Chronique d’une récupération : Lola, massacrée par Dahbia Benkired, une migrante algérienne sous OQTF

Le 14 octobre 2022, Lola, 12 ans, a été retrouvée morte dans une malle abandonnée dans la cour de son immeuble. Dahbia Benkired, 24 ans, a été mise en examen, suspectée du meurtre et viol de la fillette, et incarcérée à la prison de Fresnes. En une semaine, l’image de Lola a traversé l’Europe, de manifestations identitaires en France jusqu’aux tribunes de stades en Serbie.

Vidéo du reportage disponible sur le canal Telegram des Envahis : https://t.me/LesEnvahis2/2321

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Ce documentaire dévoile l’opération d’influence et de manipulation pour faire du visage de cette adolescente un symbole récupéré par l’extrême droite sur les réseaux sociaux. L’entourage de la victime raconte comment il a vécu cette récupération politique. Le documentaire sera suivi d’un débat animé par Karim Rissouli.”

Dès l’annonce de la mort atroce de la jeune Lola, assassinée le 14 octobre 2022 à Paris, la fachosphère s’enflamme. Sur Twitter, elle la relie aussitôt au trafic d’organes, sujet tendance du moment. Lorsque deux jours plus tard, apparaît la nationalité algérienne de la principale suspecte, un influenceur identitaire partage l’information avec la photo de l’adolescente, récupérée sur la page Facebook de sa mère, et déclenche alors l’affaire Lola. Au mépris de la volonté des parents qui « ne voulaient aucune récupération, de quelque nature que ce soit, » insiste leur ami et porte-parole, Daniel Boys. Désormais, pour les réseaux d’extrême droite, le meurtre de la jeune fille ne doit être vu que par le prisme de l’immigration.

Le responsable numérique du parti Reconquête, Samuel Lafont, est particulièrement offensif : « C’est quelqu’un d’une efficacité assez redoutable, l’un des principaux artisans de la campagne d’Éric Zemmour sur les réseaux sociaux qui a été un carton monumental, » explique Raphaël Grably, chef du service Tech de BFM TV. Rapidement, il fait monter le #Lola, qui devient le sujet le plus discuté sur la plateforme Twitter, via l’astroturfing, une technique de manipulation d’opinion et d’algorithmes. « C’est faire croire qu’un mouvement vient de la masse des utilisateurs alors que ce n’est pas le cas. »

Lorsque l’enquête révèle un profil de SDF déséquilibrée, Eric Zemmour profite de cette absence de mobile pour diffuser — dans le prolongement de la théorie conspirationniste du « grand remplacement » — la notion de « francocide », inventée un mois plus tôt pour sa rentrée politique. « Avec cette idée, explique Christophe-Cécil Garnier, journaliste spécialiste de l’extrême droite pour Streetpress, qu’il y aurait un système qui voudrait la mort des Français blancs. »
Cette récupération atteint également des sphères médiatiques influentes, notamment les chaînes CNews et C8, du groupe Bolloré, qui les premières relaient la situation irrégulière de la suspecte, sous le coup d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français). 

Dans son émission, Cyril Hanouna soutient que la meurtrière présumée de Lola doit être envoyée en prison pour le restant de ses jours, sans procès, sans expertise psychiatrique. Record d’audience, pic à deux millions de téléspectateurs. Une montée en puissance du déni de l’État de droit, selon Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice. « Derrière chaque crime, il y a toujours évidemment une multitude de facteurs, environnementaux, psychiatriques, familiaux, sociaux, et surtout les circonstances du crime, souligne Paul Conge, journaliste et auteur. Ça ne les intéresse absolument pas. »

Un appel à manifester et une pétition sont lancés sur les réseaux sociaux avec le #Justice pour Lola, devenu cri de ralliement pour l’extrême droite. Les manifestations se multiplient sur le territoire français et ailleurs en Europe. Les parents de Lola, par l’intermédiaire de leur avocate, réitèrent leur demande : que le nom et l’image de leur fille ne soient pas utilisés à des fins politiques. « C’était l’enfer pour eux », raconte Daniel Boys. « On veut de la pensée, s’indigne leur avocate Clotilde Lepetit. C’est bien tout ce qui nous reste pour réparer, pour demain… On veut de la justice au sens noble du terme, on y croit encore. »

La Fabrique du mensonge

Cet épisode de récupération express est aussi la conséquence d’une décennie d’avancée discrète des influenceurs d’extrême droite en ligne : faire croire au grand remplacement ou à la menace du francocide, c’est aussi rendre des propos extrêmes acceptables et à terme pouvoir gagner dans les urnes. Pour eux, l’affaire Lola n’est plus un drame, elle est une opportunité. 

