Macron critique sévèrement les patrons français en Afrique
En exposant sa nouvelle stratégie pour l’Afrique, Emmanuel Macron a tancé les patrons français présents sur le continent, accusés de profiter de rentes et de frilosité face à la concurrence chinoise, indienne ou turque. Cette critique, qui passe très mal auprès du patronat, s’explique par la spectaculaire dégringolade des parts de marché de la France sur ce continent, considéré comme le futur gisement de la croissance mondiale.
Ils ne s’attendaient pas à une telle claque. Les patrons français présents en Afrique ont été cloués au pilori par Emmanuel Macron, lors de son discours, le 27 février, détaillant sa nouvelle stratégie pour le continent, avant un déplacement en Afrique centrale et de l’est. Nos entreprises “ne vont pas dans la bonne direction”, ont “souvent une logique de rente” et “ne produisent pas des travaux de qualité parce que c’est l’Afrique”. Signe révélateur, elles envoient leurs “n– 10″ pour l’accompagner lorsqu’il rencontre les présidents africains. “Il faut un réveil collectif. D’autres pays prennent des positions, a-t-il lancé. C’est vous qui êtes attendus en Afrique.”

Pourquoi les secoue-t-il aussi autant ? Macron fait d’abord le constat amer de la dégringolade de nos parts de marché, passées, en 20 ans, de 10,6 à 4,4 %, selon la Coface. Alors que celles de la Chine ont été multipliées par cinq (à 18,8 %) et celles de l’Inde, aujourd’hui devant la France, par trois (à 5,6 %). Et la Turquie connaît actuellement une croissance fulgurante, notamment dans le BTP, en attaquant des pays comme le Sénégal, pilier du “pré-carré” français. L’expression “pré-carré” a d’ailleurs été dénoncée par le président de la République car elle serait révélatrice d’un comportement de rentier et non d’entrepreneur.
Du côté des patrons français, ces critiques passent mal
Les patrons ont du mal à avaler ces critiques. “C’est une analyse qui ne correspond pas à la réalité d’aujourd’hui. Certaines entreprises françaises ont pu bénéficier jadis de situation de rente en Afrique. Mais ce n’est plus le cas”, souligne Etienne Giros, le président du CIAN, le conseil Français des investisseurs en Afrique. “Nous n’avons pas à rougir de ce que nous faisons. Par exemple sur l’africanisation des cadres ou sur la conformité, nous sommes en avance par rapport à d’autres pays.”
Ce fin connaisseur du continent, ancien de chez Bolloré, regrette aussi que l’on ne regarde que les flux commerciaux et pas assez les investissements où la France se tient mieux. “Si l’on considère le stock d’investissements cumulés, nous arrivons en deuxième position derrière le Royaume Uni”. Toutefois, il admet que “les Européens manifestent une certaine tiédeur” et que “les entreprises françaises doivent retrouver de l’audace sur ce continent.”
Macron ne veut plus être le gendarme de l’Afrique
En secouant nos patrons, Emmanuel Macron veut aussi sortir du piège africain, qui l’a vu “faire le gendarme” alors que nos concurrents “font le business”, comme le résume l’écrivain Antoine Glaser, spécialiste du continent. “Emmanuel Macron semble avoir compris que continuer à intervenir seul en Afrique ne lui apportait qu’une double peine en boomerang. Quand il parle, les Africains entendent la voix de son maître. Et les partenaires européens se présentent ensuite dans les capitales africaines comme les nouveaux anges blancs”, écrit Glaser.
En annonçant une réduction des effectifs militaires dans des bases désormais cogérées avec les Etats africains, le président veut moins faire le gendarme, notamment dans le Sahel, car cela ne fait qu’alimenter le sentiment anti-français. Et faire plus de business sur un continent considéré comme le gisement de la croissance mondiale, mais où la France est en train de perdre pied.