Bagneux (92) : « On a de l’urine jusqu’aux chevilles », les habitants désespérés dans un immeuble inondé d’excréments
Pour la seconde fois en un mois, la fuite d’une canalisation a inondé les parties communes d’un bâtiment situé à Bagneux (Hauts-de-Seine). Les locataires demandent à être relogés en urgence et assurent avoir alerté la mairie de cette situation à de multiples reprises, sans succès.
Bagneux (Hauts-de-Seine), ce vendredi. Les traces des dégâts restent visibles dans cet immeuble géré par la Semaba (Société d’économie mixte Agir Pour Bagneux), qui est sous administration de la ville.
Les traces de la fuite ont été nettoyées à la hâte après cinq jours de calvaire. Mais on entend encore les mouches voler au rez-de-chaussée et des traces d’excréments restent visibles sur les murs des parties communes. À Bagneux (Hauts-de-Seine), les locataires d’un immeuble situé au 1, impasse de la Renardière, ont passé la semaine au milieu des déjections après une fuite de canalisation survenue le 30 juillet dans un appartement abandonné situé au premier étage.

L’information, révélée ce vendredi matin, illustre la situation sanitaire désastreuse subie depuis des années par les quatre familles de locataires de ce petit immeuble vétuste. « On se sent abandonnés, on est livrés à nous-mêmes », témoigne, révoltée, Fatou Soumaré, dont la famille se partage deux appartements aux 2e et 3e étages. Craignant pour la santé de ses proches et celle des autres habitants, la jeune femme a déposé plainte ce mardi 1er août contre la ville de Bagneux pour « mise en danger d’autrui par personne morale ».
« On répare tout nous-mêmes »
« Nous avons subi la même fuite le mois dernier, c’était encore pire, raconte Selimata, la grande sœur de Fatou. On avait de l’urine jusqu’aux chevilles, et il avait aussi fallu attendre une semaine avant le nettoyage. » Outre ces fuites nauséabondes à répétition, l’immeuble, géré par la Semaba (Société d’économie mixte Agir Pour Bagneux) sous l’administration de la ville, cumule tous les vices de l’insalubrité : rats, cafards, moisissures au plafond, infiltrations d’eau, circuits électriques apparents et dangereux, plaintes qui se détachent des murs…
Bagneux (Hauts-de-Seine). Les habitants ont dû boucher comme ils le pouvaient la porte d’un appartement inoccupé d’où s’échappaient les immondices.
Bagneux (Hauts-de-Seine). Les habitants ont dû boucher comme ils le pouvaient la porte d’un appartement inoccupé d’où s’échappaient les immondices.
« L’hiver, on ressent aussi le froid car les portes qui mènent aux balcons ne ferment plus », ajoute Fatou. Ici, les familles vivent de la débrouille et effectuent elles-mêmes les travaux de cache-misère. « Il y a trois ans, le bailleur a fait refaire le carrelage et les salles de bains, mais autrement on répare tout nous-mêmes », témoigne Selimata Soumaré. Selon elle, de nombreux courriers d’alerte et demandes d’entretiens en mairie sont restés sans réponse.

Des moisissures réapparaissent au fil du temps dans les salles de bains.
Depuis le dernier sinistre, la famille a effectué une demande de relogement en urgence, sans succès jusqu’à présent. « On est en danger. J’ai un bébé âgé de 2 semaines, et l’experte qui est passée pendant l’opération de nettoyage nous a conseillé de porter des masques car il y a le risque qu’une bactérie dangereuse soit encore présente dans les parties communes », s’insurge Selimata.
Le bailleur « fait la sourde oreille »
L’immeuble n’avait en effet toujours pas été désinfecté ce vendredi. La canalisation défectueuse n’a pas non plus été réparée, au risque de voir une nouvelle fuite se déclarer. Les locataires, qui ont convenu de cesser de payer les 800 euros de loyer pour protester contre l’inaction du bailleur, ont pour seul interlocuteur un chargé de mission de la Semaba. « Mais il fait la sourde oreille à tout et nous raccroche au nez à chaque appel », critique Selimata.
« La Semaba est vouée à se séparer de cet immeuble », a pourtant admis hier le chargé de mission auprès d’Actu.fr lors de l’opération de nettoyage. Contacté, il n’a pas donné suite aux sollicitations du Parisien. D’après Fatou, l’immeuble pourrait être démoli, mais aucun locataire n’a été prévenu d’une telle décision.
« Pendant un temps, cette résidence était un no man’s land », reconnaît-on en interne à la mairie, qui évoque une « incertitude » sur l’appartenance ou non de cette résidence au bailleur. La Semaba, qui ne gère aujourd’hui plus qu’un petit patrimoine immobilier sur la commune, est bien propriétaire des lieux. Mais n’a semble-t-il pas les moyens de les réhabiliter.
Pas de relogement d’urgence prévu à ce stade
La ville de Bagneux indique que les difficultés de cet immeuble sont pourtant connues de ses services. Le bâtiment doit subir « une opération de curage et une réfection de l’électricité » en début de semaine prochaine. « Une inspectrice de l’hygiène doit également effectuer un contrôle. L’an dernier, elle n’avait pas relevé d’alerte particulière », indique-t-on en mairie.
Sans commenter la plainte des locataires, la ville indique qu’elle cherche maintenant une solution pérenne pour les habitants. Reste à savoir sous quelle forme. « Aucun relogement d’urgence n’est envisagé à l’heure actuelle », ajoute la municipalité.