“Les hipsters de l’eugénisme” : Ces pronatalistes qui veulent changer l’avenir de l’humanité

Faites la connaissance de Malcom et Simone Collins, deux « hipsters eugénistes », persuadés que c’est leur devoir de se reproduire pour éviter l’effondrement démographique de l’humanité. Alors qu’ici-bas, de jeunes adultes refusent d’avoir des enfants par conscience écologique, quelques millionnaires de la tech s’acharnent à se reproduire le plus possible pour sauver l’humanité.

Dans un papier truculent, la journaliste Julia Black d’Insider fait le portrait de ces pro natalistes au travers de Malcom et Simone Collins, 36 et 35 ans, autobaptisés « eugénistes hipsters », accompagnés de leurs trois jeunes enfants : Torsten, Octavian, Titan Invictus et The Professor, leur corgi. Malcom et Simone travaillent pour des fonds d’investissement et écrivent des guides sur la vie de couple et la sexualité. Depuis leur second rendez-vous, ils envisagent d’avoir entre 7 et 13 enfants. D’après leur calcul, si ces derniers ont eux aussi 8 enfants chacun sur 11 générations « seulement », les Collins deviendront plus nombreux que la population mondiale actuelle. « Nous pourrions définir l’avenir de l’espèce humaine », juge Malcom.

Simone et Malcolm Collins sont persuadés de la supériorité de leurs gènes. Ils veulent avoir un maximum d’enfants pour peser sur l’évolution humaine. Leurs idées aux relents dystopiques sont en vogue dans les milieux américains de la tech, et promues entre autres par Elon Musk.”

En cette après-midi de septembre, assis dans leur séjour encombré de jouets, Simone et Malcolm Collins doivent parler fort, par-dessus les pleurs de leurs tout-petits, pour nous faire entendre leur grand projet pour le genre humain. “L’humanité n’est pas en très bonne posture aujourd’hui, je trouve. Et je pense que, si personne ne résout le problème, nous pourrions bien disparaître”, hurle quasiment Malcolm, en promenant Torsten, 18 mois, la morve au nez, sur son camion-benne.

Avec Octavian, son frère de 3 ans, Torsten fait partie sans le savoir d’une expérience pour le moins audacieuse. Selon les calculs de ses parents, si chacun de leurs descendants s’engage à avoir au moins 8 enfants sur 11 générations, la lignée des Collins sera à terme plus nombreuse que la totalité de la population actuelle de la Terre.

Ce qui signifie qu’en cas de succès “nous changerons l’avenir de notre espèce”, résume Malcolm.

Malcom, 36 ans, et son épouse, Simone, 35 ans, sont des “pronatalistes”. Pour les tenants de ce mouvement discret mais en plein essor, et bien implanté dans les milieux aisés de la tech et de l’investissement, la baisse de la natalité dans certains pays développés, dont les États-Unis et l’essentiel des pays européens, menace d’éradiquer leur culture, de saborder leur économie et, à terme, d’entraîner l’effondrement de la civilisation. Une théorie reprise par Elon Musk sur son compte Twitter, défendue par [le chroniqueur conservateur] Ross Douthat dans les pages Opinions du New York Times et abordée par Joe Rogan [ancien champion de taekwondo et podcasteur star aux États-Unis] sur un ton badin dans son podcast.

Mais elle est aussi brandie, de façon inquiétante, pour justifier le suprémacisme blanc un peu partout dans le monde, des manifestants de Charlottesville (en Virginie) qui défilaient torche en main [en 2017] en scandant “Vous ne nous remplacerez pas”, à l’auteur des attentats, en 2019, contre des mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, qui faisait commencer son manifeste par cette litanie “C’est la natalité. C’est la natalité. C’est la natalité.”

Des enfants, oui, mais des enfants parfaits

J’ai contacté les Collins après avoir découvert Genomic Prediction, une société qui a compté parmi ses tout premiers investisseurs Sam Altman, le cofondateur avec Elon Musk d’OpenAI [firme spécialisée dans l’intelligence artificielle]. Altman, qui est homosexuel, finance aussi Conception, une start-up qui planche sur la mise au point d’ovocytes humains à partir de cellules souches, ce qui pourrait permettre à des couples d’hommes d’avoir un enfant génétiquement lié à eux.

Genomic Prediction est l’une des premières sociétés à proposer le test génétique préimplantatoire PGT-P, un diagnostic très controversé qui vise à permettre aux parents engagés dans une fécondation in vitro (FIV) de sélectionner les “meilleurs” embryons disponibles en fonction de leurs risques de “maladies polygéniques” [le dernier P dans “PGT-P”].

Les Collins sont devenus des porte-drapeaux de cette technique depuis que leur histoire a été publiée en mai 2022 par [l’hebdomadaire américain] Bloomberg Businessweek sous le titre “The Pandora’s Box of Embryo Testing Is Officially Open” [“C’est officiel : la boîte de Pandore des tests sur les embryons est ouverte”].

Nous ne nous étions même pas encore parlé au téléphone que déjà les Collins m’invitaient à passer quelques jours chez eux à Valley Forge, en Pennsylvanie. Après notre premier appel, lors duquel j’ai dit être célibataire mais vouloir un jour des enfants, Simone m’a aussi proposé de rejoindre leur réseau de rencontres entre individus “ultraperformants”. Je n’ai pas rempli le formulaire pour les rencontres (à la question du nombre d’enfants que je souhaiterais avoir, il y avait parmi les réponses proposées “Quatre et plus” et “Autant que possible”, notamment), mais j’ai accepté l’invitation chez eux, dans leur ferme du XVIIIe siècle.

