L’académicien Dany Laferrière publie “Petit traité du racisme en Amérique”
Dans ce livre, le premier qu’il consacre au racisme, Dany Laferrière se concentre sur ce qui est peut-être le plus important racisme du monde occidental, celui qui dévore les Etats-Unis. Les Noirs américains : 43 millions sur 332 millions d’habitants au total – plus que la population entière du Canada. 43 millions qui descendent tous de gens exploités et souvent martyrisés. 43 millions qui subissent encore souvent le racisme. Loin d’organiser une opposition manichéenne entre le noir et le blanc, précisément, Dany Laferrière précise : « On doit comprendre que le mot Noir ne renferme pas tous les Noirs, de même que le mot Blanc ne contient pas tous les Blancs. Ce n’est qu’avec les nuances qu’on peut avancer sur un terrain si miné. »
Des violences policières aux destins hors du commun de descendants d’esclaves devenus d’immenses figures artistiques et politiques, l’Académicien français remet de la chair et de la douleur – et remet de lui – dans cette tragédie américaine.
Mépris », « Rage », « Ku Klux Klan » alternent avec des portraits des grands anciens, Noirs ou Blancs, qui ont agi en noir ou en blanc : Charles Lynch, l’inventeur du lynchage, mais aussi Eleanor Roosevelt ; et Frederick Douglass, et Harriet Beecher Stowe, l’auteur de La Case de l’oncle Tom, et Bessie Smith, à qui le livre est dédié, et Angela Davis. Ce Petit traité du racisme en Amérique s’achève sur une note d’espoir, celui que Dany Laferrière confie aux femmes. « Toni, Maya, Billie, Nina, allez les filles, le monde est à vous ! ».
Ce Petit traité du racisme en Amérique (Grasset, janvier 2023) est un mélange entre des textes théoriques, des petits poèmes en prose, presque des haïkus, et parfois des saillies très personnelles et très émouvantes. Certains propos sont politiques, et puis il y a aussi des portraits de grands destins, des descendants d’esclaves qui sont devenus des figures, ou encore des portraits d’autrices blanches.
Dans ce petit livre magnifique, il y a une phrase très forte : “Un Noir qui devient célèbre est constamment provoqué par des gens qui cherchent à faire en sorte qu’il perde son sang-froid et montre au grand jour le sauvage qu’il tente de dissimuler en lui. Il faut voir les sourires autour de lui quand ça arrive.”
L’écrivain noir, né en Haïti, qui a vécu aux États-Unis, ajoute au micro de Sonia Devillers : “C’est une situation assez courante. Il y a des pièges comme ça qu’on apprend spontanément à éviter. Et peut-être qu’il faut garder le sauvage pas trop loin. Ils n’auront pas à chercher à le faire sortir. Et je crois qu’on ne peut pas tout le temps enlever toute griffe au tigre. D’ailleurs, il y a un des textes où je parle du chaton dégriffé.”