Amiens (80) : “Je me suis intégré, je me sens bien ici”, après 6 ans dans la ville, un jeune Ivoirien est menacé d’expulsion

A 21 ans, Moussa Diomandé a un CDI et un appartement à Amiens, mais fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français après un refus de titre de séjour. Incompréhensible pour le jeune homme, qui voit son avenir en France. Autour de lui, la solidarité s’organise.

Pour sa famille d’accueil, c’est une évidence : “sa vie est en France”.  Moussa Diomandé, jeune Ivoirien immigré en France, a des amis, un travail et un appartement à Amiens. Pourtant, la préfecture vient de refuser son titre de séjour, et l’oblige à quitter le territoire français.

Un CDI depuis deux ans

Le jeune homme ne comprend pas cette décision : “C’est triste, je suis quelqu’un de sérieux, respectueux, attentionné… Je me suis intégré, je me sens bien ici”. A 21 ans, Moussa est en CDI dans une entreprise de BTP amiénoise depuis déjà deux ans, et gagne 1400 euros nets par mois. Ce qui lui permet de payer le loyer de son appartement du centre-ville, où il vient d’aménager.

Contactée, la préfecture estime que “l’emploi occupé par Monsieur Diomandé est caractérisé par une très grande précarité qui ne paraît pas offrir une garantie suffisante d’emploi stable dans le temps”, ce qui a motivé son refus.

Moussa et sa “famille de coeur”, qui l’accueille depuis six ans. 

Une situation qui révolte le couple qui accueille Moussa. Laure Bruas et Véronique Quaglino l’accompagnent depuis son arrivée en France, il y a 6 ans. “Il y a un réel lien qui s’est tissé, sourit Laure. On est des mamans et Moussa c’est notre fils !”

Je ne laisserai pas partir Moussa. Je ne sais pas ce qu’il faut qu’on fasse, qu’on s’enchaîne, qu’on fasse une grève de la faim, qu’on se mette sous les roues de l’avion… mais s’il part, moi je pars avec lui.” – Véronique Quaglino, famille d’accueil de Moussa

En Côte d’Ivoire, personne n’attend Moussa. “S’il est parti, c’est parce qu’il n’avait plus sa place là-bas, son père n’est plus là et sa mère lui a dit « je ne veux plus de toi ici »”, explique Laure. Face aux difficultés financières de sa mère, seule pour s’occuper de ses enfants, Moussa a dû quitter son pays à 14 ans. Un véritable parcours du combattant commence. Après avoir traversé l’Algérie, le jeune homme est séquestré en Lybie. Il parvient finalement à traverser la Méditerranée dans une embarcation, qui sera secourue par une ONG.

Moussa pose le pied en Italie fin 2016. “C’était un peu compliqué pour moi la langue, je n’arrivais pas à m’intégrer. Comme je comprenais un peu le français, je me suis dit pourquoi pas la France. J’ai eu de la chance, j’ai réussi à rentrer. On m’a dit qu’il y avait beaucoup de réfugiés à Calais, que je pourrai prendre des renseignements là-bas. Puis je suis finalement descendu à Amiens.”

Le parcours d’intégration de Moussa Diomandé impressionne. Arrivé en 2017 à Amiens, l’Ivoirien de 21 ans a décroché un CAP, puis un CDI dans une entreprise du BTP. Mais la préfecture veut le renvoyer dans son pays.

Arrivé en France depuis bientôt six ans, Moussa Diomandé a été scolarisé au collège Guy-Mareschal et au lycée de l’Acheuléen. Il est diplômé d’un CAP de maçon au CFA Somme et travaille depuis plus d’un an avec un CDI dans une entreprise du bâtiment. Un parcours d’intégration remarquable pour ce jeune homme, originaire de la Côte d’Ivoire, qui a traversé l’Afrique de l’Ouest, subi de nombreuses souffrances en Libye avant de rejoindre l’Italie et poser ses valises à Amiens alors qu’il avait à peine 15 ans. Malgré son jeune âge, France Terre d’Asile a émis des doutes quant à sa minorité.