Rendre le pronatalisme branché

Au portail, je suis accueillie par leur corgi brun survolté et par un Malcolm enjoué, à l’allure soignée dans son polo noir. À l’intérieur m’attend Simone, sculpturale à huit mois de grossesse passés, vêtue de son uniforme de femme enceinte – chemise blanche impeccable, longue jupe noire et rouge à lèvres. Tous deux font “biologiquement jeunes”, comme ils disent.

Simone et Malcolm écrivent des livres ensemble et travaillent en duo dans le capital-risque et l’investissement. S’ils se disent proches de la mouvance anti-institutions du Parti républicain, ils refusent d’être identifiés à ceux qu’ils appellent les “conservateurs cinglés”. Leur priorité, c’est de montrer le pronatalisme comme une démarche branchée, socialement acceptable, et ouverte – ouverte à certains, en tout cas. Ils ont fondé l’année dernière l’association Pronatalist.org.

Des amis leur ont déconseillé de me parler, m’annoncent-ils en chœur. Il faut dire que, politiquement, le terrain est miné. La dernière figure médiatique en date à avoir été associée au pronatalisme n’est autre que Jeffrey Epstein [homme d’affaires américain inculpé pour trafic de mineures], qui entendait féconder 20 femmes en même temps dans son ranch au Nouveau-Mexique. La sélection par les gènes, qui repose sur la croyance que certains êtres humains naissent supérieurs aux autres, évoque des comparaisons avec la politique eugéniste du régime nazi. Sans compter que la référence culturelle qui nous vient le plus immédiatement aujourd’hui, quand on parle de société nataliste, c’est celle dépeinte dans le monde misogyne ultraviolent de La Servante écarlate [le roman de Margaret Atwood, décliné en série à succès sous son titre anglais, The Handmaid’s Tale].

Faire naître “les classes dominantes” de demain

Pour les Collins, des “pragmatiques indécrottables”, selon leurs termes, le jeu en vaut la chandelle. “Ce qui nous frustre dans ce milieu, c’est l’extrême discrétion des gens”, avance Simone. Elle et Malcolm espèrent au contraire, par leur grande transparence, encourager d’autres représentants des classes aisées à faire plus d’enfants, mais surtout ils entendent bâtir toute une culture et toute une économie autour du modèle familial ultranataliste.

Cela ne paiera pas immédiatement, reconnaît Simone, mais si ce cercle restreint met en place les bons processus, leurs rejetons formeront “les nouvelles classes dominantes dans le monde”, elle en est convaincue.

Les poids lourds de la tech sont obnubilés depuis des années par la postérité sous toutes ses formes. 

es plus grands acteurs de l’industrie technologique sont préoccupés par leur héritage depuis des années. Dans les années 2010, l’engouement pour la longévité a balayé la Silicon Valley et des titans de l’industrie comme Jeff Bezos, 58 ans, Sergey Brin, 49 ans et Larry Ellison, 78 ans, ont versé des milliards de dollars dans des entreprises de biotechnologie qui, selon eux, pourraient les aider à défier la mort. Jeffrey Epstein a contacté des scientifiques au sujet de la congélation de sa tête et de son pénis pour être revitalisés des centaines d’années plus tard, tandis que Peter Thiel, 55 ans, aurait demandé des transfusions sanguines aux jeunes. (En réponse à la rumeur, Thiel a déclaré : “Sur le dossier, je ne suis pas un vampire.”)

La recherche anti-âge a eu un certain succès dans le ciblage de maladies spécifiques, mais à mesure que les Ellison et les Bezose du monde vieillissent, la possibilité d’une prolongation radicale de la vie au cours de leur vie devient plus improbable. Alors certains se tournent vers la meilleure chose suivante : leur progéniture. Pour les personnes qui croient profondément en l’héritabilité génétique des traits, transmettre ce qu’ils considèrent comme leur ADN supérieur peut être le moyen ultime d’influencer.

Le cofondateur de Genomic Prediction, Stephen Hsu, m’a dit qu’il connaissait de nombreux parents très fortunés et à taux de natalité élevé.

“Avec tout ce que ces gars font, que ce soit leurs investissements ou même leur vie sociale, ils appliquent une façon de penser très analytique et quantitative. Et cela vaut aussi pour la reproduction”, a déclaré Hsu.

En 2018, Brin et son épouse d’alors, Nicole Shanahan, qui ont fait face à leurs propres problèmes de fertilité, ont fondé le Centre pour la longévité reproductive des femmes du Buck Institute. Thiel, qui a au moins un enfant avec sa partenaire, a investi dans la startup de congélation d’ovules TMRW et dans une nouvelle application de suivi des règles appelée 28, qui a suscité la controverse sur son affiliation à une publication anti-avortement. Ellison, quant à lui, qui a deux enfants dans la trentaine, aurait recommencé à avoir des enfants – avec sa petite amie de 31 ans.

Alors que le pronatalisme est souvent associé à l’extrémisme religieux, la version actuellement en vogue dans cette communauté a plus en commun avec la science-fiction dystopique. Les Collins, qui s’identifient comme des calvinistes laïcs, sont particulièrement attirés par le principe de la prédestination, qui suggère que certaines personnes sont choisies pour être supérieures sur terre et que le libre arbitre est une illusion. Ils croient que le pronatalisme est une extension naturelle des mouvements philosophiques qui balayent les centres technologiques comme les Silicon Hills d’Austin, au Texas. Nos conversations reviennent fréquemment sur le transhumanisme (efforts pour fusionner les capacités humaines et mécaniques pour créer des êtres supérieurs), le long terme (une philosophie qui soutient que le véritable coût de l’extinction humaine ne serait pas la mort de milliards aujourd’hui, mais la perte préventive de milliers de milliards, ou plus , futurs à naître), et l’altruisme effectif (ou EA,

Ce que ces mouvements ont tous en commun, c’est une fixation sur l’avenir. Et alors que cet avenir commence à paraître de plus en plus apocalyptique pour certaines des personnes les plus riches du monde, l’idée du pronatalisme commence à paraître plus héroïque. C’est une proposition parfaitement adaptée à la marque d’orgueil de la Silicon Valley : si l’humanité est au bord du gouffre et qu’elle seule peut nous sauver, alors elle doit à la société de se reproduire autant de fois que possible.

