Les élèves de sixième ne comprennent plus rien aux maths, la France occupe la dernière place en Europe dans cette discipline
Selon une note d’alerte exceptionnelle du conseil scientifique de l’Education nationale, à l’entrée en sixième, la plupart des élèves ignorent le sens des fractions les plus simples. Une mécompréhension qui touche encore la moitié des élèves de seconde.
Le diagnostic est sans appel : pour bon nombre de collégiens, les nombres décimaux et surtout les fractions n’ont aucun sens, écrit dans une inhabituelle « note d’alerte » le conseil scientifique de l’Education nationale (Csen). Or, « la compréhension de ces outils mathématiques est indispensable à la mesure de n’importe quelle dimension physique. Dans un monde de plus en plus numérique, les prochaines générations risquent de souffrir d’un profond déficit. », explique Stanislas Dehaene, à la tête de ce conseil depuis 2018.
Seuls 22 % des élèves de sixième connaissent la fraction 1/2

Les enquêtes internationales, menées tous les trois ou quatre ans, soulignent régulièrement le retard considérable des élèves français en mathématiques : dans cette discipline, la France occupe la dernière place en Europe. Le conseil scientifique de l’Education nationale a souhaité étudier l’évolution récente des performances des élèves en compréhension des nombres à l’entrée en sixième.”
Depuis trois ans, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale (DEPP) évalue un échantillon représentatif de près de 6 000 élèves à l’entrée de sixième à l’aide d’un test informatisé qui consiste à placer différents nombres sur une ligne numérique graduée. Il permet de conclure que la plupart d’entre eux ignorent le sens des fractions les plus simples. Par exemple, seuls 22 % des élèves placent correctement la fraction 1/2 sur une ligne graduée de 0 à 5. Seuls 6 % réussissent à placer la fraction 3/6. Lors d’une autre question, seule la moitié des élèves trouve la bonne réponse à la question « combien y a-t-il de quarts d’heures dans ¾ d’heure ? ».
Un niveau médiocre y compris chez les élèves les plus favorisés
« Les erreurs des élèves révèlent une vaste confusion entre différents types de nombres », insistent les auteurs de cette note. Ils ne connaissent pas le sens des symboles qu’ils manipulent. Ainsi, ils confondent 1/2 avec 1,2 (confusion entre fractions et décimaux), avec 2/1 ou encore avec 2,1 (mécompréhension de l’ordre dans lequel se lit une fraction). Les élèves se trompent également dans les calculs avec les nombres décimaux : beaucoup d’élèves pensent que 0,8 + 1 fait 0,9 (méconnaissance de la notation décimale et du rôle de la virgule) ou encore que 0,9 + 1 fait 1 !
« Le déficit de compréhension est présent dans tous les milieux », est-il détaillé. Le taux d’erreurs avec les fractions atteint 85 % en REP (réseaux d’éducation prioritaire). Dans les autres public et privés, il reste également très élevé, de l’ordre de 75 %. Même les élèves qui fréquentent des écoles considérées comme les plus favorisées font près de 70 % d’erreurs. Enfin, les filles font bien plus d’erreurs que les garçons. Parmi les 20 % d’élèves les meilleurs au test de la ligne numérique, deux tiers sont des garçons !
Deux faits « plus préoccupants » encore justifient cette note d’alerte : aucune évolution positive n’est détectée depuis trois ans. « Cette absence d’amélioration suggère que des actions beaucoup plus vigoureuses doivent être entreprises pour mieux enseigner les nombres et les fractions au primaire ». Par ailleurs, un énorme déficit de compréhension des fractions continue de s’observer tout au long de la scolarité. Le taux d’erreurs diminue entre la 6e, la 4e et la 2nde générale, mais il reste très élevé (45 % d’échec en seconde avec les fractions simples).
Pour restaurer du sens, le CSEN propose d’introduire les concepts mathématiques « plus tôt, de façon progressive et intuitive ». Actuellement c’est au CM1 et surtout au CM2 que les décimaux et les fractions sont introduits conjointement. Il propose aussi de composer et décomposer des formes géométriques. Ou encore de prendre l’habitude de mesurer différents objets de différentes longueurs pour introduire les élèves au sens des nombres.