« Mon voile, mon choix, mon TikTok » : Les renseignements alertent sur la propagande islamiste véhiculée par les réseaux sociaux

Face à la campagne pro-voile à l’école, les renseignements alertent sur la propagande islamiste véhiculée par les réseaux sociaux.

Elle se nomme Léna Delporte, elle a une vingtaine d’années, vit à La Ciotat (Bouches-du-Rhône) et comptait au 16 janvier 648.000 abonnés sur TikTok. Plus que l’islam, dont elle parle finalement très peu, c’est le voile – et tous les signes extérieurs de religiosité – qui l’obsède. Des brefs éléments de biographie qu’elle mentionne, il apparaît qu’elle est franco-italienne, convertie, animée d’un fort sentiment de persécution. Dans une vidéo de juillet 2022, elle monte en épingle un incident à la piscine de sa résidence, où elle affirme avoir été frappée en raison de son voile.

La vidéo qu’elle a réalisée en direct avec son portable ne montre rien de tel, mais qu’importe, le buzz est énorme. Encore une fois, preuve serait faite que la France n’aime pas les musulmans, et encore moins les musulmanes. Telle est la petite musique qui monte du réseau social préféré des moins de 18 ans, refrain repris par des dizaines de comptes semblables à celui de Léna Delporte, poussant les ados à braver les interdits d’une société « islamophobe », à commencer par les lois de la République à l’école. Mouvement spontané révélant le libéralisme culturel de la jeune génération ou opération de propagande savamment orchestrée ? La jeune fille ne nous a jamais répondu.

Blocus du lycée. Pourtant, de nombreux signaux laissent supposer l’existence d’une campagne organisée. Le 27 août 2022, une note du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation sonne l’alarme : « Plusieurs messages, sur les réseaux sociaux, de comptes gravitant autour de la mouvance islamiste remettent en cause le principe de laïcité à l’école. » Les appels en ligne encourageant les élèves à porter des vêtements religieux et à prier ostensiblement sur le temps scolaire prolifèrent. Les auteurs de la note y voient une « stratégie d’entrisme salafo-frériste » ciblant délibérément l’Éducation nationale. Le 16 septembre, une seconde note confirme la première. En octobre, des lycéens organisent le blocus du lycée Joliot-Curie de Nanterre (Hauts-de-Seine). Ils réclament, notamment, le droit de venir aux cours en qami pour les garçons et en abaya pour les filles.

Fin octobre, le ministère de l’Éducation nationale fait état de 313 atteintes à la laïcité le mois précédent, soit trois fois plus que l’année passée à la même période. Une nouvelle note des renseignements territoriaux confirme une concentration d’incidents dans le Rhône, en Haute-Garonne, dans le Var et dans la Drôme, résultat d’un travail de sape coordonné et organisé par diverses écoles coraniques locales. « Le fondamentalisme s’est banalisé auprès des jeunes, et en particulier des jeunes filles », écrivent les auteurs, qui attirent l’attention sur un nouveau danger, le « prosélytisme entre élèves », avec « menaces et contraintes » sur les plus modérés.

Pour ne rien arranger, des conseillers principaux d’éducation soutiennent parfois les élèves provocateurs. Même des personnalités politiques abondent dans ce sens… Le 1er novembre, Ismaël Boudjekada, 26 ans, élu d’opposition à Grand-Charmont (Doubs) et collaborateur, depuis août 2022, du maire de Stains (Seine-Saint-Denis), Azzédine Taïbi, prend position en faveur d’une « tolérance pour les abayas et les qamis » sur son compte TikTok, qui compte 188 400 abonnés.

Influenceuse. Marine El Himer, ex-starlette de la téléréalité, a médiatisé sur TikTok sa conversion à l’islam.

Babillage et conseils juridiques. En quelques mois, des influenceuses voilées ont envahi le réseau social chinois, où elles se présentent invariablement comme des victimes. « On est littéralement en train de nous retirer nos droits et personne ne dit rien », gémit la lycéenne Thaliavocat (8 109 abonnés), dans une vidéo du 18 octobre 2022, toujours sur TikTok. Elle croit savoir qu’une dame « s’est fait tuer pour son voile hier », en référence au meurtre d’une femme voilée de 47 ans, le 16 octobre à Nantes (Loire-Atlantique), sans rapport connu avec la religion. Difficile de savoir si Thaliavocat est mal informée ou si elle ment délibérément.