“La personne de cette sous-culture voit vraiment le chemin vers l’immortalité comme étant d’avoir des enfants”, a déclaré Simone.

Selon des initiés de l’industrie technologique, ce type de rhétorique se répand lors de rassemblements intimes parmi certaines des personnalités les plus puissantes d’Amérique. C’est “grand ici à Austin”, m’a dit la cofondatrice de 23andMe, Linda Avey. Raffi Grinberg, un pronataliste qui est le directeur exécutif de Dialog, a déclaré que le déclin de la population était un sujet commun parmi les PDG, les élus et d’autres personnalités puissantes qui ont assisté aux retraites confidentielles du groupe. En février, le cofondateur de PayPal, Luke Nosek, un proche allié de Musk, a organisé une réunion chez lui sur le lac Travis d’Austin pour discuter de “La fin de la civilisation occidentale”, un autre slogan courant dans le discours sur le taux de natalité.

La personne de cette sous-culture voit vraiment le chemin vers l’immortalité comme étant d’avoir des enfants.

Pendant ce temps, les Collins ont déclaré qu’un ami commun les avait encouragés à se rendre à Austin pour rencontrer Claire Boucher, la musicienne connue professionnellement sous le nom de Grimes et la mère de deux des enfants de Musk. (Grimes, qui suit environ 1 470 personnes sur Twitter, a suivi les Collins pendant que cette pièce était rapportée.) Cela a du sens étant donné que Musk, qui a engendré 10 enfants connus avec trois femmes, est le pronataliste le plus en vue du monde de la technologie, bien qu’officieusement . Il a été ouvert sur son obsession pour Gengis Khan, le dirigeant mongol du XIIIe siècle dont l’ADN peut encore être retracé à une partie importante de la population humaine. Une personne qui a travaillé directement avec Musk et qui s’est exprimée sous couvert d’anonymat pour cet article s’est souvenue que Musk avait exprimé son intérêt dès 2005 pour “

Musk a de plus en plus utilisé sa plateforme publique pour défendre la cause, tweetant des dizaines de fois au cours des deux dernières années sur la menace du déclin de la population. “Si l’effondrement alarmant du taux de natalité se poursuit, la civilisation mourra en effet avec un gémissement dans les couches pour adultes”, a-t-il tweeté en janvier.

Ces inquiétudes ont tendance à se concentrer sur une catégorie de personnes en particulier, que les natalistes utilisent divers euphémismes pour exprimer. En août, le père d’Elon, Errol Musk, m’a dit qu’il s’inquiétait du faible taux de natalité dans ce qu’il appelait les “nations productives”. Les Collins l’appellent “société cosmopolite”. Elon Musk lui-même a tweeté à propos du film “Idiocracy”, dans lequel l’élite intelligente arrête de procréer, permettant aux inintelligents de peupler la terre.

“Contrairement à ce que beaucoup pensent, plus quelqu’un est riche, moins il a d’enfants. Je suis une rare exception”, a-t-il écrit dans un autre tweet en mai dernier. “La plupart des gens que je connais n’ont aucun ou un enfant.”

Musk faisait écho à un argument avancé par Nick Bostrom, l’un des pères fondateurs du longtermisme, qui écrivait qu’il craignait que la baisse de la fertilité chez les “individus intellectuellement talentueux” ne conduise à la disparition de la “société civilisée avancée”. Émile P. Torres, un ancien philosophe longtermiste qui est devenu l’un des critiques les plus virulents du mouvement, l’a dit plus crûment : “La vision longtermiste elle-même implique qu’en réalité, les gens des pays riches comptent plus.”

Une source qui a travaillé en étroite collaboration avec Musk pendant plusieurs années a décrit cette pensée comme étant au cœur de l’idéologie pronataliste du milliardaire. “Il est très sérieux quant à l’idée que votre richesse est directement liée à votre QI”, a-t-il déclaré. La source, qui a parlé sous couvert d’anonymat pour cet article, a également déclaré que Musk avait exhorté “tous les hommes riches qu’il connaissait” à avoir autant d’enfants que possible. 

Les liens de Musk avec l’EA et les communautés longtermistes ont été progressivement révélés ces derniers mois. En septembre, des journaux de texte publiés dans le cadre de la bataille juridique de Musk avec Twitter ont montré des conversations entre Musk et l’éminent spécialiste de longue date William MacAskill, qui travaille à l’Institut Future of Humanity d’Oxford, où Musk est un donateur majeur. Dans les messages, MacAskill a proposé de présenter Musk à Sam Bankman-Fried, un entrepreneur en crypto-monnaie désormais en disgrâce qui avait fait don de millions de dollars à des organisations à long terme.

MacAskill n’a jamais explicitement approuvé le pronatalisme et il a refusé d’être interviewé pour cet article. Il a cependant consacré un chapitre de son best-seller, “What We Owe the Future”, à sa crainte que la baisse des taux de natalité ne conduise à une “stagnation technologique”, ce qui augmenterait la probabilité d’extinction ou d’effondrement de la civilisation. Une solution qu’il a proposée était de cloner ou d’optimiser génétiquement un petit sous-ensemble de la population pour avoir des “capacités de recherche de niveau Einstein” pour “compenser le fait d’avoir moins de personnes dans l’ensemble”.

