Jeanne d’Arc : L’impatiente Pucelle

Voilà 92 ans que la guerre de Cent Ans a débuté lorsqu’une jeune fille tout juste débarquée de Lorraine fait son entrée dans la ville de Chinon. C’est là qu’en février 1429, Jeanne rencontre pour la première fois le dauphin Charles appelé à devenir le roi de France Charles VII quelques mois plus tard. En mai 1431, on retrouve Jeanne au milieu d’un bûcher à Rouen, qui lui donne la mort à seulement 19 ans. En l’espace de deux ans, elle est devenue la figure emblématique de cet interminable conflit associant à jamais son nom à la victoire française sur les Anglais “bottés” hors du territoire par cette jeune femme, fille de paysans.

Jeanne d’Arc demeure l’un des personnages les mieux connus du Moyen Âge grâce aux procès dont elle a été l’objet. Le premier est le plus connu puisqu’il conduit à sa condamnation à mort. Le second est plus tardif. En 1456 a lieu un procès en réhabilitation. Lors de ces deux dates, de nombreux témoignages sont mis par écrit, comme les normes juridiques le veulent, conservés puis transmis. C’est ainsi que le déroulement de la vie de Jeanne d’Arc ainsi que sa personnalité sont bien connus et font de la Pucelle d’Orléans la femme la plus connue du Moyen Âge.

Sauveuse de la France, cauchemar des Anglais, elle ne s’est pas seulement distinguée par ses exploits militaires pendant la guerre de Cent Ans.

Entre obéissance et impatience

Tout au long de son procès de réhabilitation, Jeanne est désignée comme une jeune femme très simple, pieuse. Les voix qu’elle entendrait de sainte Catherine et sainte Marguerite accompagnent cette image de jeune fille obéissante et disciplinée. Cependant, à de maintes reprises, elle donne l’image d’une personne sûre d’elle et qui ne recule devant rien pour atteindre les buts fixés par les saints qui s’adresseraient à elle : libérer Orléans assiégé par les Anglais, faire couronner le Dauphin à Reims et libérer Paris toujours aux mains des Anglais et de leurs alliés bourguignons.

Ce caractère impatient, fonceur, apparaît dès son arrivée à Chinon où se trouve le Dauphin Charles. Elle est conduite devant l’héritier du trône début mars 1429. Fin mars, elle se retrouve à Tours où une armure sur mesure est conçue pour qu’elle devienne une véritable guerrière. L’enchaînement rapide des événements ne s’arrête pas là puisqu’elle se rend en avril dans la ville d’Orléans, autour de laquelle le siège s’éternise.

C’est à partir de là que l’image d’une jeune femme colérique apparaît. Jeanne d’Arc se querelle avec de nombreux chefs de guerre, personnalités orléanaises, qui misent sur l’immobilisme. Son unique but est de libérer la ville, pour cela, elle ne recule devant rien et fait preuve d’une impatience bénéfique à la morosité de la population prête à abandonner le siège. Le 8 mai, Orléans est libérée et Jeanne d’Arc est acclamée.

Cependant, ce n’est qu’une petite part de ce qu’elle a à accomplir. Jeanne repart donc retrouver le Dauphin pour le faire couronner. Toute son impatience de mener à bien ses objectifs se solde par le couronnement du désormais roi Charles VII à Reims le 17 juillet 1429. Les succès militaires viennent compléter l’engouement autour de Jeanne d’Arc. Mais le roi voit d’un mauvais oeil tant de précipitation. Il confie des missions de second plan à la Pucelle d’Orléans pour calmer son impatience. Cela se solde par sa capture devant Compiègne.

Sacrifiée pour le bien du royaume ?

L’engouement autour de la personne de Jeanne d’Arc est bien retombé lorsqu’elle tombe entre les mains des Bourguignons, alliés des Anglais, en mai 1430, en tentant d’aider la garnison de Compiègne. Une nouvelle fois, Jeanne ne compte pas se laisser faire. C’est ainsi que, par deux fois, elle tente de s’échapper. Si la première est mal connue, des détails sont donnés pour la seconde. À l’aide d’une corde, elle descend le long de la tour, mais la corde cède et elle se retrouve sans connaissance dans les fossés. Tout cela reste insuffisant pour Jeanne d’Arc qui est finalement envoyée à Rouen.

La native de Domrémy y subit un long procès qui la mène sur le bûcher un an plus tard. Sa mort laisse un goût amer pour certains, puisque Jeanne n’est pas parvenue à rendre Paris au roi de France. De plus, la guerre est loin d’être finie. Mais son sacrifice n’a pas été vain. Bien que le roi n’ait pas fait d’efforts pour la sauver, il a pu se rapprocher du duc de Bourgogne afin de conclure une trêve qui met fin à une domination anglaise sur le territoire français. Les positions anglaises en demeurent bien affaiblies.

L’histoire de Jeanne d’Arc ne s’arrête pas à ce bûcher à Rouen le 31 mai 1431. Un procès en réhabilitation en 1456 fait de la Pucelle d’Orléans une figure emblématique de la guerre de Cent Ans. Ses réussites militaires, son caractère, sa volonté la démarquent des nombreuses autres jeunes femmes et jeunes hommes se présentant devant le roi chargés d’une mission divine en sa faveur. Longuement réutilisée et même injustement détournée à des fins politiques, Jeanne d’Arc est aujourd’hui reconnue pour avoir été pieuse, obéissante et patriotique. Mais c’est avant tout une jeune femme encouragée par des voix qu’elle aurait entendues, mais surtout par la menace anglaise et bourguignonne sur son village, qui a fait parler son courage, son impétuosité et sa détermination pour venir au secours d’une armée française à deux doigts de céder sous les coups anglais.

Cinq dates-clés :
1412 : naissance à Domrémy, en Lorraine
Mars 1429 : première rencontre avec le Dauphin Charles
8 mai 1429 : libération d’Orléans
23 mai 1430 : capture à Compiègne
30 mai 1431 : exécution sur le bûcher de Rouen

Le Point