteur, l’avocat de Jean-Louis Leroux, Me Gérard Chemla, a lui aussi, tout récemment, interjeté appel de l’ordonnance du magistrat instructeur. Rarissime. « Monsieur Leroux prend ses responsabilités : assumant d’avoir tiré à hauteur d’homme, il veut être jugé par ses juges naturels, soit les jurés de la cour d’assises », a-t-il expliqué.
« Il veut être jugé par ses juges naturels, soit les jurés de la cour d’assises »
Ce jeudi 26 janvier 2023, la chambre de l’instruction de Reims fera donc face à deux parties d’accord pour invalider la requalification des faits. Mais elle peut très bien suivre la décision du juge et rester sur des faits passibles de la seule correctionnelle si elle estime que la qualification de violences volontaires correspond mieux aux faits reprochés à l’agriculteur.
Quoi qu’il en soit, le futur procès sera scruté à la loupe par le monde paysan. Si Jean-Louis Leroux s’est fait justice lui-même c’est qu’il s’est senti abandonné au fond de sa campagne, à gérer son insécurité. Régulièrement visé par des vols, l’agriculteur était à l’origine de 22 procédures, toutes classées sans suite et de 13 interventions de la gendarmerie sur son exploitation.
« Pour lui, il s’agit d’une question de société et il veut pouvoir en parler avec les citoyens, au travers de l’expression de la justice populaire », poursuit Me Chemla. Pour l’avocat des parties civiles : « On ne peut pas justifier ce qui est lié à un manque de moyens en créant un faux procès : effacer la tentative d’homicide volontaire manifeste et renvoyer devant le tribunal correctionnel pour éviter que sur la place publique soient mises en évidence les carences des services de gendarmerie » estime Me Hellenbrand.