Belgique : Anvers, capitale européenne du trafic de drogue
Le port d’Anvers en Belgique est devenu le principal point d’entrée de la drogue en Europe. En 2022, la police belge a saisi plus de 100 tonnes de cocaïne, soit vingt-cinq fois plus qu’il y a sept ans. Depuis plusieurs années, les autorités belges battent des records de saisies de drogues au sein du port d’Anvers, dans le nord du pays. À tel point qu’en 2022, pour la première fois, les douanes ont mis la main sur plus de 100 tonnes de cocaïne.
Un niveau jamais atteint qui inquiète outre-Quiévrain, la Belgique ne souhaitant pas se transformer en narco-État.

La cocaïne rejoint Anvers dans des conteneurs de produits légaux.
« La drogue voyage avec des produits légaux »
Si le port d’Anvers est devenu un « hub », un point d’entrée principal de la drogue en Europe, c’est en premier lieu en raison de la taille de ce dernier, explique Laetizia Paoli, chercheuse en criminologie à l’université catholique de Louvain. « Chaque année, plus de 200 millions de tonnes de produits transitent par le port d’Anvers. Et la drogue voyage avec des produits tout à fait légaux. »
Et seulement une toute petite partie des conteneurs sont fouillés. C’est donc autant d’opportunités pour les trafiquants de faire passer leurs produits en toute discrétion.
« La drogue est souvent cachée dans des conteneurs de café ou de fruits et légumes et est très difficile à repérer », notamment car les conteneurs de fruits et légumes ne peuvent pas être retenus trop longtemps, sous peine de pourrissement.
Gangs locaux et corruption
Après l’arrivée au port d’Anvers, des petites mains de gangs locaux prennent le relais. « En général, ils se saisissent du conteneur et vont récupérer la drogue ailleurs. »
Ces receveurs sont très difficiles à appréhender pour les forces de l’ordre. « Il y a constamment de nouvelles têtes et certains travaillent pour plusieurs gangs à la fois. »
Et ils bénéficient parfois d’aide. En effet, si les cas restent rares, la police fédérale belge a mis au jour une certaine corruption privée, le plus souvent des dockers qui sont attirés par un surplus d’argent ou « un paiement en nature ». « Certains deviennent des membres à part entière de ces organisations », raconte Laetizia Paoli.
Actes de violence en hausse
De la concurrence qui fait grimper la violence. Selon la justice belge, plus de 200 actes de violence liés au trafic se sont produits à Anvers ces cinq dernières années.
Un chiffre inquiétant mais « incomparable avec ce qu’il se passe dans des vrais narco-États, caractérisés par des violences récurrentes, la plupart du temps mortelles », expose Laetizia Paoli.
De plus, comme le rappelle la spécialiste, les gangs qui sévissent à Anvers ne sont que des intermédiaires. « Ils agissent sur commande d’un groupe mafieux plus important ou pour un cartel colombien qui gère le trafic transcontinental. »
Combat perdu d’avance ?
Mais comment contrer un tel trafic ? Pour être pleinement efficaces, les autorités devraient être capables « de prévenir la corruption » au sein du port et de « punir beaucoup plus durement les actes de violence ».
Mais, selon la criminologue, « il n’est pas vraiment possible de restreindre le flux » de drogue qui arrive en Europe et plus particulièrement à Anvers. En atteste le fait que les prix « n’ont pas augmenté ces derniers mois », signe que l’approvisionnement est toujours suffisant.
La législation européenne se trompe un peu de combat car, selon Laetizia Paoli, la bataille contre la drogue ne peut pas être gagnée en l’état. « Nous sommes actuellement dans une politique antidrogue comparable à celle de la prohibition aux États-Unis. Ce qui favorise les trafics. »
Mettre en place « une régulation stricte et encadrée sur certaines drogues plus douces, comme le cannabis », qui est de loin la principale drogue importée sur le Vieux Continent, permettrait de « réduire une part importante des revenus du crime organisé », expose Laetizia Paoli.
On rendrait ainsi le trafic de drogues telles que la cocaïne plus compliqué à organiser. Une voie qui ne semble pourtant pas privilégiée par les instances gouvernementales.
Le Havre, nouvel Anvers ?
Depuis plusieurs mois, le port du Havre fait lui aussi l’objet de saisies records de drogue, particulièrement de cocaïne. En février, 1,9 tonne de poudre blanche a ainsi été saisie dans le port normand.
Le port de marchandise pourrait-il devenir le nouvel Anvers ? Rien n’est moins sûr, selon la spécialiste Laetizia Paoli.
Premièrement, le trafic de marchandises est encore nettement inférieur à celui du port flamand. Dans un second temps, il faudrait que les autorités soient capables de vraiment restreindre la quantité de drogues qui transitent par Anvers, ce que la criminologue juge « hautement improbable ».
Les trafiquants internationaux, pris à la gorge au niveau du port d’Anvers, pourraient alors penser à changer de « hub ». « C’est le principe du ballon de baudruche, explique la criminologue. Si vous compressez un point, cela fait grandir d’autres parties du ballon. »
Mais là encore, rien ne garantit que Le Havre serait le point d’entrée privilégié des narcotrafiquants internationaux, alors que le port de Normandie est pour l’instant privilégié pour la drogue en provenance des Antilles et de Guyane. « Il y aurait d’autres candidats potentiels, tels que les ports de Hambourg, d’Amsterdam ou encore de Bruges. »