Lundi de Pentecôte ? Chouette ! C’est férié ! Que célèbre-t-on et d’où vient le nom de cette fête ?

Il faut bien l’admettre : la grande majorité des Français aujourd’hui ne connaissent la Pentecôte que grâce au lundi de Pentecôte, parce qu’il est un jour férié. En effet, dans un sondage IFOP réalisé du 5 au 7 août 2020[1], 86 % des personnes interrogées ignoraient « ce que l’on célèbre à la Pentecôte ». Elles étaient 79 % dans un précédent sondage de 1988, il y a 35 ans. On constate donc la persistance et, même, l’aggravation de la méconnaissance de nombre de nos compatriotes à propos d’un mot qu’ils emploient (« C’est lundi de Pentecôte, on ne travaille pas ! ») sans en connaître la signification. Alors, la,église,relif Pentecôte, qu’est-ce que c’est ?

Si l’on se réfère à l’étymologie, « Pentecôte » vient du grec Πεντηκοστα (pentècosta) qui signifie « cinquantième ». Cela indique que la fête célébrée ce jour-là se situe cinquante jours après la Pâque. Chez les anciens Hébreux, il s’agissait d’abord d’une fête de la moisson, peut-être d’origine païenne, qui évolua en fête anniversaire de l’Alliance conclue, selon les textes, une cinquantaine de jours après la sortie d’Egypte[2].

Dans leurs Missels, les Chrétiens apprennent à la lecture des Actes des apôtres (Cum complerentur, 2, I-II), comment ces derniers reçurent l’Esprit Saint : « Tout à coup, il se produisit, venant du ciel, un bruit comme celui d’un vent impétueux, et ce bruit remplit toute la maison où ils étaient rassemblés. Et alors ils virent apparaître comme des langues de feu qui se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis du Saint Esprit et commencèrent à parler diverses langues, selon que l’Esprit Saint leur donnait de s’exprimer. »

On voit que le dimanche de Pentecôte commémore la théophanie, c’est-à-dire, le don de l’Esprit avec les signes qui l’accompagnent : le vent, le feu et le « parler en langues » qui symbolise la vocation universelle de l’Eglise.

Comme pour Pâques, la fête de la Pentecôte se prolonge pendant toute une octave et la messe du lundi comporte en première lecture (Aperiens Petrus, 10, 34, et 42-48) un extrait des Actes des Apôtres où Saint-Pierre apparaît comme le premier chef de l’Eglise universelle du Christ : « Frères, le Seigneur nous a ordonné de prêcher et de lui rendre témoignage devant le peuple (…). Comme Pierre prononçait ces mots, l’Esprit Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient sa parole. Et les fidèles de la circoncision, qui étaient venus avec Pierre, furent frappés d’étonnement de ce que la grâce de l’Esprit Saint se répandait également sur les Gentils. On voit que Saint-Pierre invite les apôtres à remplir la mission dont le Christ les a chargés, prenant en quelque sorte la succession du Christ, mais aussi que l’Esprit Saint se répand alors non seulement sur les fidèles de la circoncision, c’est-à-dire, les Juifs, mais aussi sur les Gentils, les non Juifs, montrant ainsi l’universalité de l’Eglise du Christ.

On observe que la Pentecôte possède plusieurs sens, ce qui explique qu’elle est une des fêtes les plus riches de l’Eglise. La Pentecôte commémore l’effusion eschatologique de l’Esprit. Elle couronne la plénitude de la Pâque du Christ. Elle rassemble de façon messianique la communauté des premiers chrétiens. Elle montre que cette communauté est ouverte à tous les peuples. Elle marque, enfin, le commencement de la mission des apôtres[3].

Le 8 mars 1886, le Président de la République Jules Grévy promulgua une loi « déclarant jours fériés légaux le lundi de Pâques et le lundi de la Pentecôte ». Cette loi avait pour but de permettre aux catholiques de célébrer dignement les fêtes de Pâques et de la Pentecôte dont l’importance était ainsi soulignée. En 2004, le Gouvernement Raffarin supprima ce jour férié pour lui substituer une journée de solidarité en faveur des personnes âgées ou handicapées. A partir de 2008, une loi du 16 avril a permis aux employeurs de fixer la journée de solidarité à un jour différent de celui du lundi de Pentecôte.

