Être apprenti jadis
Alors que la politique publique récente mise sur l’alternance et vise le million d’apprentis, l’historien Steven L. Kaplan revient sur la pratique de l’apprentissage en France depuis l’Ancien Régime. Voici plus de trois siècles que cette question suscite des controverses…
On sait qu’Emmanuel Macron et son gouvernement ont installé l’apprentissage parmi leurs préoccupations principales dans le domaine de l’éducation et de l’emploi. Ainsi qu’il advient toujours, les controverses actuelles, théoriques ou concrètes, appellent un recul temporel.

Voici plus de trois siècles que cette question, qui est d’une grande portée sociale, suscite des controverses à la fois parmi les acteurs de la vie politique et économique et parmi les auteurs soucieux de réfléchir à sa place dans le monde du travail. Steven Kaplan, professeur émérite à l’Université de Cornell, aux Etats-Unis, vient de consacrer à l’apprentissage un ouvrage impressionnant qui imposait que je l’invite. Il travaille depuis toujours sur l’Ancien régime, la Révolution française et sur leurs traces jusqu’aujourd’hui.
La chronique, dans la longue durée, du pain et des boulangers est l’un de ses sujets favoris, à la rencontre de son goût avisé des bonnes choses de chez nous et de son souhait de faire s’enrichir mutuellement l’histoire des subsistances et celle du monde du travail. De ce fait, il était voué à s’attacher à ce thème de l’apprentissage, qui dépasse de beaucoup le seul champ de la formation professionnelle et de l’insertion des jeunes générations. Nous allons voir avec lui qu’il s’agit de l’élaboration des normes collectives, des représentations de l’enfance et de l’adolescence, enfin de la marche de l’économie au gré des formidables mutations technologiques qu’elle a connues.”
Nous allons retrouver, dans ce champ spécifique, un débat insubmersible. Celui qui oppose les thuriféraires d’un libéralisme omnipotent et ceux qui pensent que, celui-ci, livré à lui-même, ne donnera jamais le meilleur des mondes possibles et qu’il revient donc à l’État, à ses lois et à ses contrôles, d’en réguler, au profit de la collectivité, les excès et les égoïsmes, dans le présent et dans le long terme. Et le long terme, c’est ici notre affaire.
Archives diffusées
- Chanson “Maître Pierre” interprétée par Yves Montand en 1948, composée par Henri Betti, paroles de Jacques Plante.
- Extrait de la chronique de la Ligue des Droits de L’homme d’Émile Kahn consacrée à l’édit de 1776 de Turgot contre les corporations, diffusée le 25 mars 1950.
- Chanson “L’arrivant” de Jean-François Piron dit Vendôme-la-Clef-des-Cœurs, surnommé le Béranger du Compagnonnage (mi-XIXe siècle), interprétée par Abel Boyer, 1969.
- Extrait de Toinou, le cri d’un enfant auvergnat d’Antoine Sylvère (1930), lu par Anne Rotger dans “Les Chemins de la connaissance” de Jacques Munier et Anice Clément sur France culture, le 1er janvier 2004.
- Valéry Giscard d’Estaing, extrait de son discours d’inauguration du Centre de Formation des Apprentis de la Chambre des Métiers des Deux Sèvres, à Niort, le 12 octobre 1979.
- Interview de deux apprentis en ébénisterie, extrait d’un reportage réalisé au Centre de formation des Apprentis d’Orléans, diffusé sur France culture le 7 juin 2003.
- Générique de fin : chanson “Choisis ton métier” interprétée par Yvette Girard en 1956, paroles de Francois Llenas et Georges Berard, musique de Claude Teissedre.
Bibliographie
- Steven L. Kaplan, Transmettre, soumettre, socialiser. Essai sur l’apprentissage de Colbert à la Grande Guerre, Fayard, 2023.
- Steven L. Kaplan, La fin des corporations, Fayard, 2001.