Députés ivres, rupture de stock à la buvette… : Y’a-t-il un problème d’alcoolisme à l’Assemblée nationale ?
Face aux interminables débats sur la réforme des retraites, certains députés – tous bords confondus – auraient tendance à s’enivrer…
“Dans la buvette et dans les jardins, c’était alcool à gogo jusqu’à 3 heures du matin”. Voilà plusieurs semaines que la question de l’alcoolisation des députés fait débat dans l’hémicycle. Alors que l’examen du texte de la réforme des retraites impose un rythme infernal aux élus, certains auraient tendance à trouver réconfort dans l’alcool, Au point qu’une interdiction des boissons alcoolisées à la buvette ne soit évoquée par le député RN Sébastien Chenu.

La buvette, ça va devenir un problème”, lâche une élue Renaissance. “Certains commandent des coupettes dès 11 heures du matin, d’autres sont au rhum à 16 heures… Au début de l’examen du texte, j’ai vu un député se faire ramasser par les serveurs de la buvette tellement il était mal”. Un député Insoumis, qui dément, aurait même été aperçu en train de vomir dans une poubelle.
“Je vois plus de vieux députés LR qui boivent que de députés LFI…”
Bien sûr, certains élus usent de ces accusations pour salir le camp adverse. “Chez nous, on blague sur le fait que les Insoumis seront plus chauds ce soir parce qu’ils seront passés par la buvette”, nargue un député macroniste. Réponse de la Nupes : “ça fait partie de l’anti-LFI primaire. C’est assez classique de décrire l’ennemi comme un soûlard. Mais je vois plus de vieux députés LR qui boivent que de députés LFI…”
Pour régler ce problème, la première questeure Marie Guévenoux (Renaissance), chargée de la gestion administrative et financière, a sollicité ses équipes afin de comparer la consommation d’alcool de cette mandature avec celle des précédentes. En attendant, les résultats qui seront dévoilés lors de la prochaine réunion du bureau le 7 avril prochain, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a demandé à chaque président de groupe de gérer le comportement de leurs membres.
Une tradition parlementaire solidement ancrée
Beaucoup relativisent, invoquant une tradition parlementaire solidement ancrée. « C’est ma septième mandature et j’ai toujours vu des incidents liés à l’alcool », assure un cadre de l’Assemblée. « Il y a vingt-cinq ans, le problème de l’alcool était plus fort », renchérit Sébastien Chenu. D’autres évoquent la spécificité du travail des parlementaires, notamment dans leurs circonscriptions : « En France, quel que soit le territoire, on estime que la convivialité est liée au fait de boire, résume un poids lourd macroniste. Quand vous avez cinq cérémonies de vœux par jour, chaque fois on vous propose un verre. À vous d’imposer vos limites. »
Lever le pied sur le rythme intense des débats
Pas facile pourtant, poursuit cet élu, de s’astreindre à telle discipline, d’autant plus quand les esprits s’échauffent : « Dès qu’il y a suspension de séance, vous allez prendre un verre à la buvette pour relâcher la pression du chaudron. Et ça devient régulier. J’ai vu des gens devenir alcooliques… » Pour beaucoup, cette « pression », intense dans les dernières semaines d’affrontement sur le recul de l’âge légal de départ à la retraite, a pu favoriser certains écarts. « Quand on est enfermés depuis quinze jours et qu’on est dans une situation de stress permanent, ça peut arriver d’aller boire un coup pour décompresser », plaide un député Renaissance.
C’est d’ailleurs surtout face au rythme effréné des discussions sur la réforme, et à la violence des échanges dans une assemblée éclatée en quatre blocs antagonistes, que la tentation du petit remontant gagnerait du terrain. « On est le seul Parlement européen à continuer le travail de nuit, peste un député MoDem. Il faut arrêter. Si certains boivent un coup, c’est qu’il faut tenir des rythmes qui ne sont pas normaux. »
Un député écologiste implore même : « Ne faites pas fermer la buvette ! Dans une Assemblée très tumultueuse, c’est un lieu préservé du combat politique où on peut souffler un peu. J’aime bien y papoter avec des collègues macronistes. » Personne, au fond, ne préconise une cure de désintoxication forcée des parlementaires. Mais plutôt de lever le pied sur le rythme intense des débats, en somme, afin d’éviter aux députés d’être tentés de lever le coude…