La Dilcrah dissout son conseil scientifique en raison de « l’entrisme identitaire » de son président Smaïn Laacher
La déléguée interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) a procédé à la dissolution de son conseil scientifique.
Ce n’est pas une punition collective, mais cela y ressemble. Les membres du conseil scientifique de la Dilcrah (Délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT) ont appris par mail vendredi soir la dissolution de leur instance. Fondé en 2016 et présidé par le sociologue Smaïn Laacher, ce conseil scientifique constitué d’universitaires et de spécialistes des discriminations avait la charge d’éclairer les politiques publiques mises en place par la Dilcrah.

D’un commun accord avec le cabinet de la ministre [chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes], je vous informe de la dissolution du conseil scientifique dans sa forme actuelle […] Il semble opportun de repenser les modalités de mobilisation du monde scientifique aux côtés du gouvernement », explique laconiquement Sophie Élizéon, la préfète déléguée interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, dans le mail qu’elle a adressé aux membres du conseil vendredi soir.
Cette dissolution d’un outil au service de la lutte contre les discriminations intervient après des mois de tiraillement entre les membres du conseil scientifique, divisés sur la question de la transidentité et de l’activisme parfois radical actif sur ces sujets. « Les frictions ont commencé en mai. Certaines associations LGBT radicales se sont indignées que l’État n’en faisait pas assez », explique un membre du conseil scientifique. En trame de ces débats, l’appartenance du président du conseil scientifique de la Dilcrah, Smaïn Laacher, à l’observatoire de la Petite Sirène, une association fondée par Céline Masson et Caroline Eliacheff, deux essayistes qui interpellent régulièrement les pouvoirs publics sur des dérives d’un « transgenrisme » particulièrement actif auprès des mineurs.
Ces associations tiennent à leur lutte, parce qu’elles ne sont tenues que par leurs luttes », poursuit le membre anonyme de l’instance dissoute. Cette dissolution est-elle une manière de donner des gages à un activisme virulent ? « La Dilcrah est tenue par Sophie Elizéon, qui agit en conformité avec ce que demande le pouvoir politique », explique la source, qui laisse sous-entendre qu’une telle décision ne peut émaner que d’une autorité de tutelle qui aurait « peur de son ombre et ne veut surtout pas de problème avec des associations radicales ».
« Macronisme sans colonne vertébrale »
« Il y a de l’entrisme identitaire sur ces thématiques et le macronisme n’a pas de colonne vertébrale sur ce sujet non plus. Une situation idéale pour les organisations qui veulent faire de la cancel culture », dénonce un autre ancien membre du conseil scientifique, choqué par « la violence » de la démarche et la radicalité de la décision de dissolution. Il pointe aussi les limites d’une feuille de mission très (trop ?) hétéroclite depuis que la Dilcra a ajouté la lutte contre la haine anti-LGBT à ses missions, devenant la Dilcrah. « Il est tout de même difficile de mélanger des thématiques qui ont des traditions très différentes. La lutte contre l’antisémitisme et la défense des trans n’ont pas grand-chose à voir ensemble », explique-t-il… au point de ne plus se comprendre ?
Des universitaires ayant assisté aux débats racontent des échanges lunaires au sein du conseil : « Lorsqu’il a fallu discuter de l’Observatoire de La Petite Sirène, des membres parmi les plus concernés par les questions d’identité trans nous ont dit : On vous a fait confiance pour qualifier la fresque d’Avignon d’antisémite, faites-nous confiance sur le fait que l’Observatoire de la Petite Sirène est transphobe. Il y a une volonté de laisser croire qu’il y aurait de la transphobie juste parce qu’il y a eu des échanges avec du contradictoire. Cela va clairement à l’encontre des habitudes de la maison. »
« DilcrahGate »
Le conseil scientifique s’est fissuré dès le mois de mai, lorsque des militants ont tenté de susciter un « DilcrahGate » sur les réseaux sociaux. S’en est suivi en septembre un surprenant signalement au procureur d’une publication de l’Observatoire de la Petite Sirène (classé sans suite). « Il s’agissait d’un guide à destination des psys et conseillers qui ont à accompagner des mineurs qui s’engagent dans un potentiel parcours de transition. Ce guide a fait l’objet de signalement, car il incite à préférer un travail qui permette de se conformer au sexe assigné à la naissance.
On voulait s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’une incitation à des thérapies de conversion, ce qui pourrait être un délit », fait-on savoir dans l’entourage de Sophie Elizéon, où l’on fait remarquer que « la Dilcrah est la seule délégation à être épaulée par un conseil scientifique. Il faut peut-être mobiliser les scientifiques autrement ». Cette décision de dissolution du conseil scientifique aurait-elle été prise pour donner des gages à une frange militante excessive ? « Nous considérons que la forme est au service du fond. Or, quand on avance sur un sujet aussi sérieux, on fait attention à la forme », défend ce proche de la Dilcrah. Avec la dissolution du conseil scientifique, il n’y aura plus ni problème de forme ni problème de fond…