Les espions marocains sur la sellette en France et dans toute l’Europe
Plusieurs affaires d’espionnage impliquant les services secrets de Rabat défraient la chronique à Paris, Bruxelles, Rome et Berlin. Pourquoi ? Sont-ils devenus plus agressifs ou seulement moins prudents ? Depuis ces derniers mois, plusieurs affaires d’espionnage impliquant les services secrets marocains défraient la chronique à Paris mais aussi à Bruxelles, Rome et Berlin.
La plus retentissante se déroule au Parlement européen. Début décembre, les polices belge et italienne ont arrêté une dizaine d’eurodéputés et de fonctionnaires qui auraient participé à une campagne clandestine de lobbying en faveur du Qatar au sein du Parlement européen, moyennant finance évidemment. Plus de deux millions d’euros en liquide ont d’ailleurs été retrouvés dans les bureaux des accusés. Or, au cours de leurs investigations sur ce que la presse surnomme désormais le « Qatargate », les policiers ont mis au jour un autre scandale.

Selon le journal belge « Le Soir » et le magazine allemand « Der Spiegel », l’ex-eurodéputé italien au cœur du Qatargate, Pier Antonio Panzeri, a, pendant ses auditions, accusé le Maroc d’avoir, comme le Qatar, corrompu des eurodéputés pour influencer les décisions du Parlement européen concernant le royaume chérifien. Une mise en cause confirmée par Francesco Giorgi, assistant parlementaire et compagnon de l’ancienne vice-présidente du Parlement européen, Eva Kaili, elle aussi mise en cause et emprisonnée.
Selon « le Soir », « Der Spiegel » et le quotidien italien « La Repubblica », un espion marocain aurait joué un rôle central dans cette affaire. Il s’agirait d’un certain Mohamed Belahrech, agent de la DGED (Direction générale des Etudes et de la Documentation), le service marocain d’espionnage. Il aurait recruté deux parlementaires européens italiens, dont Pier Antonio Panzeri. Le « Spiegel » assure que l’ambassadeur du Maroc en Pologne, Abderrahim Atmoun, aurait, lui, recruté d’autres personnalités du Parlement, le tout sous la direction de Mohamed Yassine Mansouri, le patron de la DGED.
Autre affaire : celle du logiciel israélien Pegasus que, selon un consortium de journalistes, les services secrets marocains auraient utilisé pour écouter les portables de plusieurs personnalités françaises, dont le président de la République. En juillet 2021, quinze personnes ont déposé plainte contre le gouvernement marocain arguant que les « données techniques » impliquant la DGED sont formelles. Dénonçant des rumeurs infondées, Rabat a, à son tour, attaqué les plaignants français. Mais le tribunal l’a débouté, il y a quelques jours. Le Maroc a fait appel. Les juges rendront, eux, leur jugement concernant l’éventuelle implication des services secrets marocains dans le scandale des écoutes illégales en France, le 15 avril prochain.
Enfin, un Marocain a été arrêté près de Cologne, à la fin de l’année dernière, par la police allemande. L’homme, Mohammed A., aurait infiltré les mouvements démocratiques Hirak, qui protestent depuis qu’en octobre 2016 un vendeur de poissons a été broyé à mort dans une benne à ordure en tentant de récupérer son stock jeté par la police.
Ces scandales, ainsi que les prises de position plutôt pro algériennes d’Emmanuel Macron dans le dossier du Sahara Occidental, ont conduit Rabat à repousser le voyage, prévu de longue date, du chef de l’Etat au Maroc. Selon le nouvel ambassadeur de France dans le royaume, ce déplacement devrait finalement avoir lieu au cours du premier semestre 2023. Les espions de sa majesté Mohammed VI seront, à coup sûr, au menu des discussions.