Dans la polémique liée à la substitution d’une journée de solidarité au lundi de Pentecôte considéré comme jour férié, « l’épiscopat français déclara qu’il n’y avait pas d’objection d’ordre religieux à sa suppression, mais réclama une concertation[4]. » Peut-être serait-il bon qu’à l’occasion de la Pentecôte, l’Esprit Saint retombe sur l’épiscopat français, et que les religieux retrouvent le sens de leur rôle missionnaire ?

[1] IFOP

[2] Xavier-Léon Dufour, Vocabulaire de théologie biblique, Les Editions du Cerf, 1971

[3] Xavier-Léon Dufour, opus cité

[4] Wiki

Présent

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Ce dimanche et ce lundi, c’est la Pentecôte, un long week-end qui s’annonce beau et chaud ! On vous dit tout sur les origines et les traditions de cette fête chrétienne et de son lundi férié Pour la plupart des gens, la fête de la Pentecôte est avant tout un lundi férié qui permet de faire le pont et de partir trois jours, un mois avant l’arrivée officielle de l’été.

L’Esprit saint et la création de l’Église

Pentecôte signifie cinquantième en grec”

À l’origine, le dimanche de Pentecôte – qui signifie cinquantième en grec, car cette fête a lieu cinquante jours après Pâques -, célèbre un épisode religieux essentiel pour les chrétiens : l’arrivée du Saint-Esprit, troisième élément de la Trinité avec le Père (Dieu) et le Fils (Jésus). La date en est variable puisque Pâques est une fête mobile. Elle est toujours comprise entre le 10 mai et le 13 juin.

La Pentecôte dans un missel du XIVe siècle, représentée par une colombe.

La Pentecôte dans un missel du XIVe siècle, représentée par une colombe.

Selon la Bible, sept semaines après la résurrection de Jésus et une dizaine de jours après l’Ascension (le moment où il quitte la terre des Hommes), les apôtres étaient réunis, de peur d’être arrêtés, dans un endroit élevé de Jérusalem, un lieu nommé Cénacle – dont le nom passera dans le langage commun -, qui avait déjà été le théâtre de la Cène, dernier repas du Christ.

Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer.”

Envoyé par le Christ pour leur donner le courage de porter à la terre entière la nouvelle de la vie éternelle et du salut universel, l’Esprit saint, décrit dans les Actes des Apôtres sous forme de langues de feu et souvent représenté par une colombe, était déjà annoncé dans l’Ancien Testament. Il marque le véritable début de l’Église catholique et de l’évangélisation.

Comme Pâques, la tradition de pratique religieuse Instituée au IVe siècle à cette période de l’année est toutefois antérieure à l’avènement de la chrétienté. Selon la Bible, les événements de la Pentecôte surviennent en effet au moment de la fête juive de » Chavouot », une des trois fêtes de pèlerinage du judaïsme au cours de laquelle on célèbre le début de la saison de la moisson du blé et, dans la tradition rabbinique, le don de la Torah sur le mont Sinaï.

La lecture du Livre de Ruth à Chavouot a été instituée dans le haut Moyen Âge parce qu’elle correspondait aux deux thèmes de la fête, la moisson et le don de la Torah.

La lecture du Livre de Ruth à Chavouot a été instituée dans le haut Moyen Âge parce qu’elle correspondait aux deux thèmes de la fête, la moisson et le don de la Torah.

Quêtes, omelettes, gâteaux à l’anis, processions… Des traditions parfois oubliées

La Pentecôte vient clore le cycle de Pâques et certaines traditions populaires font le lien entre les deux fêtes. En Alsace, les enfants organisent des tournées de quête, comme ils le font pour Pâques. En Limousin, on remet les œufs à l’honneur : on mange la paschada, l’omelette, et les tostas ou poumpas, des gâteaux de farine aux œufs et à l’anis. .