Malcolm a déclaré qu’il était heureux de voir Musk mettre ces problèmes au premier plan. “Il n’a pas aussi peur d’être annulé que tout le monde”, m’a dit Malcolm. “Toute personne intelligente avec une certaine esthétique culturelle de sa vie regarde ce monde et dit : ‘Comment pouvons-nous créer des cultures intergénérationnelles durables qui feront de notre espèce un empire interplanétaire diversifié, florissant et innovant un jour qui ne sera pas à risque, vous savez, d’une seule frappe d’astéroïde ou d’une seule énorme maladie ? »


Assis autour de la table du petit-déjeuner après le dépôt à 6 heures du matin à la garderie et la “promenade stratégique du matin” que les Collins effectuent tous les jours, Malcolm a lu à haute voix un SMS de sa mère. Elle voulait savoir comment lui et Simone prévoyaient de monétiser leur “passe-temps” pronataliste. “N’oubliez pas : tout est transactionnel”, a-t-elle écrit.

Né dans une famille riche et riche à Dallas, Malcolm a déclaré que ses ancêtres comprenaient des membres éminents des jayhawkers, des militants anti-esclavagistes qui se sont rebellés contre l’armée confédérée. Après le divorce de ses parents, Malcolm a été envoyé dans un établissement pour “adolescents en difficulté”, une expérience qu’il compare à celle décrite dans le film “Holes”, dans lequel des enfants sont envoyés travailler dans des camps de travail dans le désert. Malcolm dit que son père a réussi à dilapider la fortune familiale tout au long de ses cinq mariages. “Il avait à un moment donné acheté la chose la plus chère chez Christies”, a déclaré Malcolm. “Il n’a plus rien maintenant. Pas d’argent.”

Simone, quant à elle, est issue de parents hippies polyamoureux pratiquant le tai-chi à Alameda, en Californie. “J’étais un peu le mouton noir de la famille”, a-t-elle déclaré. “Par exemple, ils me disaient de sortir et de boire et d’expérimenter, mais je me rebellerais en restant à la maison et en faisant mes devoirs.”

Avant de rencontrer Malcolm, Simone était convaincue qu’elle voulait vivre sa vie de célibataire et sans enfant. Mais quand elle avait 24 ans, elle a décidé d’avoir le cœur brisé une fois juste pour dire qu’elle l’avait fait. Comme elle le fait avec tous ses objectifs, elle a créé un système : elle a créé un profil sur OKCupid, où une photo d’elle habillée en Stormtrooper dans une pose sensuelle était de l’herbe à chat pour les nerds de la Silicon Valley, et a noté ses rendez-vous sur 50. Après une série de 16, Malcolm a marqué un 42. Elle lui a fait promettre de rompre avec elle après quatre mois. “Je n’aime pas être amoureuse de lui”, a-t-elle déclaré. “J’étais tellement perturbé quand je suis tombé amoureux de lui.”

Un an et demi plus tard, Malcolm lui a proposé via une campagne virale qui a atterri sur la première page de Reddit. Une fois mariés, Simone a obtenu une maîtrise en politique technologique à Cambridge, désireuse de suivre le rythme du MBA de Stanford de son mari.

Lors d’un passage dans un fonds de capital-risque en Corée du Sud, où le taux de fécondité est tombé à environ 0,81, Malcolm est devenu obsédé par l’idée de ce qu’il appelle une “catastrophe démographique”. 

“Il a été stupéfait par la vision fataliste des gens”, a déclaré Simone. Ainsi, suite à une conversation que Malcolm avait entamée lors de leur deuxième rendez-vous, le couple s’est engagé à avoir sept à 13 enfants. En raison de leur démarrage relativement tardif et des problèmes de fertilité préexistants de Simone, ils savaient qu’ils devraient congeler leurs embryons pour une utilisation ultérieure. En 2018, qu’ils appellent désormais “l’année de la récolte”, ils se sont consacrés à produire et à congeler autant d’embryons viables que possible.

FIV

Dans une étude de Pew Research de 2018, environ la moitié des adultes diplômés d’université ont déclaré avoir suivi un traitement de fertilité ou connaître quelqu’un qui l’avait fait. 

Après cinq cycles de FIV, Simone a entendu Stephen Hsu parler de sa société Genomic Prediction sur un podcast. Les tests préimplantatoires pour les anomalies chromosomiques telles que le syndrome de Down et les maladies monogéniques telles que la fibrose kystique sont devenus une étape relativement courante du processus de FIV, mais ce n’est que récemment que certains praticiens ont commencé à proposer des tests pour des traits génétiques plus complexes. Alors que le génie génétique à part entière via CRISPR ou une technologie similaire est interdit dans la plupart des pays, le domaine du dépistage génétique préimplantatoire n’est toujours pas réglementé par la Food and Drug Administration des États-Unis.

Les Collins ont décidé de se lancer dans une sixième série de FIV pour utiliser le service. Bien que le test “LifeView” de Genomic Prediction n’offre officiellement des scores de risque que pour 11 troubles polygéniques – dont la schizophrénie et cinq types de cancer – ils ont permis aux Collins d’accéder aux données génétiques brutes pour leur propre analyse.

Simone et Malcolm ont ensuite exporté leurs données vers une société appelée SelfDecode, qui exécute généralement des tests sur des échantillons d’ADN d’adultes, pour analyser ce que les Collins appelaient “les trucs amusants”.