Élément troublant : la jeune fille passe sans crier gare du babillage de son âge à des conseils juridiques pointus sur la manière de contourner la loi de 2004 sur le port de signes manifestant une appartenance religieuse. Quelqu’un lui soufflerait-il une partie de ses textes ? Sur beaucoup de fils TikTok (Nechnelya, Iam.anl, zeinas.917, etc.), des messages frivoles d’adolescentes voilées alternent avec des rappels à l’orthodoxie religieuse, venus de comptes anonymes. Manifestement, quelqu’un murmure à l’oreille des gossip girls voilées.

Par le jeu des recommandations de l’algorithme et des comptes suggérés, il est possible de passer en trois clics seulement de la pin-up au prédicateur salafiste. Tout commence par une vidéo de Marine El Himer, ex-vedette de l’émission Les Marseillais, devenue influenceuse à Dubaï, convertie en novembre 2022. Patchwork improbable de photos en Bikini et de photos en voile noir, son compte renvoie vers celui d’une jeune inconnue beaucoup moins frivole, mrst.educ (qui qualifie dans une de ses vidéos la polygamie de « privilège féminin »…). C’est la dernière étape avant de tomber sur un imam salafiste virulent, Nader Halimi.

« Hidjabistas ». Deux autres starlettes de téléréalité, Milla Jasmine et Fidji Ruiz, se sont converties en 2021 et en 2022. Aucune ne livre de détail sur le chemin qui les a conduites vers Allah (Marine El Himer n’a pas répondu à notre demande d’entretien). Rien ne permet de leur attribuer des arrière-pensées ou une quelconque tactique, mais le résultat est là : converties, elles s’empressent de rendre le voile tendance, presque sexy, et deviennent des passerelles vers des contenus beaucoup moins anodins.

La recette des hidjabeuses à la sauce TikTok : 50 % d’islamic fashion et 50 % de dénonciation du « racisme systémique » français et de prétendue islamophobie de l’Éducation nationale. Pour des Anglo-Saxons, le mélange n’est pas si étonnant. Le terme de « hidjabista » (contraction de « hidjab » et de « fashionista ») est apparu il y a une dizaine d’années aux États-Unis. Les grandes marques n’y sont pas étrangères. Dès 2018, Gap a utilisé des visuels de fillettes voilées scolarisées dans une école new-yorkaise, alors que, la même année, une étude de l’Open Society Justice Initiative (OSJI), basée à Londres, désignait la France comme « chef de file » des restrictions vestimentaires imposées aux musulmanes dans l’UE, en particulier « dans l’éducation ».

Homme/femme, mode d’emploi. Le compte TikTok de l’influenceuse Marine El Himer renvoie vers celui de mrst.educ (photos ci-dessus), qui explique, par exemple, pourquoi une femme musulmane ne doit pas parler à un homme si elle n’est pas mariée.

Cible. Le travail de sape vient de loin et il n’a jamais cessé. « L’école est la première des cibles, résume Florence Bergeaud-Blackler (lire entretien).L’objectif est d’absolument empêcher les enfants de l’immigration musulmane d’intégrer la laïcité. » À peine la loi de 2004 prohibant le port des signes d’appartenance religieuse à l’école adoptée, rappelle l’anthropologue, « le frère Amar Lasfar lançait une promesse à la tribune du Bourget [lieu de rassemblement annuel des organisations musulmanes, NDLR] : “Il arrivera un jour où vous allez voir le voile refleurir à l’école de la République”, suscitant des acclamations. C’est à la fois une prédiction et un ordre. Et cela se produit en ce moment », explique Florence Bergeaud-Blackler.

Une noria de structures francophones œuvrent à la banalisation de ce discours, comme le Front de mères, l’Alliance citoyenne, Perspectives musulmanes, le Comité contre l’islamophobie en Europe (ex-CCIF, dissous en septembre 2021). Elles sont abreuvées d’argumentaires venant d’organisations étrangères, comme le Leopold Weiss Institute, à Vienne, la Fondation Seta (un think tank dirigé par un proche du président turc Erdogan), le Femyso (proche des Frères musulmans), le Réseau européen contre le racisme (Enar), le think tank britannique Cage ou l’ONG de juristes musulmanes Karamah, venue des États-Unis.

