Crise des opiacés : Les Sackler, la famille la plus haïe d’Amérique

“Toute la beauté et le sang versé” est un documentaire, Lion d’or à Venise, qui raconte le combat de la photographe Nan Goldin contre les Sackler. Ces mécènes américains, propriétaires d’un laboratoire pharmaceutique, sont à l’origine de la crise des opiacés.

Sacré Lion d’or à Venise en 2022, le documentaire présentera le travail de la photographe américaine Nan Goldin, ainsi que sa lutte contre l’entreprise pharmaceutique Purdue Pharma, groupe responsable de la commercialisation de l’OxyContin, produit ayant provoqué la crise des opioïdes aux États-Unis.

Il y a six ans, leur nom était associé à la philanthropie, à leur contribution conséquente au monde de l’art et de la médecine. Aujourd’hui, les Sackler sont l’une des familles les plus haïes d’Amérique. En cause : leur implication dans la crise des opiacés, responsable de 500.000 morts aux États-Unis. En promouvant agressivement l’OxyContin, un puissant antidouleur produit par leur société Purdue Pharma, la richissime famille a démocratisé l’utilisation non contrôlée des opiacés dans le pays, provoquant une gigantesque épidémie d’overdoses et rendant dépendants des milliers d’Américains.

Aux Etats-Unis, l’oxycodone fait des ravages dans la population. Entre 1999 et 2019, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies ont recensé un demi-million d’overdoses mortelles dues aux opioïdes dans le pays. Parmi les 70 630 décès causés par la drogue en 2019 aux Etats-Unis, 70% sont imputés aux opioïdes. Soit 6% de plus qu’en 2018. L’épidémie semble incontrôlable. Elle fauche toutes les classes d’âge et sociales. Les raisons de ce fléau sont très simples. Sur le marché des médicaments, les principes actifs de l’oxycodone sont présents dans l’OxyContin.”



Nan Goldin et les militants devant les locaux de Purdue Pharma, à Stamford, avec les banderoles “200 morts par jour”.

Les Sackler ont amassé une fortune colossale en fondant Purdue Pharma. Jusqu’à sa mise en faillite en 2019, la société commercialisait le puissant antidouleur OxyContin, à l’origine de la plus grave crise sanitaire aux Etats-Unis. Poursuivis par la justice américaine, les multimilliardaires philanthropes se terrent dans l’Oberland bernois.

Dans la capitale de l’Illinois, les corps désarticulés par les overdoses jonchent les trottoirs; les sans-abris émaciés par les drogues dures errent dans les rues. Ces zombies du XXIe siècle sont les victimes d’une des plus graves crises sanitaires aux Etats-Unis. Celle de l’oxycodone, le frère jumeau de l’héroïne. Ce puissant agent psychoactif analgésique appartient au groupe des opioïdes, c’est-à-dire des drogues dérivées de l’opium ou produites synthétiquement. On le retrouve dans les médicaments sous forme de chlorhydrate d’oxycodone: une poudre blanche, inodore et cristalline. Une fois consommé, l’oxycodone provoque une puissante sensation d’euphorie (un high) et une dépendance qui l’est tout autant, car cette drogue affecte directement le centre de récompense du cerveau.

En février 2017, c’est l’Etat du Massachusetts qui porte plainte contre les Sackler. Puis celui de New York, en 2019. D’autres Etats américains leur emboîtent le pas. Sentant le vent tourner, le clan transfère la fortune de Purdue et de ses filiales dans des sociétés enregistrées au Luxembourg, dans les îles Vierges britanniques et dans l’Etat du Delaware, selon l’enquête au peigne fin de Bloomberg Businessweek. Le magazine, qui a consulté la centaine de pages de documents financiers, souligne que les Sackler ont transféré 10,8 milliards de dollars de cette manière entre 2007 et 2018.

En 2019 toujours, la procureure générale de l’Etat de New York, Letitia James, enfonce le clou. Elle cite à comparaître une dizaine d’institutions financières liées à la famille Sackler. Elle souligne que plus de 1 milliard de dollars auraient été transférés sur des comptes en Suisse. Contacté en 2019 par le magazine en ligne Republik et la SRF, l’Office fédéral de la justice soulignait ne pas avoir reçu de demande d’entraide judiciaire par les autorités américaines. A l’automne 2019, Purdue Pharma se met en faillite dans le cadre d’un accord à l’amiable pour court-circuiter les poursuites judiciaires.

Le Figaro