Assise sur le canapé, Simone sortit une feuille de calcul remplie de chiffres rouges et verts. Chaque ligne représentait un de leurs embryons du sixième lot, et les colonnes une variété de facteurs de risque relatifs, de l’obésité aux maladies cardiaques en passant par les maux de tête. (La partie “relative” signifie que ces scores ne peuvent que comparer le risque de chaque embryon à celui d’autres individus avec des constitutions génétiques différentes, par opposition aux scores de risque “absolus”.)

La priorité absolue des Collins était l’une des catégories les plus contestées : ce qu’ils appelaient les « traits adjacents à la performance mentale », y compris le stress, l’humeur chroniquement basse, le brouillard cérébral, les sautes d’humeur, la fatigue, l’anxiété et le TDAH.

Les tests qu’ils ont effectués ont également fourni un score de risque d’autisme, un diagnostic que Simone elle-même a reçu, qu’ils ont décidé de ne pas prendre en compte. Simone a comparé son autisme à une « voiture de course bien réglée » : même si elle se débat avec certaines situations du « monde réel », elle a déclaré : « Si je suis sur la piste et que j’ai mon équipe au stand et que j’ai le carburant parfait —” 

“… elle peut surpasser les autres de manière spectaculaire”, a déclaré Malcolm, finissant sa phrase.

“J’hésite aussi beaucoup à choisir contre tout type de particularité mentale extrême chez une personne”, a-t-il ajouté. “A moins que cela n’ait à voir avec une fonction très faible.”

Avec un grand nombre de colonnes vertes et un score de 1,9, Embryo No. 3 – alias Titan Invictus (une expérience de déterminisme nominatif) – a été sélectionné pour devenir le troisième enfant des Collins.

Même avec toute cette planification, les Collins ne sont peut-être pas en train de trouver de l’or génétique. Le domaine de la génétique comportementale, qui suppose un lien entre les gènes et les traits de caractère, est fortement contesté, voire carrément rejeté pour ses dangereuses implications sociétales. “On ne sait pas à quel point la génétique contribue à la plupart des choses qu’ils recherchent”, m’a dit Hank Greely, un professeur de droit de Stanford qui a écrit “La fin du sexe et l’avenir de la reproduction humaine”.

Les arguments qui font remonter l’aptitude mentale à la génétique sont particulièrement controversés. Hsu, le cofondateur de Genomic Prediction, a été contraint de démissionner de son poste à la Michigan State University après que le syndicat des étudiants diplômés ait affirmé que Hsu croyait “aux différences biologiques innées entre les populations humaines, en particulier en ce qui concerne l’intelligence”. (Hsu a répondu à ces allégations en disant : “Si le GEU a fait cette affirmation dans votre citation, ils ont déformé mes convictions. Je suis assez explicite dans mes écrits et dans les entretiens que nous ne savons pas s’il existe des différences génétiques de groupe dans l’intelligence entre les différents groupes d’ascendance.”) Simone a déclaré que deux startups PGT-P prévoyant de tester les “trucs amusants” collectaient des fonds en mode furtif car “elles prévoient d’être essentiellement annulées dès qu’elles seront rendues publiques”.

Les Collins eux-mêmes ont été qualifiés d'”eugénistes hipsters” en ligne, ce que Simone a qualifié d'”incroyable” lorsque je l’ai portée à son attention.

Malcolm “va vouloir faire des cartes de visite qui disent” Simone et Malcolm Collins: hipster eugénistes “, a-t-elle dit en riant.

“C’est drôle que les gens aient si peur d’être accusés de nazisme”, alors qu’ils ne font qu’améliorer leurs propres embryons, a ajouté Simone, après avoir noté que sa grand-mère juive avait fui la France occupée par les nazis. “Je n’élimine pas les gens. Je veux dire, j’élimine de mon propre pool génétique, mais ce ne sont que Malcolm et moi.”


Selon la revue médicale à comité de lecture The Lancet, 183 des 195 pays du monde devraient tomber en dessous du taux de remplacement d’environ 2,1 enfants par femme d’ici 2100. Même des pays comme la Chine et l’Inde, qui ont déjà lutté contre la surpopulation, cherchent à un revirement brutal dans les années à venir.

Les démographes ont repoussé l’anxiété de la population comme celle de Musk, soulignant que la migration internationale en provenance de pays à population croissante aidera à stabiliser les conditions mondiales. D’autres ont fait valoir qu’il s’agissait d’une distraction activement nuisible de problèmes plus urgents comme la crise climatique et les inégalités mondiales.

Pourtant, les gouvernements qui craignent les impacts économiques d’une pyramide des âges très dense, dans laquelle les personnes âgées sont nettement plus nombreuses que les jeunes, ont commencé à prendre des mesures extrêmes. “Certains pays deviennent moins ambitieux pour assurer l’accès universel à la planification familiale ; certains restreignent le droit à l’avortement ; certains interdisent l’éducation sexuelle des programmes scolaires ; et certains propagent des stéréotypes de genre qui vont à l’encontre de l’autonomisation et de l’égalité des femmes”, Michael Herrmann, conseiller principal en économie et démographie au Fonds des Nations Unies pour la population, a écrit dans la Chronique de l’ONU à l’occasion de la Journée mondiale de la population.

