Italie : Pour l’exécutif, la main russe est derrière la crise migratoire

Le 13 mars, le ministre de la Défense transalpin, Guido Crosetto, a accusé le groupe paramilitaire russe Wagner d’être à l’origine de l’augmentation des flux migratoires arrivant en Italie depuis l’Afrique. Une théorie qui divise la presse transalpine, et qui a fait réagir Evgueni Prigojine lui-même.

Depuis la tragédie de Steccato di Cutro, naufrage au large des côtes calabraises qui a causé la mort de 79 personnes, les flux migratoires en Méditerranée sont à nouveau au centre du débat politique en Italie. Voilà plusieurs jours que la presse progressiste pointe du doigt une responsabilité des gardes-côtes transalpins (et donc indirectement de l’exécutif), qui auraient sous-estimé un signalement de Frontex alertant sur le danger encouru par l’embarcation.

Dans ce contexte tendu, la Première ministre, Giorgia Meloni, a décidé d’approuver rapidement un décret qui, parmi d’autres mesures, durcit les peines à l’encontre des trafiquants d’êtres humains. Mais, depuis le lundi 13 mars, ce sont surtout les déclarations du ministre de la Défense, Guido Crosetto, sur Wagner qui alimentent le débat médiatique.

Il me semble que l’on peut désormais affirmer que l’augmentation exponentielle du phénomène des migrants qui partent des côtes africaines est aussi, dans une mesure non-négligeable, causée par une stratégie claire de guerre hybride menée par la division Wagner. Celle-ci est en train d’utiliser son influence, qui est considérable dans certains pays africains.”

Des mots qui semblent répondre à une stratégie de communication planifiée, puisque “le ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a aussi mis en cause le rôle de cette milice privée russe”.

“Beaucoup de migrants arrivent depuis des zones contrôlées par le Groupe Wagner, a affirmé l’homme politique, je ne voudrais pas qu’il y ait une tentative en cours de pousser des migrants vers l’Italie.” Un départ depuis les côtes libyennes Le Groupe Wagner est impliqué en Syrie, mais aussi sur le continent africain, au Soudan, au Mali, en République centrafricaine, au Mozambique et en Libye – même si les autorités locales nient parfois sa présence –, rappelle le quotidien turinois La Stampa.

C’est en Libye que l’influence de Wagner dans l’augmentation des flux migratoires serait clairement visible, argumente Il Messaggero : “Les premiers signaux étaient déjà apparus en septembre de l’année dernière, pendant la campagne électorale, lorsque à bord de bateaux de pêcheurs, des milliers de migrants ont commencé à arriver en Italie depuis l’est de la Libye”, indique ce quotidien centriste. “Ils ne venaient plus des côtes de Tripoli, où les gardes-côtes libyens décident de bloquer ou non les départs, mais des ports de Derna et Tobruk, où c’est encore le maréchal Haftar qui commande et où agit le Groupe Wagner.”

Dans cette portion du territoire libyen, les paramilitaires liés à la Russie contrôleraient les puits de pétrole. Mais ils auraient également une influence sur le trafic d’êtres humains, note le journal romain, qui rapporte qu’une réduction serait appliquée aux migrants qui embarquent depuis cette zone : Pour cette raison, “les services secrets italiens considèrent qu’une forme de pression sur l’Italie est en cours à cause de son soutien à l’Ukraine”, affirme Il Messaggero.

Assez de mercenaires pour organiser le trafic ?

Toutefois, l’hypothèse du gouvernement d’un Groupe Wagner qui ouvrirait et fermerait les robinets de l’immigration depuis l’Afrique ne convainc pas tout le monde en Italie. Vice-présidente du Parlement européen et députée de centre gauche, Pina Picierno accuse, dans les colonnes du site d’information progressiste Linkiesta, l’exécutif de vouloir trouver un bouc émissaire pour les échecs de sa politique migratoire. “En Libye, les milices de Wagner sont présentes depuis 2018, mais leur rôle a été redimensionné et ne concerne pas la gestion de la ‘machine migratoire’, affirme la politique. Il suffit de penser qu’en Libye il y a environ 2.000 mercenaires.

Un nombre important mais sûrement insuffisant pour contrôler territorialement, politiquement et militairement le trafic d’êtres humains.” Un scepticisme partagé par le quotidien libéral Il Foglio, qui parle même d’une “théorie du complot”, puisque “la diminution des arrivées de Syriens et d’Égyptiens durant ces derniers mois donne à penser que les départs depuis la “Il s’agit surtout de Syriens qui payent 5.000 dollars en moyenne pour leur voyage, contre les 8.000 qui sont demandés aux Afghans et Pakistanais qui partent depuis d’autres localités sur la côte.”

Le fondateur du Groupe Wagner, Evgueni Prigojine, a lui-même réagi sur son compte Telegram à la polémique soulevée par les déclarations du ministre italien… dans des termes moins subtils. Après avoir nié toute implication dans de migrants, le sexagénaire a ponctué son message d’un “gros c**” à l’adresse de Guido Crosetto.

Corriere della Sera