Mont-de-Marsan (40) : L’apprenti-coiffeur guinéen Sidiya voit son avenir professionnel obscurci en raison de sa situation administrative

Les travailleurs sociaux évoquent le parcours de ces « jeunes qui ont quitté leur pays » au péril de leur vie. « Ils veulent se former, apprendre un métier. La France les a accueillis, a investi de l’argent pour les former », insiste Anaïs Félicité, éducatrice spécialisée pour l’Association de sauvegarde et d’action éducative des Landes.

À côté d’elle, à l’Atelier coiffure de Mont-de-Marsan, venu en France pour vivre la vie qu’il voulait mener : « Chez moi, c’est la famille qui décide de ce que je vais faire », témoigne le garçon de 22 ans, issu d’une famille d’agriculteurs. « Ce n’est pas un avenir, je voulais aller à l’école », poursuit-il. Malgré son CAP validé et un BEP bien engagé, Sidiya voit son avenir professionnel obscurci par sa situation administrative : dans l’attente du renouvellement de son titre de séjour, il doit faire avec un récépissé depuis sept mois.

Sidiya, apprenti à L’Atelier coiffure de Mont-de-Marsan. Malgré sa situation professionnelle stable, le jeune Guinéen attend le renouvellement de son titre de séjour.

Chefs d’entreprise, associations et travailleurs sociaux se disent favorables au projet de loi immigration du gouvernement, qui prévoit notamment la création d’un titre de séjour d’un an renouvelable pour les étrangers qui travaillent dans des « métiers en tension »

« Quatre ans que je travaille. Si je n’ai pas de titre de séjour, je vais dehors ? » Toumany Sissoko ne cache pas son incompréhension. Ce jeune apprenti maçon d’une vingtaine d’années est un employé « investi », symbole d’une « parfaite intégration » d’après Laurent Bernadet, son employeur, président de l’entreprise de BTP éponyme.

Pourtant, Toumany n’a plus de papiers pour résider en France : plus de récépissé depuis janvier 2022 ; une demande de titre de séjour rejetée par les services de l’État (ses papiers guinéens ayant été déclarés invalides), et une potentielle Obligation de quitter le territoire français (OQTF) au-dessus de la tête.

Pour Marianne Savary, son cas est « typique » d’un travailleur immigré qui fait face à l’équation de la « preuve impossible », c’est-à-dire à qui les autorités françaises refusent la validité de l’état civil pour une « virgule » ou une incohérence : « Qu’on laisse aux gens la possibilité de prouver leur identité », se plaint l’avocate montoise, membre de l’association SolMiRé (Solidarité migrants réfugiés).

« Faire tourner la machine »

Autour de la table de « Sud Ouest » Mont-de-Marsan, travailleurs sociaux, bénévoles de SolMiRé et patrons d’entreprises réunis pour évoquer le projet de loi immigration. Le texte porté par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui doit être abordé au Sénat en ce mois de mars, prévoit, entre autres, l’instauration d’un titre de séjour d’un an renouvelable pour les étrangers sans-papiers employés dans les métiers dits « en tension », qui peinent à recruter : transport, sécurité, hôtellerie-restauration, bâtiment…

Avant la tenue de débats qui s’annoncent incertains (la droite sénatoriale rejetant l’idée d’instauration de ce titre de séjour), les Landais se sont associés pour affirmer leur position : « La loi doit évoluer. Il faut que le gouvernement entende que ces jeunes ont des parcours d’intégration réussis. Ils ne prennent la place de personne », commence Laurent Bernadet.

Abdousalam, lycéen de 18 ans à Charles-Despiau, est menacé d’expulsion depuis le rejet en appel du renouvellement de son titre de séjour et de celui de sa mère au mois de décembre dernier. Le jeune homme, d’origine tchadienne, peut compter sur le soutien de sa déléguée et de sa professeure principale

Frédéric Perrier, chargé de mission pour A lundi, un groupement d’employeurs de trois départements (Landes, Pyrénées-Atlantiques, Gironde), et Patrice Armengau, patron de la Villa Mirasol à Mont-de-Marsan, n’ont peut-être pas grand-chose en commun avec leurs voisins de table d’un soir. Notamment politiquement. Mais tous sont rassemblés autour d’un objectif : la reconnaissance du statut des immigrés travailleurs.

D’un côté, les entrepreneurs, pragmatiques, rappellent qu’ils « répondent à un besoin ». « On met une annonce, on n’a quasiment aucun retour », déplore Frédéric Perrier. Chez A Lundi, « 60 % des employés » sont issus de l’immigration. « Nous avons sept personnes en cuisine, trois sont Français. Sur certains postes, comme en pâtisserie, on cherche des gens avec des qualifications. On ne trouve personne depuis trois-quatre ans », pointe Patrice Armengau, inquiet des difficultés de recrutement, alors qu’il « faut faire tourner la machine ».

« Opportunité à saisir »

Alors, si certaines associations, notamment à Paris, se sont positionnées contre ce projet de loi, les Landais font contre mauvaise fortune bon cœur : « Si on peut signer des contrats à ces jeunes, on gagne du temps », veut croire Valérie El-Bakkali, la présidente de SolMiRé, qui veut saisir cette « bouée » lancée par le gouvernement. « S’il y a un titre de séjour d’un an, il faut le prendre. C’est une opportunité à saisir », abonde Marianne Savary.

La présidente de SolMiRé, Valérie El-Bakkali.

La présidente de SolMiRé, Valérie El-Bakkali.

À la table, un échange surgit sur la marche à suivre, la façon de communiquer dans la presse pour peser, être entendus dans cet épineux dossier, sans se brouiller avec les services de l’État.

Laurent Bernadet, qui veut « dépolitiser » le débat, plaide pour la création de « comités locaux » composés des services de l’État, associations et autres employeurs. Objectif : éviter une « loi de salon ». Pour le « maintien de l’industrie » française. « Il faut qu’on trouve des solutions ensemble », lance-t-il. Et de conclure, se tournant vers Toumany : « Je compte sur lui pour faire une longue carrière chez nous ! »

Lieu de rencontres

SolMiRé aimerait créer un « lieu de rencontres autour des mineurs non accompagnés (MNA) » accueillis dans les Landes. Le projet de l’association, qui voudrait l’ouvrir dans le centre de Mont-de-Marsan, est candidat au troisième Budget participatif citoyen du Département des Landes.

SolMiRé souhaiterait faire de la structure un endroit ressource où les MNA bénéficieraient d’un accompagnement juridique et social, mais aussi un « lieu de sociabilité et de culture ouvert à toutes et à tous », où seraient organisées créations artistiques et autres soirées débats. Pour voter : www.budgetparticipatif.landes.fr

Sud-Ouest