Ces structures d’influence instruisent sans relâche le procès en islamophobie présumée de l’Éducation nationale, procès relayé et amplifié par des médias du monde anglo-saxon et du Proche-Orient. L’école française interdit le voile alors qu’elle tolère la croix en pendentif, dénonce ainsi le New York Times, dans un article du 21 juillet 2021. « Une école d’avocats parisienne accusée d’islamophobie », tonne la chaîne islamiste Iqraa TV, en novembre 2021. « Un professeur français suspendu pour islamophobie », s’émeut Arab News, en décembre 2021. « L’islamophobie infiltre les institutions éducatives en France », s’inquiète à son tour l’agence de presse Anadolu, relais du soft power turc dans le monde, en février 2022.

Des « lives » sans traces. Aucun article n’est ouvertement mensonger, mais aucun ne repose sur une base factuelle solide. Quelques entretiens avec des lycéens, une étude très partielle sur la sélection en master, le tout commenté dans un unique but : démontrer le racisme de l’État français. Largement suffisant pour convaincre un étranger que la vie d’un lycéen musulman français est un calvaire républicain… Le lycéen, lui, trouve sur TikTok tout ce qu’il faut pour le conforter dans l’idée qu’il est un résistant, face à une administration islamophobe. Mais résister jusqu’où ? Selon des sources du renseignement territorial, l’essentiel du prosélytisme le plus virulent ne laisse pas de trace sur le réseau chinois. Il se déroule lors des lives, ces sessions en direct que n’importe qui peut lancer avec un simple smartphone, et qui ne sont pas enregistrées.

Une enseignante a raconté au Point avoir écouté avec attention, dans un de ces lives, un certain Azraël, jeune « soldat d’Allah », fiché S de son propre aveu, qui expliquait avoir « une mission à accomplir qu’il était en train de préparer, avant d’aller rejoindre Allah ». Le profil a ensuite disparu, supprimé plusieurs fois par l’algorithme. Impossible de déterminer avec certitude si ce militant de Dieu agissait ou non sous influence étrangère, mais il ne manquait jamais une occasion de se livrer au passe-temps favori des Frères musulmans : critiquer le régime saoudien, « impur » à ses yeux.

S’il n’est pas interdit d’être islamiste et de considérer que les lois divines devraient primer sur les lois humaines, appeler à la violence est un délit. Interrogé sur plusieurs comptes aux contenus très belliqueux, TikTok nous a fait savoir que certains de ces comptes avaient été supprimés, car ils enfreignaient les règles communautaires. Sur certaines vidéos, l’audio a été désactivé.

Les optimistes rapportent le nombre d’incidents vestimentaires signalés au nombre d’élèves en France, 300 d’un côté, 12 millions de l’autre. Hélas, comme le résume un proviseur de la métropole lilloise, « les abayas, j’en entends parler. Des élèves musulmanes pseudo-allergiques au chlore pour sécher la piscine, j’en ai cinquante ». Plus rassurant sans doute, les islamistes aussi encaissent des coups durs. En mars 2019, la directrice de l’école internationale algérienne de Paris a interdit les prières dans l’établissement. « Les élèves vont à l’école pour étudier », a approuvé la ministre de l’Éducation algérienne, Nouria Benghabrit, à la grande fureur des religieux algériens.

Au bout du fil. Une fois sur le compte TikTok de mrst.educ, on peut accéder à celui de Nader Halimi, un imam salafiste virulent.

Après l’école, le sport. Le 15 juillet 2021, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt posant qu’un employeur peut interdire le voile sans porter atteinte à la liberté de culte. Une des deux plaignantes était éducatrice. Au Danemark, le gouvernement de la sociale-démocrate Mette Frederiksen, élue en juin 2019, a adopté des positions très fermes envers l’islam rigoriste. Concernant la France, il faut lire le rapport sur l’islamophobie de novembre 2022 piloté par la Fondation Seta, obsédée par la situation des musulmans en France, qui recense, pour 2021, la « fermeture de 718 organisations musulmanes, dont 4 écoles, 37 mosquées et 210 commerces », avec au passage 46 millions d’euros confisqués.

Il apparaît de plus en plus évident que l’opération de déstabilisation de l’institution scolaire en cours sur les réseaux sociaux s’inscrit dans une stratégie de contre-offensive à la loi confortant le respect des principes de la République (dite « loi séparatisme »), adoptée le 24 août 2021. La partie pourrait bien sortir des murs de l’école pour gagner les terrains de sport. Dans quelques mois, le Conseil d’État, saisi début 2022 par l’Alliance citoyenne, rendra une décision très attendue sur le droit de porter un hidjab sur un terrain de football ou de basket. Pour les hidjabeuses, le combat continue.

Le Point