Demandeurs d’asile : Où sont les femmes ?
Si l’immigration en provenance de pays comme l’Afghanistan, le Bangladesh ou la Turquie est très majoritairement masculine, la répartition hommes-femmes dans le cadre de la demande d’asile est plus équilibrée pour les pays d’Afrique. Éléments d’explication.
Au compte-gouttes, quelques-unes arrivent à s’échapper. Le 7 septembre, cinq Afghanes célibataires – coiffeuse, présentatrice de télévision ou encore présidente d’université – ont trouvé refuge en France après avoir fui le régime des talibans. Un chiffre faible, pourtant vécu comme une petite victoire par les autorités françaises, les associations de soutien et une partie des médias. Car près des deux tiers des demandes d’asile enregistrées auprès de l’Ofpra, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, émanent d’hommes.

En 2022, la part des femmes dans les 115 091 premières demandes d’asile enregistrées par l’Ofpra n’était que de 36,1 %. En soi, cette proportion n’est pas étonnante si elle est mise en relation avec la dangerosité forcément dissuasive des parcours, que l’on sait plus grande encore pour les femmes que pour les hommes. Dans le détail, néanmoins, les chiffres peuvent surprendre : la considérable dégradation de la situation des Afghanes aurait pu faire croître leur part, d’autant que leur nationalité reste depuis plusieurs années en tête des demandes d’asile. En 2021, elles représentaient 20,8 % des démarches pour rejoindre l’Hexagone.
En 2022, le chiffre montait à 22,7 %, ce qui s’explique notamment par les opérations d’évacuation coordonnées par la France à la suite de la chute de Kaboul. L’opération dénommée « Apagan » se poursuit d’ailleurs à faible intensité et concerne essentiellement la prise en charge de familles. Plus largement, dans toute l’Europe, les demandeurs d’asile afghans sont essentiellement de jeunes hommes. En France, leur moyenne d’âge dépasse à peine 27 ans.”
Mixité empêchée
La première difficulté que rencontrent les Afghanes pour s’échapper de leur prison à ciel ouvert est l’interdiction qui leur a été signifiée de voyager sans un homme à leurs côtés. Une contrainte qui frappe les femmes célibataires ou veuves, comme celles qui sont arrivées récemment à Paris. Elles ne peuvent s’en sortir qu’avec l’aide de passeurs plus ou moins fiables et conciliants, ou bien d’hommes de leur famille. Dans ces conditions, on comprend que les hommes ne tiennent pas à être accompagnés de leurs épouses, sœurs ou cousines pour entamer leur périple. Une disparité qui a conduit la secrétaire d’État à l’Asile et la Migration belge, Nicole de Moor, à annoncer, le 29 août, que les hommes seuls en situation irrégulière, même demandeurs d’asile, ne seraient plus mis à l’abri jusqu’à nouvel ordre. Priorité à l’hébergement des femmes isolées et des familles.

Cette faible mixité n’est cependant pas propre aux Afghans. On la retrouve aussi chez les Bangladais ou les Turcs. Ces deux nationalités se plaçaient, en 2022, aux deuxième et troisième rangs de la demande d’asile en France. La part des femmes n’y est respectivement que de 7 et 12 %. De même, la demande d’asile pakistanaise n’est féminine qu’à 8,9 %. Les Iraniennes sont davantage à vouloir échapper à la férule des mollahs : 37 % de la demande d’asile. Les femmes qui prennent les routes méditerranéennes pour rejoindre l’Union sont en revanche plus nombreuses à atteindre les frontières de l’Union.
Ainsi, les Ivoiriens, qui constituent la sixième nationalité en matière de demande d’asile, selon les chiffres de l’Ofpra, sont très majoritairement des Ivoiriennes, à plus de 66 %. De même, pour la République démocratique du Congo (RDC), en 2022, une fois sur deux, ce sont des Congolaises (50,1 %) qui sont venues chercher notre protection. Cette parité se retrouve également chez les Guinéens (56,6 % de femmes). La demande d’asile malienne se révèle aussi un peu plus féminine (52,6 %). L’explication est sans doute culturelle : dans ces pays, le sens de la famille est très fort. On vit ensemble, on part donc ensemble, et la femme occupe une place centrale dans le foyer.

La situation est encore plus logique pour les Albanais et les Géorgiens, qui accèdent à l’Union européenne sans avoir besoin d’un visa. En 2022, il y a eu presque autant de femmes albanaises (49,2 %) que d’hommes à demander l’asile, tant il s’agit d’une immigration à caractère familial. Il en va de même pour les Géorgiens : 42,3 % de femmes. On peut y ajouter les Colombiens, qui atteignent presque la parité (46,9 % de femmes), et les Vénézuéliens, qui la dépassent (51 %) – ces données reflètent la condition des femmes dans leur pays d’origine, leur place dans des sociétés plus ou moins libéralisées. L’émancipation par le voyage est une possibilité pour celles qui bénéficient déjà d’une certaine autonomie. Quant aux autres, les chemins de la liberté et de l’égalité relèvent encore du songe.