Autrefois, on allait souvent en procession après la messe vers une croix ou un sanctuaire près de l’église. Cette fête était aussi l’occasion de nombreux pèlerinages. Souvent tombés dans l’oubli, ils étaient organisés le dimanche ou le lundi de Pentecôte, afin d’évoquer le départ des apôtres vers les nations de la terre entière. Les plus connus sont ceux de Paris à Chartres (trois jours de marche) et celui de Provence à la Sainte-Baume, dans le Var.

Des roses en décor”

« Coutume de la Pentecôte, à La Haye » : des jeunes filles parées de fleurs vont de porte en porte pour récolter de l’argent (Picart, v. 1732)

« Coutume de la Pentecôte, à La Haye » : des jeunes filles parées de fleurs vont de porte en porte pour récolter de l’argent (Picart, v. 1732)

Au Moyen Âge, la Pentecôte était aussi appelée Pascha Rosata, Rosaceum ou Rosarum, parce qu’on décorait les églises avec des roses, comme on le fait ultérieurement, pour la Fête-Dieu. Dans certaines régions, on allait jusqu’à décorer aussi les rues. Ainsi, en Aunis, en Charente-Maritime, jusque dans les années 1890-1900, on accrochait des guirlandes de roses en croix dans les rues et on suspendait des couronnes de fleurs et des bouquets.

Férié grâce à Napoléon

Comme le lundi de Pâques, le jeudi de l’Ascension, Noël, l’Assomption (montée de la Vierge Marie aux Cieux) et la Toussaint (fête des saints), la Pentecôte est redevenue depuis la signature du Concordat de 1801 entre l’Église catholique et Bonaparte, une fête légalement chômée partout en France.

Signature du Concordat entre la France et le Saint-Siège, le 15 juillet 1801, par François Gérard.

Signature du Concordat entre la France et le Saint-Siège, le 15 juillet 1801, par François Gérard.

Mais la situation a évolué en 2003, après la grande canicule qui a causé le décès de 15 000 personnes, pour la plupart des personnes âgées. Le Premier ministre d’alors, Jean-Pierre Raffarin propose la suppression d’un jour férié, remplacé par une « Journée de solidarité », destinée à financer des « actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées ou handicapées ». Le choix du gouvernement se porte sur le lundi de Pentecôte.

Où va l’argent de la journée de solidarité ?

Si Pentecôte est redevenue un jour férié, chaque Français doit travailler une journée dans l’année pour la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

L’Église française ne s’est pas élevée contre cette mesure, le lundi de Pentecôte n’étant plus considéré comme un jour de cérémonie majeure depuis le concile de Vatican II (1962-1965). C’est surtout sur le terrain social que la mesure sera contestée, comme sur celui des sommes réellement dégagées pour les personnes âgées.

La Journée de solidarité travaillée va se déconnecter totalement du lundi de Pentecôte à partir de la loi du 16 avril 2008. Dans les faits, la journée de solidarité est aujourd’hui indépendante du calendrier et n’a donc plus forcément lieu le lundi de Pentecôte, redevenu un four férié comme un autre, parmi les autres dates chômées liées à une fête chrétienne.

Et ailleurs ?

La fête de la Pentecôte a lieu un dimanche, jour férié dans les pays de culture chrétienne. Dans certains d’entre eux, le lendemain est également chômé, à l’instar de la France : c’est le cas en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en France, en Hongrie, en Islande, au Liechtenstein, en principauté de Monaco, au Luxembourg, aux Pays-Bas, dans certains cantons suisses, en Norvège, au Danemark, en Ukraine, en Roumanie, à Chypre, en Grèce, à Madagascar, au Bénin, au Togo, en Côte d’Ivoire et au Sénégal qui, pourtant, est un pays à 90 % musulman.

En Suède, il ne l’est plus depuis 2005, année où le 6 juin (fête nationale suédoise) est devenu férié. Mais il ne l’est pas dans des pays pourtant de tradition catholique comme l’Italie, le Brésil, l’Irlande, l’Espagne, le Canada, le Portugal, la Pologne, ni dans certains pays de tradition orthodoxe comme la Russie.

Sud-Ouest