Biologie : Les « bons » et « mauvais » gènes font leur retour et alimentent les théories racialistes
Maintes fois démontées depuis leur émergence au XIXᵉ siècle, les thèses d’une inégalité génétique entre les populations humaines – dont s’inspirent notamment des auteurs de crimes racistes – refont surface à la faveur de publications scientifiques autour des études du génome.
les humains à peau sombre n’auraient pas les bons. Et personne n’y peut rien.” avait d’excellentes lectures. Il les a consignées dans le manifeste qu’il a posté sur Internet, le 14 mai 2022, avant de parcourir les 320 kilomètres séparant son domicile de la ville de Buffalo. Là, dans un supermarché, il a abattu dix personnes afro-américaines à l’arme automatique. Le jeune homme de 18 ans ne s’était pas seulement radicalisé à la lecture des exégèses du « grand remplacement » de Renaud Camus ou de la blogosphère suprémaciste : tout au long des 180 pages, souvent délirantes, de son testament raciste, apparaissent des références puisées dans des revues scientifiques, parfois parmi les plus prestigieuses.

Dans son texte, Payton Gendron rassemble d’abord des statistiques pointant la surreprésentation des Afro-Américains parmi les auteurs de crimes et de délits aux Etats-Unis, leur moindre réussite scolaire ou leurs scores plus faibles aux tests de quotient intellectuel (QI) que les Blancs. Son interprétation ? Rien à voir avec le déclassement social et économique, les inégalités territoriales et environnementales, l’héritage du déracinement culturel et de trois siècles d’esclavage. Tout, écrit-il, est affaire de gènes : les humains à peau sombre n’auraient pas les bons. Et personne n’y peut rien.”
C’est « la science » qui en atteste. Une « science » qui est d’abord, dans l’esprit du tueur, un galimatias de travaux marginaux et de piètre qualité, parfois ouvertement racistes et publiés par des revues de seconde zone. Mais dans les références de Payton Gendron surgissent également des travaux de référence conduits par des consortiums de chercheurs internationaux et publiés dans des journaux prestigieux et influents. Parmi eux, deux analyses génomiques respectivement publiées en 2011 et 2018 dans Molecular Psychiatry et Nature Genetics : pour elles, des traits aussi complexes que l’intelligence et la réussite scolaire sont inscrits, pour une part substantielle, dans nos gènes. […]