Bourg-en-Bresse (01) : « Son rêve, c’était de faire du pain », menacé d’expulsion, l’apprenti-boulanger guinéen Mory Mara contraint d’arrêter de travailler
Arrivé en France il y a quatre ans, le jeune guinéen, âgé de 20 ans, en situation irrégulière, ne demande qu’à continuer à vivre de sa passion, la boulangerie. La mobilisation s’organise autour de son employeur, le gérant de la boulangerie Maison Lou Pan, et l’association « Patrons et patronnes solidaires ».
Son parcours de larmes et de souffrances, de la Guinée à la France, en passant par l’Algérie, la Libye et l’Italie, il ne veut plus l’évoquer. « Je ne peux pas, sinon je pleure », dit Mory Mara, 20 ans, attablé comme un simple client dans la boulangerie Maison Lou Pan, avenue Amédée-Mercier, à Bourg-en-Bresse. Appliqué, il écrit à la préfète de l’Ain, avec l’aide de Patricia Hyvernat, présidente de l’association Patrons et Patronnes solidaires.
Depuis dimanche 12 février, le jeune Guinéen en situation irrégulière, sous la menace d’une mesure d’OQTF (obligation de quitter le territoire), n’a plus le droit de travailler pour son patron, qui aurait pourtant bien besoin de lui.
Le 24 janvier dernier, son employeur, Frédéric Peuillon, gérant de la boulangerie qui emploie 22 salariés dans le quartier de la Croix-Blanche, a reçu une mise en demeure de la préfecture, lui ordonnant de mettre fin au contrat de travail de son protégé sous quinze jours. L’incompréhension est totale, alors que les difficultés de recrutement sont là.

Boulanger en CDI, Mory Mara, sous la menace d’une obligation de quitter le territoire, espère pouvoir être régularisé et reprendre son travail.
« Son rêve, c’était de faire du pain »
« Ce gamin, il a toujours voulu être boulanger. C’est sa passion. Son rêve, c’était de faire du pain. Lorsqu’il est venu nous voir pour demander à faire un stage avec son éducateur, il y a quatre ans, le seul mot qu’il connaissait en français pratiquement c’était le mot boulangerie », raconte Fred Peuillon, très agacé à l’idée de perdre un de ses meilleurs éléments.
« Mory c’est un super-collègue, toujours souriant, toujours à l’heure, jamais en arrêt. Lui, il ne veut pas dépendre des aides, il a son appartement, il s’est toujours débrouillé. Punir les gens qui travaillent, c’est tellement débile et nous, on ne veut pas s’en séparer », ajoute une de ses collègues vendeuse, Tania Alvès.
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Fred Peuillon, le patron de la boulangerie Maison Lou Pan, à la Croix-Blanche (Bourg-en-Bresse), ne veut pas perdre son protégé.
Au-delà du cadre professionnel, c’est aussi une aventure humaine qui est mise à mal. « On s’est engagés pour lui, on l’a accueilli, accompagné. Ma femme lui achetait des livres d’enfants de 3 à 6 ans pour qu’il apprenne à lire, à écrire. On lui a appris à se faire à manger, à repasser son linge. On a investi beaucoup de temps et d’énergie pour en faire un citoyen qui travaille, qui cotise, qui paye sa CSG. Et tout ça, pour lui dire maintenant qu’il doit s’en aller ? C’est un non-sens », poursuit le patron boulanger.
« Ils sont comme une famille »
Mory Mara, de son côté, n’oubliera jamais : « J’ai rencontré des gens incroyables. Le Noël, je ne l’ai jamais fait tout seul. Pour moi, ils sont comme une famille »
Si un appel est toujours en cours au tribunal administratif sur la mesure d’OQTF, le boulanger de la Croix-Blanche n’a pas souhaité se mettre dans l’illégalité. À la fin du préavis, le contrat de travail sera rompu, alors qu’il peine à recruter. Une aberration selon lui : « On a fait toutes les démarches administratives bien comme il faut pour obtenir sa régularisation. On a été de bons petits soldats et à l’arrivée, on s’aperçoit qu’en tant qu’employeurs, on n’est pas entendus. On est juste des numéros d’Urssaf. »
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Jean-François Debat redemande la régularisation de Mory Mara
Le maire de Bourg-en-Bresse a appris dans Le progrès, ce mardi 14 février, la situation actuelle de ce jeune Guinéen de 20 ans, salarié d’une boulangerie et menacé d’une obligation de quitter le territoire.
Le maire de Bourg-en-Bresse a appris dans notre article de ce mardi 14 février la situation actuelle de Mory Mara, jeune Guinéen de 20 ans, salarié de la boulangerie Lou Pan, sous la menace d’une obligation de quitter le territoire (OQTF) doublée d’une injonction de la préfecture mettant en demeure ses employeurs de mettre fin à son contrat de travail. Il estime sur Twitter la situation « inacceptable ».

Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse.
Dans un communiqué, il rappelle que, dès le mois d’août 2022, il était intervenu auprès de la préfète de l’Ain pour demander la régularisation de Mory Mara.
Le maire de Bourg-en-Bresse vient de la saisir directement, ainsi que le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, « pour que cesse cette procédure d’expulsion absurde et ubuesque et pour que Mory Mara soit régularisé ».
Le maire argumente que « Mory Mara travaille dans un secteur qui peine à recruter et où le besoin de main-d’œuvre est important et constant. Il a fait la démonstration de sa parfaite insertion et de sa volonté de se former, d’apprendre son métier. Ses employeurs ont besoin de lui et louent son investissement professionnel. Que demander de plus ? Cette situation, qui n’est pas inédite, est ubuesque et inhumaine à la fois ».