Bande dessinée : “Dissident Club”, récit d’un journaliste pakistanais exilé en France, un roman graphique qui rappelle “L’Arabe du Futur”

Réfugié en France depuis 2018, le journaliste pakistanais Taha Siddiqui raconte son histoire dans une bande-dessinée parue ce 15 mars, Dissident Club.

C’est à la suite d’une tentative d’enlèvement en 2018 que le journaliste pakistanais Taha Siddiqui est contraint de s’exiler en France. Son parcours et son combat, il le raconte dans la bande-dessinée Dissident Club : Chronique d’un journaliste pakistanais exilé en France, parue ce mercredi. Co-écrit avec Hubert Maury, un ancien diplomate devenu auteur de bande-dessinée, le journaliste retrace une partie de sa vie d’exilé et de paria.

De son enfance dans une société faite d’interdits à sa tentative d’enlèvement, l’auteur raconte une vie de combat pour la liberté de la presse et l’accès à l’information, freinés par les fondamentalismes. Réflexion sur les dérives religieuses et la fracture d’une communauté, Taha Siddiqui dresse le portrait du Pakistan sur une trentaine d’année, non sans un humour libérateur.”

Le roman graphique rappelle “L’Arabe du Futur” de Riad Sattouf et le travail de Guy Delisle. ©”Dissident Club” Glénat

Un prix Albert Londres en 2014

Quand les parents de Taha quittent le Pakistan pour l’Arabie Saoudite c’est dans l’espoir d’une vie meilleure. Au pays de La Mecque, le quotidien du petit Taha est déjà régi par un islam rigoriste mais quand son père se radicalise, les choses se corsent. C’en est fini des coloriages de Batman et Superman, place à des livres moins profanes. Désormais les super-héros de Taha seront les leaders religieux ! En pleine Guerre du Golfe, la police des mœurs commence à sévir et bientôt il faudra aussi renoncer au foot de rue. C’est en l’an 2000 qu’une brèche s’ouvre…

La famille se réinstalle alors au Pakistan où l’armée a pris le pouvoir. À l’âge de 16 ans, Taha rêve de faire des études d’arts, mais son père a d’autres projets pour ce fils qui rechigne à suivre le droit chemin. En attendant, Taha va découvrir une société faite d’interdits que la jeunesse s’efforce de contourner. Jamais il ne s’est senti aussi libre malgré l’insécurité ambiante. Les attentats du 11 septembre vont profondément l’impacter, tout comme son entrée à l’université. Après avoir connu l’école coranique et la censure, Taha va progressivement s’émanciper et trouver sa voie… il sera journaliste et débutera sa carrière sur une chaîne « hérétique » au grand dam de son père ! Sa détermination, sa foi en son métier et son engagement politique feront de lui une cible comme tant d’autres condisciples à travers le monde.

Après un retour dans les années 2000, le jeune Taha rêve d’école d’art mais devient journaliste « par accident » au fil de ses expériences. Ses sujets sur le terrorisme et le non-respect des Droits de l’Homme par les autorités pakistanaises lui valent la reconnaissance de ses pairs, mais également de nombreuses menaces de mort. En 2014, un reportage co-signé pour l’émission Envoyé Spécial sur l’interdiction du vaccin contre la poliomyélite par les Talibans en Afghanistan lui vaut l’obtention du prestigieux prix Albert Londres.

Cible d’attaques et de pressions diverses, le journaliste échappe de peu à une tentative d’enlèvement en 2017, alors que des hommes armés interceptent son taxi. Comprenant qu’il n’est plus en sécurité dans son pays natal, Taha Siddiqui s’exile en France, avec femme et enfant. Il est aujourd’hui professeur à Sciences Po, mais également détenteur du bar Dissident Club à Paris, lieu dédié aux lanceurs d’alerte.

En 2018, Taha Siddiqui lance Safenewsrooms.org, une plateforme assurant aux journalistes de la région de pouvoir partager leurs informations et articles en toute sécurité. Récompensé d’un prix de Reporters sans Frontières la même année, le site n’est plus accessible au Pakistan depuis 2018.

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