Drones : La filière française réclame désespérément une zone de tests longue distance afin de rattraper son retard

La filière française du drone pousse à la création d’une zone d’essais longue distance pour les drones civils et militaires, comme celles lancées en Espagne, au Royaume-Uni et en Allemagne. Une zone dans la région de Cahors est déjà identifiée. Problème: le ministère en charge des Transports ne répond pas. 

Le dossier est sur la table de Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports, depuis l’automne. Nom de code: Zeldda, pour Zone d’expérimentation longue distance pour drones aériens. Rédigé par un comité rassemblant industriels du drones (association Drones4Sec, Parrot, Eos Technologie, Aeraccess), élus, généraux à la retraite et laboratoires de recherche (Onera pour la recherche aérospatiale), le document d’une cinquantaine de pages appelle le ministère à lever les freins à la création de plusieurs zones d’essais longue distance pour les drones civils et militaires. Une première pourrait être lancée à très court terme dans la région de Cahors, préconise le document. Deux autres pourraient suivre, l’une en zone maritime, l’autre en haute montagne.

Pourquoi ce projet, évoqué en janvier par la Lettre A? Le constat des promoteurs du projet Zeldda est sans appel: la France, déjà en retard sur le développement de drones par rapport aux Etats-Unis, Israël ou la Turquie, est l’un des seuls pays à ne pas disposer.”

Le Strix 425, du fabricant bordelais Eos Technologies.

Le dossier est sur la table de Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports, depuis l’automne. Nom de code: Zeldda, pour Zone d’expérimentation longue distance pour drones aériens. Rédigé par un comité rassemblant industriels du drones (association Drones4Sec, Parrot, Eos Technologie, Aeraccess), élus, généraux à la retraite et laboratoires de recherche (Onera pour la recherche aérospatiale), le document d’une cinquantaine de pages, que Challenges a pu consulter, appelle le ministère à lever les freins à la création de plusieurs zones d’essais longue distance pour les drones civils et militaires. Une première pourrait être lancée à très court terme dans la région de Cahors, préconise le document. Deux autres pourraient suivre, l’une en zone maritime, l’autre en haute montagne.

Pourquoi ce projet, évoqué en janvier par la Lettre A? Le constat des promoteurs du projet Zeldda est sans appel: la France, déjà en retard sur le développement de drones par rapport aux Etats-Unis, Israël ou la Turquie, est l’un des seuls pays à ne pas disposer pas de zone de tests longue distance. L’Hexagone dispose bien de sites d’essais de taille limitée, comme le C2RD (Centre régional de ressource drone) de Pourrières, dans le Var, ou le Cesa Drones en Gironde (Centre d’essais et de services sur les systèmes autonomes). Mais ceux-ci sont de taille limitée, ou contraints par une piste de longueur insuffisante.

Les Français testent leurs drones à l’étranger

Les autres pays européens sont bien mieux armés, assure le rapport: l’Allemagne et le Royaume-Uni ont trois zones de type Zeldda chacun, l’Espagne quatre. Les Etats-Unis en ont sept, réparties sur leur gigantesque territoire. La France fait figure de mauvais élève. “Les constructeurs doivent s’adapter à ce manque spécifiquement français, souligne le rapport. Ils sont contraints d’effectuer leurs tests à l’étranger, en payant très cher et en mettant en péril leur propriété intellectuelle.”

Une bonne partie des tests de drones français a ainsi lieu en Espagne, au Maroc, au Sénégal ou en Estonie. “Nous faisons nos tests en Afrique de l’Ouest, ce qui génère un poids logistique et financier important”, indique Jean-Marc Zuliani, directeur général du fabricant de drones militaires Eos Technologie, basé à Mérignac (Gironde), spécialiste des engins pour les forces spéciales.

Certains de ces sites sont aussi connus pour attirer des yeux et des oreilles indiscrètes. “Certaines zones sont de véritables nids d’espions, avec des gens clairement là pour capter des technologies”, assure Thierry Berthier, conseiller scientifique de la Fédération professionnelle européenne des drones de sécurité (Drones4Sec).

Pour éviter ces écueils, certains constructeurs français, comme le toulousain Delair, ont acheté leur propre site de test, mais ceux-ci sont de taille limitée, et ne permettent pas des vols à longue élongation.

Cahors en pole position

Le rapport appelle à réagir immédiatement, en lançant une première zone Zeldda dès cette année. “Il s’agit d’un sujet de compétitivité de l’industrie française du drone, assure Victor Vuillard, président de Drone4Sec, et directeur sécurité de Parrot. Les fabricants ont besoin de cette infrastructure: tout retard nous pénalisera face à nos concurrents américains, chinois, israéliens ou européens.” 

L’autre argument majeur, c’est que la filière ne réclame pas de subsides publics. “La première zone pourrait ouvrir en quelques semaines, sans aucun soutien financier de l’Etat”, souligne Thierry Berthier.

Les promoteurs du projet Zeldda ont déjà identifié une zone. Selon le document consulté par Challenges, celle-ci, constituées de deux espaces en ailes de papillon, est située dans la région de Cahors (Lot). Elle permettrait des vols de 100km aller-retour au-dessus de zones très faiblement peuplées. Gérée par un aérodrome public partenaire, cette première zone permettrait de tester les drones, de réaliser des démonstrations aux clients, mais aussi de former les élèves télépilotes.

Extrait du rapport ZELDDA remis au ministère des transports Crédit : ZELDDA / Challenges

Extrait du rapport Zeldda remis au ministère chargé des Transports.

Elle serait accessible, selon le rapport consulté par Challenges, aux engins civils et militaires, des drones à voilure tournante aux drones tactiques de 500kg et 15m de diamètre. “L’altitude de vol normale serait de l’ordre de 500m, avec une liberté d’évoluer entre 0 et 1.000 mètres, indique Thierry Berthier. Le bruit serait quasi-nul: les drones sont tous électriques.” 

D’autres sites sont étudiés pour la création de deux zones supplémentaires: une en environnement maritime, et une autre en haute montagne.

Une troisième étape serait la création de couloirs reliant ces zones, des sortes d’autoroutes à drones (Skyways). C’est ce que prépare le Royaume-Uni, qui travaille sur une “Superhighway” de 265km reliant les villes d’Oxford, Milton Keynes, Cambridge, Coventry et Rugby.

Pas d’impulsion politique

Si l’armée de terre est, selon Intelligence Online, favorable au projet, le ministère chargé des Transports, qui a reçu le dossier il y a six mois, n’a pas donné de réponse. La DGAC (Direction générale de l’aviation civile), le régulateur de l’aérien, ne semble pas vouloir avancer sur le sujet, même si la DSAC Sud, sa branche régionale, a participé au comité de pilotage du projet Zeldda. Les initiateurs du projet espéraient une impulsion au niveau politique, avec un arbitrage favorable du ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune. Mais là encore, la réponse se fait attendre. Interrogé à plusieurs reprises par Challenges, le cabinet du ministre n’a pas répondu.

“Nous avons besoin de l’autorisation de la DGAC, ou à défaut de la création d’une zone dérogatoire, avec un couloir aérien dans laquelle la responsabilité des vols est transférée au constructeur du drone”, indique Thierry Berthier. En attendant, les drones français poursuivent leurs vols d’essais à l’étranger.

Challenges