Grève inédite à Disneyland Paris : Le climat social est tendu chez Mickey

Spectacles et parades annulés, manifestation inédite et spontanée dans le parc le 23 mai 2023, le climat social à Disneyland Paris est très tendu. Du jamais vu selon les syndicats.

Le contexte social est tendu à Disneyland Paris. Au point de perturber la magie des spectacles : mardi 23 mai 2023, plus de 500 salariés en colère ont même manifesté sur Main Street. L’habituelle parade a ainsi été remplacée par un défilé de salariés dont une grande partie avait revêtu un gilet jaune. Une mobilisation inédite.

Pour tenter d’endiguer ce mouvement de colère, la direction du parc d’attractions a reçu l’ensemble des syndicats vendredi 26 mai. Quelques mesures de soutien au pouvoir d’achat ont été proposées mais pas de quoi « éteindre l’incendie », selon les syndicats. L’UNSA et la CGT, rejoints par le SNS et le SIT 77 ont ainsi appelé officiellement à une mobilisation mardi 30 mai.

Mobilisations spontanées et spectacles annulés

Car jusque-là, il s’agissait de mobilisations spontanées de salariés exaspérés, réunis au sein d’un mouvement intitulé « MAI » (Mouvement anti-inflation). Grèves, débrayages, à plusieurs reprises, les parades et spectacles du parc d’attractions ont dû être annulés, les personnages des points de rencontre étaient absents et les princesses du pavillon des princesses… sont arrivées en retard. De quoi ébrécher la magie du parc.

« C’est historique ce qu’il s’est passé. Les salariés ont même organisé une assemblée générale autonome », souligne Ahmed Masrour, de l’UNSA. « Ça témoigne d’un vrai ras-le-bol général qui touche beaucoup de corps de métiers de l’entreprise », ajoute Dorothée Argence, de la CFE-CGC.

Ne faut-il pas y voir un échec des syndicats, pourtant nombreux au sein de Disneyland Paris ? « Nous avons accompagné ces mouvements et nous poursuivons notre rôle en restant à l’écoute. Les salariés sont exaspérés, la colère déborde », estime Fabien Fabien Beiersdorff de la CGT.

Plusieurs mouvements de protestation ont éclaté dans le parc et en coulisse depuis la mi-mai. Les salariés demandent des revalorisations de salaires dans le contexte d'inflation actuel.

Si les syndicats disent avoir « accompagné » ces mouvements de protestation spontanés.

Les horaires adaptés, le fond de la fronde à Disney

Des mobilisations qui n’arrivent pas dans n’importe quel contexte. Il semble que le vent de contestation venu des parcs en Angleterre et aux États-Unis ait essaimé jusqu’en France où l’instauration des horaires adaptés faisait déjà l’objet d’une vive contestation depuis octobre 2020.

Un an après, en octobre 2021, la CGT s’était d’ailleurs mobilisée, seule, contre cette nouvelle organisation installée au nom de la flexibilité. « Nous préférons privilégier les échanges plutôt que les actions », reconnaît Dorothée Argence.

Mais la CFE-CGC a sollicité l’entreprise à de nombreuses reprises pour faire état de la gronde qui couvait autour des horaires adaptés. Nous n’avons pas été écoutés”. – Dorothée Argence, CFE-CGC

La situation aggravée par le contexte économique

Sur ce climat global, se sont ainsi ajoutés l’inflation et les problèmes de recrutement qui ont mis le feu aux poudres. Ahmed Masrour brosse le tableau :

Non seulement ces horaires adaptés sont lourds à vivre, mais les employés doivent aussi pallier aux absences liées au manque de staff. En plus de l’inflation et de l’annonce des excellents résultats de l’entreprise”. – Ahmed Masrour, de l’UNSA

Collectivement et individuellement, les organisations syndicales ont toutes relayées ce mécontentement général. Si les demandes varient – 2% de hausses des salaires pour certains, 200€ d’augmentation nette par mois pour d’autres, mais aussi doublement du paiement des dimanches ou encore la revalorisation de l’indemnité kilométrique – toutes appelaient à l’anticipation de la négociation annuelle, alors que se profilent les élections des représentants du personnel à la rentrée prochaine.

En 2022, celles-ci avaient notamment débouché sur une hausse de 3% pour tous en 2022, et 5,5% en 2023 ainsi que deux primes de 500€ chaque année. Soit cinq revalorisations des minimas depuis janvier 2022, amenant selon la direction à 12% de hausse des plus bas salaires.

Des « mesures exceptionnelles » de la direction du parc…

C’est dans ce contexte que s’est tenu le rendez-vous de vendredi à l’issue duquel la direction a fait plusieurs propositions « a titre exceptionnel », indique une note interne.

Nous n’ignorons pas que certains d’entre vous éprouvent de sérieuses difficultés sur le plan financier. (…) Dans ce contexte particulier et soucieuse de votre bien-être, notre équipe de direction a rencontré aujourd’hui ses partenaires sociaux pour proposer des mesures à titre exceptionnel.” – Note interne de Disneyland Paris

À ce titre, l’entreprise propose ainsi l’avance de la prime du 13e mois, payée en deux fois au sein de l’entreprise, la possibilité de monétiser les congés non pris et les heures supplémentaires ou de les placer sur le compte épargne, ainsi qu’une prime de partage de la valeur de 125€ net pour « les Cast members éligibles ».

Par ailleurs, les dates des négociations annuelles ont été légèrement avancées à la fin août, contre septembre-octobre, habituellement.

… jugées insuffisantes par les syndicats

« Ils ont pris des mesures pour pas cher », tance Fabien Beiersdorff.

En somme, ils ont donné du pouvoir d’achat aux salariés avec leur propre argent. C’est se moquer du monde”. – Fabien Beiersdorff, CGT

« Ce sont des mesurettes posées sur une jambe de bois. Pas de quoi éteindre le feu », réagit de son côté Dorothée Argence. « La montagne a accouché d’une souris », conclut de son côté l’UNSA… avant d’appeler à la mobilisation mardi 30 mai, avec la CGT. Le climat social ne semble pas prêt de s’apaiser.

La politique s’en mêle

Avec près de 16 000 employés, Disneyland Paris est le premier mono-employeur de Seine-et-Marne. La situation n’a donc pas manqué d’interpeller les partis de gauche écologistes du département. Vendredi 26 mai, le Parti radical de Gauche, la Gauche républicaine et socialiste, le Parti socialiste, Générations et Place publique ont cosigné un communiqué commun en soutien aux salariés mobilisés. Une action assez inédite, depuis les grèves de 2006.

Sans « fustiger l’entreprise », porteuse d’emploi et de développement économique pour le territoire, les représentants veulent rappeler à Disneyland Paris sa « responsabilité sociale ».  « Il est essentiel que cette entreprise (…) qui bénéficie depuis sa création d’un fort accompagnement et soutien des pouvoirs publics montre qu’elle assume également en matière sociale l’exemplarité qu’elle prétend avoir en matière économique et sociétale », peut-on lire dans le communiqué. Le président du PRG 77 et chef d’équipe à Disney, David Charpentier, résume : « L’attitude de l’entreprise préoccupe les responsables de gauche. La situation est tendue et complexe, il y a tous les ingrédients d’un cocktail explosif ». 

La Marne