Et après des décennies d’investisseurs snobant le soi-disant marché femtech de la santé reproductive, le monde de l’entreprise en a également pris note. Martín Varsavsky, un entrepreneur en fertilité père de sept enfants, m’a dit que lorsqu’il a commencé dans l’espace en 2016 après avoir fondé quatre licornes dans les secteurs des télécommunications et des énergies renouvelables, il était “très difficile” de trouver des investisseurs. Mais maintenant, alors que des couples riches et axés sur la carrière se réveillent dans la trentaine et la quarantaine et réalisent qu’il est trop tard pour réaliser leurs objectifs de reproduction, les investisseurs – dont beaucoup sont dans le même bateau – jettent de l’argent sur tout, de la FIV aux utérus artificiels .

La dernière entreprise de Varsavsky, Gameto, qui espère étendre les fenêtres de fertilité des femmes, a levé 40 millions de dollars auprès d’investisseurs tels que le cofondateur de XPrize Peter Diamandis, le fondateur de Future Ventures Steve Jurvetson et la cofondatrice de 23andMe Anne Wojcicki. Conception, la société qui espère créer des ovules humains viables à partir de cellules souches, a attiré l’attention d’Altman ainsi que des principaux donateurs d’EA comme le cofondateur de Recursion Pharmaceuticals Blake Borgeson et le cofondateur de Skype Jaan Tallinn, père de cinq enfants.

“Si notre technologie fonctionne”, a déclaré le cofondateur de Conception, Matt Krisiloff, “cela ouvrira vraiment la porte aux femmes qui pourront avoir des enfants dans la quarantaine et la cinquantaine confortablement.”

Selon les données de PitchBook rassemblées pour Insider, il y a eu 138 accords de capital-risque dans l’espace femtech américain en 2021, contre 57 en 2016. Cet été, des rumeurs ont commencé à se répandre selon lesquelles Musk envisageait d’acheter une grande chaîne de cliniques de fertilité, ce qu’il a nié . au Financial Times.

Le XXe siècle était une histoire d’atomes et de bits. Le XXIe siècle concerne la biologie et les bébés.

Certains investisseurs considèrent l’amélioration des technologies de fertilité comme un élément clé du maintien d’un avantage concurrentiel sur le marché mondial. Delian Asparouhov, un directeur de Founders Fund qui a été un ardent défenseur du concurrent de Genomic Prediction Orchid, a déclaré au Times de Londres que son intérêt pour la technologie venait d’un désir de “battre la Chine”, qui, selon lui, était la plus grande menace pour démocratie occidentale.

“Le 20e siècle était une histoire d’atomes et de bits”, a déclaré un investisseur de Genomic Prediction. « Le 21e siècle, c’est la biologie et les bébés. »


Simone et Malcolm n’ont pas été particulièrement surpris d’apprendre qu’à 31 ans, je n’ai qu’un seul ami proche avec un bébé. L’âge médian des femmes ayant leur premier enfant a dépassé 30 ans pour la première fois en 2019, selon le US Census Bureau, contre 27 ans en 1990.

Les Collins ne sont pas seulement inquiets que certaines personnes attendent d’avoir des enfants plus tard dans la vie. Ils craignent que les pressions culturelles, de la montée des applications de rencontres et des tensions économiques au type de nihilisme incarné par le mème chinois de « dernière génération », ne convainquent les gens qu’avoir des enfants est une mauvaise idée, point final.

En 2021, une enquête menée auprès de jeunes dans 10 pays a révélé que parmi les 16 à 25 ans, quatre sur 10 craignaient d’avoir des enfants à cause des angoisses liées au changement climatique. (Une étude de 2017 a révélé que chaque enfant supplémentaire dans les pays développés représentait 58,6 tonnes métriques de carbone par an, bien que ce nombre ne prenne en compte aucun changement de politique futur.) Pew Research a mené une enquête en 2021 qui a révélé qu’une part croissante d’adultes s’engageaient à rester sans enfant, citant des raisons qui incluent “l’état du monde”.

Les Collins craignent que le chevauchement entre les types de personnes qui décident de ne pas avoir d’enfants avec la partie de la population qui valorise des choses comme les droits des homosexuels, l’éducation des femmes et l’activisme climatique – des traits qu’ils croient être génétiquement codés – soit si grand que ces valeurs pourrait finalement disparaître.

Beaucoup de gens supposent que les pronatalistes veulent interdire l’avortement, mais presque tous les partisans pronatalistes interrogés pour cet article se sont identifiés comme “pro-choix”. En fait, la FIV, qui entraîne inévitablement la destruction des embryons fécondés, pourrait être menacée dans une société anti-avortement stricte. Les Collins ne s’attendent pas – ni même ne veulent – à ce que tout le monde dans les pays à faible taux de natalité commence soudainement à avoir sept enfants ou plus. Au lieu de cela, ils se considèrent comme faisant partie d’un sous-ensemble d’élite de personnes responsables de la croissance de leurs couvées pour compenser tous les Américains qui choisiront de ne pas le faire.

Malcolm et Simone Collins sont assis à une table de pique-nique avec leurs fils Octavian, 3 ans, et Torsten, 1

Octavian et Torsten sont nés avant que le test PGT-P ne soit disponible, mais leurs parents espèrent sélectionner de futurs embryons en utilisant la technologie émergente. 

J’ai demandé ce qui différenciait leur vision de Galaad, le régime totalitaire décrit dans “The Handmaid’s Tale” qui désigne certaines femmes comme reproductrices.

“Gilead, c’est ce qui se passe sans un atterrissage en douceur pour l’effondrement démographique !” Simone a répondu avec empressement.

Pourtant, de nombreux observateurs sont troublés par le fait que les natalistes s’inquiètent moins du nombre d’enfants que les gens ont et plus de qui les a.

“Il y a juste une sorte d’eugénisme à s’inquiéter des changements démographiques”, a déclaré Torres.

