Avignon (84) : Arrivé comme étranger malade du Mali il y a 9 ans, Boubacar Koné, chanteur et chauffeur de bus menacé d’expulsion, va être régularisé “à titre exceptionnel”
La mobilisation a payé pour Boubacar Koné, alias “Bouba résistant” : la préfecture annonce que ce chauffeur de bus malien du réseau Orizo s’est vu accorder une régularisation.
Originaire du Mali, Bouba est auteur compositeur interprète de Rap / Slam et maîtrise aussi le djembé. Son parcours pour arriver jusqu’en France l’amène à écrire des textes inspirés de ses valeurs, la nostalgie, sa fille… Bouba écrit et chante en français et en bambara pour sensibiliser le public à la résistance à tous les obstacles rencontrés dans la vie. C’est l’initiateur du projet Bouba Résistant.

Une forte pétition, signée par près de 2 400 personnes, demandait à la préfecture d’agir contre la menace d’expulsion brandie contre Boubacar Koné. Violaine Démaret, préfète de Vaucluse, a accédé à la requête : « Nous vous informons que la préfète de Vaucluse, a décidé d’accorder une régularisation à titre exceptionnel à Monsieur Koné, au vu de son dossier », nous indique ce jeudi la préfecture, sans toutefois pouvoir préciser, à ce stade, s’il s’agit d’un titre de séjour provisoire de quelques mois ou définitif.
Boubacar Koné, en France depuis près de neuf ans, était jusque-là embauché en CDI comme chauffeur de bus sur le réseau d’Avignon.
Selon les derniers courriers reçus par la préfecture de Vaucluse et le tribunal administratif de Nîmes, Boubacar ne démontrerait pas « avoir fixé le centre de ses intérêts en France » et qu’il n’exerce pas un métier en tension… Pourtant, chauffeur de bus figure bel et bien dans la liste des métiers dits en tension. Et Boubacar est loin d’être un inconnu dans les rues d’Avignon…
Et ce n’est pas tout ! Boubacar prend également le micro à ses heures perdues… Auteur de deux albums (Résistant et Horizon), il s’est même produit sur la scène de l’illustre Salle Benoît XII le 20 décembre 2019 dans le cadre d’un concert soutenu par la ville d’Avignon. Un concert qui lui a valu une belle couverture dans la presse locale…
Jusqu’à présent, on notait que j’étais intégré professionnellement et même artistiquement. Qu’est-ce que j’ai fait de mal? », se demande Boubacar, qui fait allusion à son activité parallèle de chanteur, lui qui a sorti deux albums (Résistant et Horizon) et même joué, fin 2019, sur la scène Benoît-XII à Avignon. « Arrivé comme étranger malade, on considère que son état de santé s’est amélioré [et] qu’il n’a plus besoin d’être en France pour poursuivre son traitement et doit revenir au Mali pour revenir avec un visa, développe Farid Faryssy. Sauf que s’il y retourne, il n’y reviendra pas avec un visa, mais pas du tout. »
Sollicitée, la préfecture n’a pas donné suite. Mi-janvier, dans un entretien à La Marseillaise, Violaine Démaret avait bien conscience, qu’avec les titres de séjour, la préfecture avait «le destin des gens entre nos mains ».
Arrivé en France le 25 juin 2014, Boubacar a multiplié les petits boulots pour s’en sortir. D’abord, comme beaucoup, dans les vignes de Tavel pour faire les vendanges, puis dans la restauration du côté d’Agroparc à Avignon, avant d’autres expériences professionnelles à Vedène comme agent de tri à la plateforme de valorisation des déchets de Suez, ou encore comme chauffeur livreur pour une entreprise de Rognonas spécialisée dans les fruits et légumes. Après avoir péniblement traversé la crise sanitaire, il a passé les formations nécessaires à l’exercice du métier de chauffeur de bus. Après plusieurs CDD, il a été embauché en CDI en novembre 2021.
« J’ai été adopté par tout le monde ici, je me sens bien, je voudrais continuer ma vie en France »
« C’est beaucoup de soulagement et de satisfaction. Je remercie les personnes qui se sont mobilisées et la préfète de nous avoir entendus », réagit Boubacar Koné. « Je vais pouvoir reprendre mon travail que j’aime tant, tout ce que j’avais mis en place. Ce n’était pas facile de surmonter tout ça même si j’ai gardé le moral. Je suis prêt à repartir de l’avant », assure le trentenaire, qui souhaite demander la nationalité française. « J’ai été adopté par tout le monde ici, je me sens bien, je voudrais continuer ma vie en France », explique Boubacar Koné, qui a aussi rencontré l’amour et espère pouvoir se marier cet été.