Du soutien

Peu importe, le jeune homme a pu compter sur des soutiens à Amiens, et surtout deux familles à Vers-sur-Selle et Saint-Valery-sur-Somme. Récemment, il a de nouveau sollicité une carte de séjour en préfecture, demande qui lui a été refusée vendredi dernier. Une obligation de quitter le territoire français lui a même été notifiée, «  alors qu’aujourd’hui, sa vie est en France et qu’il est l’exemple même d’une immigration positive  », souligne Laure Bruas, qui considère Moussa comme son fils.

Depuis vendredi dernier, une pétition est en ligne et a déjà recueilli plus de 790 signatures. Avec de très nombreux messages de soutien : «  Il a étudié avec courage. Il travaille maintenant dans un domaine qui manque de main-d’œuvre. Il a su s´intégrer  », «  J’ai la chance de connaître Moussa, un beau et bon jeune homme engagé et respectueux dans ce qu’il fait et auprès de celles et ceux qui l’entourent  »…

«  En juillet 2015, nous avons rencontré et accueilli un petit bonhomme tout juste arrivé de Côte d’Ivoire, épuisé et désorienté par un voyage long, dangereux et difficile. Nous lui avons ouvert notre foyer et l’avons accompagné, depuis, dans sa volonté farouche de s’intégrer à notre beau pays. Malgré les refus de reconnaître sa minorité et donc sa prise en charge par les services sociaux de l’ASE (aide sociale à l’enfance), nous avons réussi à le scolariser au collège Guy-Mareschal en classe de 3e. Il y a passé deux très belles années d’apprentissage et de sociabilisation  », insiste Laure Bruas.

« Nous sommes absolument déboussolés par cette décision préfectorale »

Moussa a poursuivi sa scolarité au lycée professionnel de l’Acheuléen en préparant un CAP de maçon en contrat d’apprentissage dans une société qui, grâce à son travail et son sérieux, l’a embauché en CDI en janvier 2022. Le jeune homme fait partie intégrante de deux familles dans la Somme, dont celle de Laure Bruas à Vers-sur-Selle. «  Voilà 6 ans que Moussa est en France, à Amiens et fort de ce contrat en CDI, il a déposé à la préfecture une demande de carte de séjour afin de régulariser sa situation. Nous avons appris vendredi que sa demande a été rejetée par le préfet de la Somme et j’avoue que nous sommes absolument déboussolés par cette décision.  »

Contactée ce mardi matin, la préfecture de la Somme n’a pas donné suite à notre demande d’explications. Selon nos informations, elle recommande un rapprochement familial avec ses proches en Côte d’Ivoire. Sauf que son père est décédé et que sa mère – qui a d’autres enfants à élever – n’a pas les moyens de subvenir aux besoins de la famille. «  À l’âge de 13-14 ans, il est parti à Abidjan faire sa vie en se contentant de petits boulots. Face aux difficultés, il a suivi le mouvement et le chemin de l’immigration. Aujourd’hui, c’est en France qu’est son avenir  », poursuit Mme Bruas. Sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français, Moussa va se rapprocher d’un avocat pour engager un recours. En attendant, un bel élan de solidarité est d’ores et déjà lancé.

Plus de contacts en Cote d’Ivoire

Ici, le jeune homme a d’abord été scolarisé au collège, puis au lycée, avant de prendre son envol. Mais sa minorité n’a jamais été reconnue, il n’a donc jamais été pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance.

Aujourd’hui, repartir dans son pays natal est “impensable” pour le jeune homme, qui n’a plus aucun contact avec sa famille. Pour contester la décision de la préfecture et demander un recours auprès du tribunal administratif, un avocat a été saisi. Sans cela, un délai de 30 jours est accordé après une notification d’obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Véronique Quaglino et Laure Bruas ont mis en ligne une pétition pour Moussa. Plus de 1200 signatures ont déjà été recueillies.

France3