Montpellier (34) : “On espérait des peines plus lourdes”, témoignage de la mère de l’adolescent tabassé et balafré à coup de couteau par des Tunisiens
Les faits remontent au 24 mai 2020. Cette nuit-là, un Montpelliérain âgé de 15 ans avait été passé à tabac par un groupe d’adolescents qui l’avait détroussé, avant de lui infliger une lacération au visage. Deux d’entre eux viennent d’être condamnés par le tribunal pour enfants. Entretien avec la mère de la victime.
L’audience du tribunal pour enfants étant à huis clos, quelles ont été les condamnations prononcées par les magistrats à l’égard des deux prévenus ?
L’auteur des coups de couteau a été condamné à dix-huit mois de prison ferme (NDLR, il s’agit d’un mineur non accompagné de nationalité tunisienne qui était âgé de 17 ans et habitait dans le département du Nord au moment des faits). Un mandat d’arrêt a été ordonné à son encontre parce qu’il est actuellement en fuite et ne s’est pas présenté à l’audience. Quant au second, qui faisait partie du groupe d’adolescents ayant passé à tabac mon fils, il a pris dix mois avec sursis (NDLR, en l’espèce, un Montpelliérain aujourd’hui âgé de 19 ans qui était à l’époque placé dans un foyer).

Comment avez-vous accueilli ces deux condamnations ?
Dans l’absolu, on aurait espéré des peines plus lourdes. Mais nous étions devant le tribunal pour enfants et c’était leur premier délit. On souhaite que celui qui est en cavale soit rapidement interpellé. Quant au second, au vu de son profil, s’il continue sur ce chemin de la délinquance, le sursis devrait bientôt être révoqué. Pour nous, c’est un motif de satisfaction. Le karma se chargera de lui.
Revenons aux faits, que s’est-il passé ce 24 mai 2020 ?
À cette époque-là, mon fils sortait de clinique psychiatrique où il avait été placé pour dépression à la suite de petits problèmes de santé. On venait de sortir du premier confinement. Un pote lui a proposé de participer à une soirée, avenue Maréchal-Leclerc, juste en face de la cité Saint-Martin. Il y est allé et, à 23 h 30, il a décidé de rentrer parce qu’il s’ennuyait. Mon fils est assez casanier.
C’est là qu’un jeune l’a accosté dans la rue et lui a demandé une cigarette. Mon fils lui a dit qu’il n’en avait pas. L’autre a insisté puis lui a dit “file-moi tes affaires”. Mon fils s’y est opposé et il y a eu un échange de coups. Mon fils est arrivé à prendre le dessus mais quand il est reparti, le reste de la bande est arrivé. Ils étaient au moins six. Ils se sont acharnés sur lui en le tabassant. Ils lui ont arraché ses baskets et sa sacoche et, avant de quitter les lieux, l’un d’eux lui a mis un coup de couteau à la joue.
Il a rapidement été pris en charge par les secours et évacué à l’hôpital. Il s’en sort avec une plaie de 20 centimètres qui va de la nuque à la pommette et qui a nécessité 42 points de suture entraînant des séquelles physiques mais aussi morales.
Comment va-t-il aujourd’hui, a-t-il pu réussir à passer outre et à se reconstruire ?
Il a été suivi pendant de longs mois par un psy puis il a saturé. Il faut savoir qu’il a toujours eu des difficultés, c’est un enfant à haut potentiel avec trouble déficit de l’attention, dysgraphie, dysorthographie, dyslexie. Il a toujours été suivi par des psychiatres et des orthophonistes. Aujourd’hui, il va mieux, même si, trois ans à attendre le jugement pour passer à autre chose, ça a été long. Mais il est fort mentalement. Il est résilient.
De notre côté, on a toujours essayé d’apaiser les choses. Surtout par rapport à sa cicatrice. On l’appelle Albator ! On lui a dit, pour rigoler, “quand on te demandera des explications, tu diras que tu as sauvé un enfant dans l’Océan et que tu t’es fait attaquer par un requin”. Alors certes, il se méfie des endroits où il va se promener, regarde toujours derrière lui, est plus casanier qu’avant. Mais dans l’ensemble, il a continué sa vie et a même décroché son Bac avec mention.
“Ils n’auraient pas dû être sans surveillance”
“Il y a eu condamnation pour les deux et c’est bien là l’essentiel”, a reconnu Maître Bruno Leygue, avocat au barreau de Montpellier. “Ce n’était pas gagné car, jusqu’au bout, ils ne reconnaissaient pas les faits. Et, surtout, à l’époque, ils étaient primo-délinquants tous les deux. Depuis, remarquez, leurs casiers se sont chargés.”
Et l’avocat de la partie civile de pointer du doigt une forme de laxisme de la part des institutions qui avaient la charge de ses deux mineurs, âgés 16 et 17 ans au moment des faits. “C’est arrivé juste après le premier confinement alors même que ces deux adolescents étaient placés sous la garde du conseil départemental de l’Hérault pour l’auteur des coups de poing et de pied et celle du conseil départemental du Nord pour l’auteur du coup de couteau.”
“Ces deux institutions ayant ouvert leurs portes, les mis en cause se sont retrouvés dans la rue et occupaient un squat, à plusieurs, dans la tour Saint-Martin. C’est là qu’ils sont tombés sur mon client. Selon moi, ils n’auraient jamais dû être sans surveillance.”