Logement : De plus en plus de Français se tournent vers le camping car les locations sont rares et chères

Pénurie de biens, augmentation des loyers… l’offre restreinte de logements empêche celles et ceux qui auraient les moyens de louer, voire d’acheter, et les oblige parfois à vivre temporairement dans un habitat précaire. Entre inflation et tension locative, un public à revenus modestes se retrouve exclu du parc locatif classique, y compris dans des villes moyennes.

Les campings seront-ils appelés à servir de variable d’ajustement quand une partie des candidats à la location ne trouvent plus rien dans leurs moyens? C’est la question que l’on peut se poser à Quimper par exemple où de nombreux résidents contraints à s’installer dans des mobile-homes difficiles et chers à chauffer face à la pénurie de logements locatifs et à la hausse des loyers. Ils sont étudiants, jeunes salariés ou famille monoparentale fraîchement séparée…

Après la métropole brestoise il y a plusieurs années, les difficultés de logement ont gagné, depuis la crise sanitaire du Covid-19, de nouveaux territoires du Finistère, selon l’analyse de l’Agence départementale d’information sur le logement (ADIL), poussant certains résidents à vivre au camping.

Pénurie de logements dans les parcs privé comme public, augmentation des loyers – bond de 6,4 % en un an dans le département, selon un baromètre SeLoger de 2021 – et renforcement des exigences des propriétaires ont contraint Valentin à se contenter, au moins le temps de valider sa période d’essai, de ce mobil-home de deux chambres, dit« confort ». Dans ces logements destinés à de courts séjours en période estivale, le double vitrage des fenêtres est « plus épais que les murs », ironise-t-il, et l’isolation, précaire. La consommation de 200 kilowatts d’électricité par mois comprise dans la location est insuffisante en hiver pour Valentin, lui occasionnant un surcoût de chauffage facturé par le camping.

Ebouriffé et aveuglé par la lumière du jour, Valentin (dont le prénom a été modifié) apparaît dans l’encadrement de la porte vitrée du mobil-home qu’il occupe dans la fraîcheur du début du mois de février, au camping L’Orangerie de Lanniron, à Quimper. « Vous avez compris la situation, vous voyez le tableau », lance-t-il.

Ce phénomène des salariés pauvres ou d’autres publics fragiles ne pouvant plus se loger dans le parc «traditionnel», on l’observe depuis quelques années déjà à proximité des principales villes du pays. Mais la situation semble s’aggraver jusqu’à toucher des villes moyennes, voire des zones rurales. «L’inflation a clairement fragilisé des ménages modestes et provoqué des basculements vers le déclassement, souligne Henry Buzy-Cazaux, spécialiste du logement et président-fondateur de l’école d’immobilier IMSI. Le phénomène a augmenté durant la crise sanitaire obligeant ces mal-logés à se tourner vers des solutions provisoires ou interstitielles, comme les campings voire sa voiture personnelle.»

Mais alors que l’inflation semble ralentir un peu, la pénurie de logements locatifs se fait plus forte que jamais, assortie de fortes hausses de loyers. Selon une étude du portail de petites annonces Bien’Ici parue en début d’année, la tension du marché locatif a bondi de 68% en moyenne sur l’année écoulée. Les offres chutent partout alors que la demande ne cesse d’augmenter. Selon ces statistiques, c’est dans le bassin méditerranéen, en région parisienne et dans les Hauts-de-France que la situation s’est le plus dégradée.

Grosses difficultés de Saint-Malo à Biarritz

«La clientèle assez naturelle de la primo-accession a connu un recul violent, explique Henry Buzy-Cazaux. En quelques mois, elle a été divisée par deux et cette population peine désormais à trouver sa place aussi bien dans le parc locatif public que privé.»

Dans son rapport 2023 sur le mal-logement, la Fondation Abbé-Pierre souligne, elle aussi, les difficultés que cause la hausse généralisée des prix immobiliers et des loyers. «Aujourd’hui, toutes les zones littorales ouest et sud du pays présentent des prix élevés comme la quasi-totalité des métropoles et des secteurs à proximité de l’Allemagne, de la Suisse et du Luxembourg, peut-on y lire. D’autres villes moyennes sont touchées par la hausse des prix, notamment en raison de leur relative proximité avec la région parisienne, comme Le Mans, Tours, Chartres, Reims, Orléans ou Angers

Le document souligne également des difficultés particulières pour «le logement des salariés modestes dans toute la zone littorale qui va de Saint-Malo à Biarritz». Entre pression démographique et touristique, la multiplication des résidences secondaires et des locations touristiques de type Airbnb laissent peu de place à des locataires modestes. La situation est d’autant plus préoccupante que tout indique que la tension locative devrait continuer d’augmenter cette année.

Les contraintes de rénovation thermiques poussent en effet certains propriétaires à vendre leur bien locatif (car ils n’ont pas envie ou ne peuvent emprunter pour financer les travaux) et découragent certains candidats à se lancer. Par ailleurs, la hausse continue des taux des prêts immobiliers sans baisse significative des prix pour le moment réduit le nombre de candidats à l’accession à la propriété. Ils restent alors plus longtemps dans leur location et contribuent à l’engorgement du marché.

Le Figaro