“Je trouve tout cela élitiste”, a ajouté Avey.

Les questions sur la classe et l’autonomie corporelle peuvent être exacerbées par les nouvelles technologies de fertilité. La demande de mères porteuses, qui sont souvent elles-mêmes des parents à faible revenu, a explosé ces dernières années, en particulier parmi les ultra-riches. Le mois dernier, une entreprise appelée Cofertility a fait la une des journaux avec ses promesses de rendre la congélation des ovules accessible à ceux qui n’en ont pas les moyens – à condition que le client accepte de donner la moitié des ovules récupérés aux familles payantes.

“Existe-t-il un accès équitable aux traitements de fertilité aujourd’hui aux États-Unis ? Ma réponse serait non”, a déclaré Varsavsky. “Mais je dirais aussi qu’il n’y a même pas un accès équitable aux médicaments aux États-Unis.”

Les enfants issus de familles riches ont toujours bénéficié d’avantages, allant des soins de santé et de la nutrition de haute qualité à une éducation coûteuse et à des activités parascolaires. Maintenant, certains craignent que les technologies de contrôle génétique des tests génétiques ne donnent aux ultra-riches une autre longueur d’avance avant même qu’ils aient quitté l’utérus.

“C’est à certains égards la forme d’inégalité la plus brutale que ce type puisse avoir 20 enfants et en fait 20 enfants en très, très bonne santé – aussi bons que la technologie moderne puisse les rendre – enfants”, a déclaré Hsu. “Alors que d’autres personnes ne peuvent pas s’en prévaloir.”


Lors de notre première visite de la ferme, Simone a souligné l’une de ses nombreuses particularités : les toilettes cachées dans le coin de son bureau, où elle se mettait en sourdine lors de réunions virtuelles pour vomir en secret lors de ses nausées matinales. Les Collins ont déclaré que certains investisseurs potentiels se sont retirés de leur fonds de recherche lorsqu’ils ont appris leur intention d’avoir des enfants. Déterminée à leur prouver le contraire, dit-elle, elle a même pris des appels commerciaux pendant le travail. 

“Elle déteste quand les gens disent qu’on ne peut pas tout avoir”, m’a dit Malcolm.

J’ai demandé au couple s’ils croyaient vraiment que leur énergie apparemment illimitée était réalisable à grande échelle pour les parents à taux de natalité élevé. “Je pense que c’est une question d’état d’esprit”, a répondu Simone, qui n’a pas l’intention d’arrêter de travailler pendant qu’elle agrandit sa famille, bien qu’elle ait l’intention de sous-traiter une quantité importante de garde d’enfants à des professionnels rémunérés et à des stratégies d’éducation des enfants en commun.

Une fois que les pronatalistes auront atteint la masse critique, espèrent les Collins, ils pourront commencer à façonner la société autour de leurs besoins.

“Il faut créer des cultures qui récompensent” et avoir des structures pour les familles nombreuses, a expliqué Simone. Les problèmes des animaux de compagnie pronatalistes incluent tout, de l’augmentation du développement du logement à la modification des lois sur la réglementation des sièges d’auto (une étude a révélé que les gens cesseraient d’avoir des enfants lorsqu’ils ne pourraient plus installer de sièges d’auto dans leur véhicule). Pendant la pandémie de coronavirus, les Collins ont tenté de collecter des fonds pour une “ville start-up” familiale qu’ils ont appelée Project Eureka , où toutes les règles de la communauté seraient “en fin de compte fixées – tous les différends résolus” par les Collins.

Lorsque la collecte de fonds a stagné, ils ont redirigé leur attention vers le Collins Institute for the Gifted, une école de laboratoire en ligne spécialisée qui s’associe à l’Université d’Austin, cofondée par Bari Weiss, et au Fonds 1517 soutenu par Thiel. (Musk a également créé un programme éducatif en boutique, Ad Astra, pour sa famille et les enfants de ses employés, qui s’est depuis étendu à l’école en ligne Astra Nova.)

La logique derrière le Collins Institute reflète leur pensée dans son ensemble : “Si vous voulez améliorer l’avenir de tous et que vous pouvez choisir d’augmenter considérablement les résultats scolaires des 10 % les plus pauvres ou des 0,1 % les plus riches”, le Collinses dit de choisir le 0,1 %.  

Les Collins ont également développé un système pour suivre les progrès futurs de leur famille appelé The Index. “Nous enregistrons comment vos enfants se comportent émotionnellement, comment vos enfants se débrouillent en termes de carrière et vos enfants restent-ils dans la culture avec laquelle ils ont été élevés”, a expliqué Malcolm. Il a dit qu’il avait hâte de voir ses propres enfants en désaccord avec son paradigme parental et s’attendait à ce qu’ils soient suffisamment compétitifs pour trouver le leur. Ensuite, 11 générations plus tard, lorsque la famille élargie Collins sera la culture dominante de la Terre (ou de Mars), elle disposera de centaines d’années de données sur lesquelles se pencher et tirer des enseignements.

Un peu plus d’un mois après ma visite en Pennsylvanie, Simone a envoyé une série de mises à jour sur la naissance de Titan, y compris un selfie de son lit d’hôpital, un nouveau-né dans ses bras, portant son rouge à lèvres rouge immaculé. Elle a repris son horaire de travail normal le lundi après sa césarienne du vendredi, et neuf mois plus tard, il sera temps de faire la queue pour le prochain transfert d’embryon.

Simone Collins avec son fils Torsten

Elle a également pesé sur l’implosion stupéfiante de l’échange cryptographique FTX de Sam Bankman-Fried, qui représentait l’un des plus grands centres financiers du mouvement de l’altruisme efficace. Les Collins, qui ne se sont jamais directement associés au principal donateur démocrate Bankman-Fried, ont repéré une opportunité dans sa disparition. 