Or, cette agitation en ligne peut avoir des conséquences : le passage à l’acte de groupes qui s’organisent, appellent à descendre dans la rue pour attaquer physiquement ce qu’ils appellent « les envahisseurs ». « On a vraiment vu l’ultra droite sortir du bois, raconte Paul Conge, si bien que ça a beaucoup inquiété les autorités et les services de renseignement. » La crainte des services de l’Etat de voir se produire sur notre territoire un attentat terroriste d’extrême droite, comme le monde en a déjà connu… Depuis 2017 en France, neuf attentats ont été déjoués, 60 personnes susceptibles d’y participer ont été interpellées. 

Aujourd’hui, la meurtrière présumée de Lola est en détention provisoire. La famille de l’enfant, elle, a quitté Paris pour se réfugier dans le nord de la France, loin de toute cette récupération médiatique et politique. « C’était insupportable de voir arracher son deuil à cette famille, se souvient une parente d’élève. Quand l’extrême droite récupère ça, elle attaque aussi les valeurs du quartier. C’est un quartier qui est mixte, où il y a toutes les populations qui sont représentées, qui vit ensemble. » Un mois après, dans le 19e arrondissement où vivait Lola, une marche apolitique a enfin lieu, réunissant proches et voisins, au cours de laquelle sa mère lira un texte : « Si nous voulons savoir et comprendre, il ne faut pas répondre à la violence par la violence… »

La Fabrique du mensonge

Les intervenants

Daniel Boys, ami de la famille de Lola ; Clotilde Lepetit, avocate des parents de Lola ; Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice ; Alexandre Silva, avocat de Dahbia, la principale suspecte ; Jean-Yves Camus, politiste, spécialiste de l’extrême droite ; Claire Sécail, chercheuse au CNRS, spécialiste des médias ; Samuel Bouron, sociologue spécialiste des identitaires ; David Chavalarias, mathématicien et auteur de Toxic Data, comment les réseaux manipulent nos opinions ; Hervé Le Bras, démographe, auteur de Il n’y a pas de grand remplacement ; Raphaël Grably, chef du service Tech BFM TV ; Paul Conge, journaliste et auteur Les grands remplacés ; Damien Delseny, chef du service police-justice Le Parisien ; Julie Rigoulet, rédactrice en chef  Le Nouveau Détective ; Vincent Bresson, auteur Au cœur du Z  ; Paul Larrouturou, journaliste politique TF1-LCI ; Clément Lanot, journaliste indépendant ; Serge Tisseron, psychiatre, membre du Conseil national du numérique ; parents d’élèves du collège Georges-Brassens (Paris 19) ; Christophe-Cécil Garnier, journaliste spécialiste de l’extrême droite pour Streetpress

Le débat

Après la diffusion du documentaire, Karim Rissouli proposera un débat avec Erwan Lecœur, sociologue, Nathan Devers, écrivain, Camille Vigogne Le Coat, journaliste pour C politique et L’Express et Félix Seger, réalisateur du documentaire.

La Fabrique du mensonge : Affaire Lola, chronique d’une récupération est diffusé dimanche 21 mai à 20.55 sur France 5
À voir et revoir sur france.tv

Sur LumniLa Fabrique du mensonge est disponible dans son intégralité.

« La Fabrique du mensonge » est une collection documentaireportée par Karim Rissouliqui explique comment naissent et se propagent les fausses informations, qui en sont les instigateurs et comment ont contre-attaqué ceux qui en ont été la cible.