L’orthographe : Une science désuète et élitiste ?

Après quarante ans d’effondrement général, l’Éducation nationale lance de nouveaux « plans d’action » pour essayer d’enrayer le désastre. Non, non, ne souriez pas. Je vois dans votre œil cette lueur dubitative, voire franchement moqueuse, qui prouve que vous êtes des gens de peu de foi. Un des chantiers majeurs semble être celui de l’orthographe. Plus personne ne peut prétendre qu’il n’y a pas un problème. Où en est-on ?

Voici le texte de la dictée qui, depuis 35 ans, sert d’étalon pour évaluer le niveau en orthographe des petits Français : « Le soir tombait. Papa et maman, inquiets, se demandaient pourquoi leurs quatre garçons n’étaient pas rentrés. – Les gamins se sont certainement perdus, dit maman. S’ils n’ont pas encore retrouvé leur chemin, nous les verrons arriver très fatigués à la maison. Pourquoi ne pas téléphoner à Martine ? Elle les a peut-être vus.
Aussitôt dit, aussitôt fait ! À ce moment, le chien se met à aboyer. »

Rien de bien difficile dans ce texte, soumis à des élèves fréquentant l’école depuis plus de sept ans. 67 mots, parmi lesquels seulement 55 mots différents si l’on excepte les répétitions, et 32 monosyllabes. Or, nos élèves font en moyenne 19 fautes à cette dictée. En 1987, sur le même texte, les élèves ne faisaient que 10 fautes, ce qui est déjà énorme. En 1987, 13 % des élèves faisaient moins de 2 fautes. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 2 %, alors que 28 % font plus de 25 fautes.”

Le ministère se félicite toutefois que les articles (« le », « la », « les ») et les négations (« ne pas ») soient maîtrisés par 90 % des élèves. En sept ans, ils ont appris à écrire « le », réjouissons-nous ! Cela signifie quand même que 10 % d’entre eux font une faute sur « le » ou « ne »… Comment l’écrivent-ils donc ?

Seuls 57 % des élèves savent accorder « tombait » avec son sujet, dans une phrase de trois mots. Dès que le verbe est au futur (« verrons »), on tombe à 37 % de bonnes réponses, et « vus » n’est correctement orthographié que par 17 % des élèves.

Alors, on peut douter qu’une heure de soutien par semaine en 6e saura corriger tout cela. D’autant plus que seule une petite proportion d’élèves seront en soutien de français, les autres seront en « approfondissement » ou en cours de mathématiques, car dans cette discipline, aussi, le bateau coule. Mais si l’on écoute les collègues, ils nous disent que la plupart des élèves ne comprennent pas les énoncés des exercices… et que leurs soucis en mathématiques sont ainsi renforcés par leur déficit en français.

Et puis, si l’on veut parler avec un peu de franchise, les enseignants sont-ils en mesure de corriger le niveau de français de leurs élèves ? Je crois ne pas avoir reçu un seul message de collègue, depuis la rentrée, dépourvu de faute d’orthographe… On peut admettre que l’on écrit vite et que l’on relit rarement un courriel, mais je reste perplexe.

Parlerons-nous des messages des parents ? Des articles de journaux ?

Nous pouvons communier dans une grande déploration. Mais il faudrait réagir d’urgence et, pour cela, former correctement de vrais enseignants, parlant et écrivant un français correct, car c’est toute notre culture qui va s’effondrer si on ne restaure pas un rapport amoureux à notre langue et, partant, à la pensée.

Boulevard Voltaire