“Initiative politique d’ampleur” : Le nouveau baratin d’Emmanuel Macron pour faire patienter

Se prêtant au jeu de l’explication de texte auprès du Figaro Magazine durant son retour d’Océanie, le chef de l’État continue d’inventer de nouvelles échéances pour se dégager de la marge de manœuvre politique. Tout en tirant un bilan en demi-teinte des émeutes urbaines du mois de juillet.

Emmanuel Macron ne sélectionne jamais au hasard les médias où il s’exprime. La rançon du centrisme. Pour son vol de retour d’Océanie, le chef de l’État a choisi Le Figaro Magazine, hebdomadaire de la droite conservatrice, pour donner sa lecture des derniers événements qui ont marqué les Français. En premier lieu, bien sûr, les émeutes urbaines du début de l’été. En s’adressant à ce lectorat particulier, en forte demande d’autorité, proche des Républicains (LR) mais toujours susceptible de se réfugier in fine dans le courant central par affinité économique, le président cherche à soigner sa fragile assise.

Emmanuel Macron ne sélectionne jamais au hasard les médias où il s’exprime. La rançon du centrisme. Pour son vol de retour d’Océanie, le chef de l’État a choisi Le Figaro Magazine, hebdomadaire de la droite conservatrice, pour donner sa lecture des derniers événements qui ont marqué les Français. En premier lieu, bien sûr, les émeutes urbaines du début de l’été. En s’adressant à ce lectorat particulier, en forte demande d’autorité, proche des Républicains (LR) mais toujours susceptible de se réfugier in fine dans le courant central par affinité économique, le président cherche à soigner sa fragile assise.

Dans ses propos, plusieurs choses à relever. D’abord, de nombreux médias ont isolé ce passage où le locataire de l’Élysée annonce, pour la fin août, une « une initiative politique d’ampleur ». Quel est ce nouveau baratin ? Selon ses mots, il ne s’agirait nullement de chercher de nouvelles « coalitions », terme toujours aussi mal adapté au cas français, très éloigné de ce qui peut prévaloir en Allemagne ou dans les pays anglo-saxons. Emmanuel Macron dit plutôt vouloir « réunir autour d’un projet clair et simple tous ceux qui veulent s’y retrouver, sans leur demander d’adhérer à tout ».

Rien à tirer des LR

La réalité est celle-ci : le président de la République a compris qu’à court et moyen termes, il n’y avait strictement rien à tirer des LR au-delà de soutiens ponctuels sur certains projets de loi. Et encore, des textes rabotés afin qu’ils n’offusquent pas grand monde. Échaudés par la séquence des retraites, les principaux dirigeants du parti – Éric Ciotti, Bruno Retailleau, Olivier Marleix, Gérard Larcher – se cramponnent désormais à une posture d’opposants fermes. Tout en sachant que leur électorat résiduel menace, à tout moment, de les abandonner au profit de Marine Le Pen ou des héritiers du macronisme.

Dans ces conditions, et la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale étant toujours aussi relative, il ne reste à Emmanuel Macron qu’à troquer une formule pour une autre. En octobre dernier, sur France 2, il affirmait vouloir une « alliance » avec LR et les centristes du groupe LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires). En mars, sur TF1, il appelait sa Première ministre Élisabeth Borne à « bâtir un programme de gouvernement » et à « élargir la majorité ». En parallèle, son Conseil national de la refondation est resté quasi mort-né. Va, donc, pour cette « initiative » à laquelle personne ne sera obligé d’adhérer.

Vraie-fausse menace de 49.3

« Il n’y a rien dedans, analyse à chaud un député Renaissance adepte des manœuvres de coulisse. Borne a eu son bail à Matignon renouvelé par défaut et là, c’est une manière pour Macron de reprendre la main sur l’élargissement de la majorité. Pas sûr que ça marche… »En effet, on peut en douter : l’automne sera l’occasion d’une nouvelle cascade d’articles 49 al. 3 pour faire adopter les textes budgétaires et on voit mal le projet de loi de Gérald Darmanin sur l’immigration – dont le calendrier reste à préciser – recueillir le moindre assentiment de la part de LR. D’où cette drôle de mise en garde du chef de l’État, qui se veut « plus gaulliste que les gaullistes » : « Je ne veux pas être bousculé par des majorités de fortune ou des blocages […] J’utiliserai ce que la Constitution me permet de faire. »

Imagine-t-on Élisabeth Borne engager sa responsabilité sur ce texte, grillant ainsi la seule cartouche (hors budget) de la session parlementaire ? Alors même qu’elle et son ministre de l’Intérieur ne sont pas tout à fait raccord sur le sujet ? Que le second espère toujours prendre la place de la première ? « Je comprends la logique consistant à passer en force sur une loi populaire, mais il ne faut pas minimiser les capacités de communication des oppositions par rapport à celles de la majorité », poursuit notre élu macroniste, plutôt proche de Darmanin. Autrement dit, la coalition Renaissance-MoDem-Horizons serait trop divisée sur l’immigration pour parler d’une seule voix et valoriser un tel usage de l’article 49 al. 3. Sur le papier, en tout cas.

Bilan mitigé des émeutes

Enfin, la traduction concrète de cette « initiative » présidentielle est d’autant plus incertaine que le bilan du chef de l’État sur les émeutes paraît pour le moins mitigé. D’après lui, elles reflètent non pas « un sujet d’immigration actuelle », mais « un sujet plus large de difficultés de certaines villes, de difficultés socio-économiques, de difficultés d’intégration dans certains cas et de fonctionnement de la démocratie à l’heure des ­réseaux sociaux ». Emmanuel Macron admet tout de même auprès du FigMag que la France a « très clairement un problème d’intégration ».

Difficile de voir, avec ce diagnostic en demi-teinte, sur quoi il pourra susciter un consensus avec d’autres que ses propres troupes. Ajoutons qu’une partie d’entre elles font pression pour qu’Emmanuel Macron s’en tienne à son projet originel d’émancipation, fruit de son logiciel social-libéral, plutôt qu’à des solutions autoritaires.

Pour injecter du « en même temps », comme à son habitude, le président offre quelques gages de lucidité sur les méfaits de nos « sociétés modernes et postmodernes » et de ce « monde liquide »… Sans en tirer de véritable conclusion. Faute de solutions, soyons grave et créons l’attente ! « C’est le récit permanent de ce second quinquennat, conclut notre député. Il se fait par séquences, par teasings pour annoncer la suite. Il y a eu les “100 jours”, maintenant c’est autre chose. On va s’habituer à vivre par semestre. » Comme on disait devant nos bons vieux PC Windows : ça charge.

Marianne