Le Kremlin-Bicêtre (94) : « Je ne veux plus me battre pour ce peuple et protéger cette population qui veut se faire remplacer », un policier de la BAC mis en cause pour des messages racistes sur Telegram

Auxane J. en a marre de la France. Il n’en peut plus. « Mon pays se détruit devant mes yeux et je ne peux rien y faire », se désole le jeune homme de 25 ans sur Telegram, le 29 août 2022. « Je ne veux plus me battre pour ce peuple, je ne veux plus protéger cette population qui veut se faire remplacer. »

Sa décision est prise : au 1er décembre, ce gardien de la paix en poste au commissariat du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) quitte la police. Avec sa compagne, ils ont prévu d’émigrer en janvier 2023 au Québec, une province qu’il imagine plus « épargnée par la diversité » que la France. Là-bas, il compte se reconvertir dans l’informatique.

Ça fait quatre ans que je suis dans la police, j’ai mis en garde à vue cinq personnes au total dont le prénom était français ou occidental disons », affirme-t-il le 31 août. « Tout le reste c’est du prénom africain/maghrébin ou pays de l’Est. »

Quatre mois avant son départ, Auxane J. a rejoint un canal confidentiel sur la messagerie instantanée Telegram, « Membres Nomos-TV », réunissant un peu plus de deux cents abonnés payants à la « première webtélé patriote du Québec ». Nomos-TV a été montée par Alexandre Cormier-Denis, figure de l’extrême droite québécoise issue du souverainisme. Il anime lui-même le canal Telegram réservé aux membres, approuvés un par un.

Lorsqu’il intègre le groupe, Auxane J. ne fait pas mystère de sa profession. On pourrait même dire qu’il s’en vante. Entre deux demandes de conseil sur les quartiers où s’installer, l’acquisition d’une voiture ou les subtilités de l’échiquier politique québécois, le jeune homme donne des gages de sa bonne volonté idéologique et chronique son quotidien au commissariat. Avec une ligne directrice : ses « clients » habituels, les délinquants qu’il ramène au commissariat, sont des Noirs et des Arabes.

En trois mois, le gardien de la paix poste la photo ou la vidéo de treize personnes interpellées et placées sous sa garde, généralement menottées au banc du commissariat. Il les surnomme ses « génies », pour souligner leur bêtise. Sur demande de ses camarades virtuels, qu’il n’a a priori jamais rencontrés, il livre les motifs de leur garde à vue et leurs antécédents judiciaires.

Son manque de discrétion – Auxane J. donne de nombreuses indications permettant de l’identifier et pose en uniforme, face à un miroir – a attiré l’attention d’un groupe antifasciste montréalais infiltré dans le canal Telegram. Le 8 décembre, ces militants consacrent un article très documenté à Auxane J., « le policier raciste qui s’en vient vivre à Québec », en croisant ses publications dans le groupe et sur d’autres réseaux sociaux. La publication déclenche une vague de panique dans le canal Telegram de Nomos-TV, sur lequel le policier cesse de s’exprimer dès le lendemain.

La préfecture de police de Paris indique qu’à la suite de « la parution de l’article de presse québécoise, le préfet de police a signalé ce gardien de la paix à l’autorité judiciaire le 26 décembre 2022, au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale, son comportement pouvant relever de qualifications pénales ».

D’après ses propres déclarations sur Telegram, il a exercé la profession de policier pendant quatre ans et a fait partie d’une brigade anticriminalité. Il affirme être intervenu lors de l’attentat de Villejuif (le 3 janvier 2020), au sein de l’équipage qui a « tiré » sur le terroriste et l’a « abattu ». La préfecture de police n’a pas répondu à nos questions sur le déroulement de sa carrière. Elle précise en revanche que « le comportement de cet agent, en position de disponibilité depuis le 1er décembre 2022, n’avait auparavant jamais été signalé à sa hiérarchie ».

Mediapart