“Cela signifie que notre faction (plus conservatrice, pronataliste, axée sur la construction de civilisations à long terme, susceptible de s’autofinancer) est désormais 100 fois plus susceptible de devenir une véritable faction dominante dans l’espace EA”, a écrit Simone dans un message texte. le 12 novembre.

Les Collins espèrent que les progrès technologiques suivront le rythme de leur famille grandissante. Les entrepreneurs de la reproduction qui m’ont parlé semblaient convaincus que la science progresserait rapidement. “Je pense que nous atteignons un point où nous réinventons la reproduction”, a déclaré Varsavsky.

Si les scientifiques d’entreprises comme Conception réussissaient à créer des embryons viables à partir de cellules souches, ils pourraient en théorie en produire un nombre considérable. Combiné à un dépistage génétique amélioré, les parents pourraient choisir le bébé “optimal” dans un bassin beaucoup plus grand. “Il y a une séduction dans ces idées, car c’est très grandiose”, a déclaré Torres. “Il s’agit de prendre le contrôle de l’évolution humaine.”

Quant à Simone et Malcolm Collins, Malcolm a déclaré: “Nous essayons de donner à nos enfants la meilleure chance de la vie.” Ils croient simplement que le meilleur coup de leurs enfants est aussi celui de l’humanité.

Ce projet nataliste ne ferait pas exception dans une certaine frange de la population américaine. Le pro natalisme serait un mouvement de pensée de plus en plus en vogue dans la Silicon Valley et à Austin (Texas) – autre hub de la tech américaine, rapporte Business Insiders. Plusieurs CEO du secteur comme Sam Altman, le cofondateur de OpenAI, ou Luke Nosek de Paypal s’intéressent de près à cette idée. Cet intérêt se traduit notamment par des investissements de plus en plus massifs dans les technologies de reproduction, marché qui devrait atteindre 78,2 milliards de dollars d’ici à 2025 selon Research and Markets.

Elon et ses dix enfants

L’une des figures emblématiques de ce mouvement n’est autre qu’Elon Musk, lui-même père de dix enfants. Le milliardaire s’inquiète régulièrement du déclin de la population sur Twitter. Et selon des proches interrogés par Business Insider, il songe depuis plusieurs années à repeupler la planète avec sa progéniture et encouragerait ses amis riches à faire de même, persuadé que la richesse est directement liée au QI.

Comme Elon Musk, les autres pro natalistes sont motivés par la crainte de voir la population humaine s’éteindre progressivement à cause de la baisse du taux de natalité dans la plupart des pays développés. Une étude publiée dans The Lancet prévoit notamment qu’en 2100, 183 pays sur 195 passeront en dessous de la barre fatidique de 2,1 enfants par personne.

Le pro natalisme trouve ses racines idéologiques dans des courants de pensée plus généraux et très ancrés dans la culture de la tech : le transhumanisme, ou cette idée de créer grâce à la technologie des humains plus performants, le longtermisme, un courant philosophique qui envisage dès à présent les problèmes que l’humanité pourrait rencontrer dans des milliers d’années, et l’effective altruism, mouvement cher notamment au PDG déchu de FTX qui consiste à financer des œuvres de charité de manière efficace – quitte à faire quelques entorses à l’éthique.

Tous ces mouvements partagent l’idée d’un futur chaotique mais qu’une partie de la population peut encore sauver. En bref : l’humanité court à sa perte, mais pas de panique, la Silicon Valley est là. Et pour ses plus fortunés représentants, faire des bébés fait partie de la solution.

L’eugénisme is the new cool

Le témoignage des Collins révèle par ailleurs toute une économie naissante de la reproduction. Car pour mener à bien leur plan de reproduction, le couple qui est déjà dans leur trentaine, mise beaucoup sur la technologie. En 2018, année qu’ils ont rebaptisée l’« année de la récolte », ils ont congelé des embryons en grande quantité. Ceux-ci ont d’abord été passés aux cribles de la technologie de Genomic Prediction. Cette startup américaine a développé une technique permettant d’évaluer la viabilité d’un embryon et ses risques de développer différentes maladies dont la schizophrénie, le diabète et cinq types de cancer.

Les Collins se sont ensuite tournés vers une seconde société – SelfDecode, qui a évalué les risques qu’encouraient leurs enfants en devenir de développer une obésité, des maux de tête, du stress… Le couple suit toutes ces données sur une feuille de calcul qui leur permet de déterminer quels embryons seront implantés dans l’utérus de Simone. Peu importe que ces entreprises soient controversées et que le lien entre certaines maladies ou traits de caractères et la génétique n’ait pas encore été prouvé. 

Le couple a également un système pour suivre le développement de leur progéniture baptisé « The Index ». Le but est d’enregistrer leurs émotions, leur carrière, leurs idéaux…, afin d’avoir un suivi sur plusieurs générations.

Conscients que ce courant de pensée n’a pas bonne réputation – on associe plus volontiers l’eugénisme au nazisme qu’à un grand projet sympathique de sauvetage de l’humanité – Simone et Malcom se sont donné pour mission de rendre leur combat cool et socialement acceptable via leur organisation Pronatalist.org. Ils avancent notamment des arguments censés être progressistes, et agitent la peur de voir certaines valeurs – activisme écologique, défense du droit des femmes – disparaître car elles sont portées par des personnes qui n’auront pas ou peu d’enfants. Même si rien ne prouve, encore une fois, que ces valeurs sont génétiquement transmissibles.

Business Insider