Lyon (69) : “Edson-Pierre Ndona ne comprend pas”, l’apprenti-serveur congolais est sous le coup d’une OQTF

Dans l’attente de ses papiers, ce jeune Congolais, entouré de soutiens, devait poursuivre ses études dans la restauration et entamer un stage dans une brasserie Bocuse. Il avait obtenu un récépissé de demande de régularisation avec droit au travail. Un mois plus tard, il se retrouve sous le coup d’une obligation de quitter le territoire (OQTF). Il ne comprend pas.

Edson Ndona, Congolais, raconte être arrivé en France en 2017 à l’âge de 16 ans pour fuir un beau-père qui le menaçait de mort. Abandonné à Lyon par un passeur qui l’a conduit jusqu’à l’aéroport de Saint-Exupéry depuis le Congo, il est recueilli d’abord par MEOMIE (Mission Evaluation et Orientation Mineurs Isolés Etrangers), puis par des bénévoles du Secours Catholique. Après 6 ans d’une intégration réussie et alors qu’il pensait prochainement obtenir une carte de séjour, il se retrouve menacé par une OQTF (Obligation de quitter le territoire français).

Incompréhensible pour les personnes qui l’entourent et qui l’ont vu parfaitement s’intégrer. A commencer par Yves Berger, bénévole au Secours Catholique qui l’a sorti de 6 mois de vie dans la rue puis avait entrepris des démarches pour le scolariser, notamment auprès de RESF (Réseau Education Sans Frontières). Une autre bénévole, Corinne Ribault qui l’héberge toujours, accuse aussi le coup alors que le jeune réfugié a appris le français, l’enseigne désormais à de jeunes migrants et est en train de se construire un avenir professionnel à travers la restauration à Lyon. Elle est sa marraine républicaine depuis le 27 mars 2021, date du baptême à la mairie du 6e. Jean-Jacques Penaud, ancien président du tribunal pour enfants de Lyon est son parrain.

« Je l’ai accueilli et hébergé »

« Lorsque j’ai été alertée, en novembre 2017, par un membre du Secours catholique de la situation de ce garçon de 16 ans vivant dans la rue depuis trois mois, je l’ai immédiatement accueilli et hébergé chez moi, dès le 24 novembre 2017. Je ne l’ai pas adopté mais une relation de confiance s’est établie entre nous », confie Corinne Ribault. « Parallèlement des démarches ont été entreprises pour le scolariser, avec le Secours catholique et RESF (Réseau éducation sans frontières). Edson-Pierre, lui, de son côté, a appris le français très rapidement avec des bénévoles de ces associations. Puis il a pu être scolarisé.

Un élève exemplaire

Dans un premier temps au lycée Hélène-Boucher, à Vénissieux où il a obtenu son CAP de cuisinier. Et maintenant au lycée hôtelier de Saint-Chamond dans la Loire où il prépare un bac pro d’hôtellerie-services.

Son rêve ? Préparer un BTS en alternance. Ce qui semble possible selon ses professeurs qui lui reconnaissent un comportement modèle.

Edson-Pierre Ndona a dû quitter sa famille à l’âge de 14 ans. Il est alors recueilli par une communauté religieuse pendant deux ans. En août 2017, à la veille de ses 16 ans, celle-ci décide de l’envoyer en France, sans raison précise connue, peut-être pour qu’il puisse y étudier.

Confié à un passeur

Cette communauté le confie à un passeur qui l’accompagne jusqu’à l’aéroport de Saint-Exupéry et le laisse en lui disant simplement : « Reste ici, quelqu’un viendra te chercher ! ». Personne n’est venu.

Quelqu’un de bienveillant, voyant le désarroi d’Edson, le conduit à Lyon et le dépose à l’une des missions d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers de Lyon (MEOMIE). Après vérification du seul document en sa possession, un acte de naissance, l’Aide sociale à l’enfance a refusé de le prendre en charge en raison d’une mauvaise rédaction de ce document tendant à prouver qu’Edson n’était plus mineur.

Depuis, l’acte de naissance a pu être révisé et, récemment, Edson a obtenu une carte consulaire délivrée par l’ambassade du Congo à Paris.

Le jeune homme raconte : « J’ai obtenu mon CAP de cuisinier au lycée Hélène-Boucher, à Vénissieux, et obtenu un bac pro d’hôtellerie-services au lycée hôtelier de Saint-Chamond ».

« Les conditions ne sont pas réunies pour lui délivrer une carte de séjour »

Encouragé par ses professeurs, il s’inscrit dans le cursus d’un BTS en alternance. Sauf que pour cela, il doit obtenir sa carte de séjour. Dans cet objectif, le 2 mai 2021 il demande une convocation préfectorale pour régulariser sa situation. Dans cette attente, il décroche un stage de 4 mois à la brasserie Bocuse-Le Sud, à l’été 2022, où il donne tellement satisfaction que pour entamer son BTS en alternance, la brasserie Bocuse lui établit un contrat d’apprentissage de serveur, commis de salle.

« J’entrevoyais la concrétisation de mon rêve », confie Edson après une convocation à la préfecture le 29 novembre 2022, où il reçoit le récépissé de sa demande de régularisation, mentionnant, « avec droit au travail », valable jusqu’au 28 mai 2023. Ce jour-là, l’agent du guichet lui aurait précisé que sa carte de séjour allait lui être délivrée rapidement.

Moins d’un mois plus tard, c’est la douche froide. Et le rêve qui se brise quand le préfet du Rhône délivre à Edson Ndona une décision de refus de séjour avec OQTF, dans un délai de 30 jours, arguant notamment que le récépissé avec droit au travail lui avait été délivré « par erreur ».

A la Préfecture, sans vouloir entrer dans le détail d’un dossier personnel, on ne parle pas d’erreur : « Le récépissé est délivré dans l’attente que les services étudient le dossier. Il a été examiné. Les conditions ne sont pas réunies pour lui délivrer une carte de séjour. »

Edson Ndona ne comprend pas. Compte tenu de son intégration réussie en France, il demande une nouvelle décision de justice et un nouveau droit au travail. Le référé suspensif qu’il avait déposé a été refusé. Un recours hiérarchique a été adressé à la Direction générale des étrangers en France, au Ministère de l’intérieur.

Le Progrès