Montpellier (34) : Une saisie de 1,2 tonne de cannabis annulée pour une erreur de procédure entraînant l’abandon des poursuites contre les trois trafiquants

Trois suspects poursuivis pour trafic de stupéfiants entre la France et l’Espagne ont bénéficié d’un non-lieu après une fouille illégale menée par les douaniers de Montpellier et contestée par leurs avocats.

L’opération tenait de la pêche miraculeuse pour les douanes de Montpellier. Plus de 1.200 kilos de résine de cannabis découverts et saisis dans la remorque d’un poids-lourd garé sur une aire de repos de l’autoroute A9, le 14 août 2018. Las, plus de quatre ans après la découverte, les magistrats de la Cour d’appel de Montpellier viennent d’annuler l’ensemble de la procédure et d’octroyer un non-lieu définitif aux trois suspects interpellés au cours de l’enquête, d’après un arrêt daté du 2 mars 2023.

Nature de la bévue : la fouille d’un véhicule en l’absence de son occupant ne peut être réalisée qu’en présence d’un officier de police judiciaire, les douaniers seuls ne sont pas compétents. En passant outre cette disposition légale, les agents de la brigade sécurité intérieure des douanes de Montpellier ont purement et simplement sabordé leur propre enquête.”

D’après l’arrêt de la Cour d’appel consulté par RTL, le 14 août 2018, en début d’après-midi, les douaniers décident de contrôler un poids-lourd stationné vitre ouverte, sans conducteur apparent, sur une aire de repos de l’autoroute A9 à Fabrègues (Héraut). Dans la cabine, ils retrouvent un permis de conduire espagnol, et ils constatent que la remorque a été récemment repeinte. Un chien spécialisé en détection de stupéfiants est amené sur les lieux et “marque” rapidement. Les douaniers ouvrent les portes de la remorque et découvrent sous le plancher une “quantité importante” de sachets thermosoudés, “caractéristiques du conditionnement du cannabis”. Au total, 644 sachets contenant 1.210 kilos de résine de cannabis pour une valeur marchande de 2,4 millions d’euros sont extraits de la remorque. Le GPS établi que le camion est parti de Séville.

Une décision lapidaire de la Cour d’appel

L’enquête ouverte par le parquet de Montpellier va permettre d’identifier rapidement trois suspects qui ont semé les indices derrière eux : le conducteur, un ressortissant roumain déjà visé en Espagne par une enquête pour trafic de stupéfiants et dont le permis de conduire a été retrouvé dans la cabine. Et deux ressortissants espagnols, dont l’un a laissé sa carte bleue et l’autre une empreinte sur l’un des sachets qui contient la résine. Après de longs mois, les trois hommes sont remis aux autorités judiciaires françaises en 2022 et placés en détention provisoires. Ils déclarent tout ignorer de la cargaison de stupéfiants, tout en reconnaissant pour l’un être le propriétaire du camion, pour l’autre être le conducteur, et pour le troisième avoir récupéré les deux autres suite à la saisie du camion. Leurs déclarations ne convainquent guère le magistrat instructeurs, qui les met en examen pour trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs.

Mais la bévue des douaniers et l’absence d’un officier de police judiciaire lors de la fouille n’échappent pas aux avocats des mis en cause. Me Grégoire de Petiville et Ronald Gallo, les conseils du conducteur, déposent une requête en nullité en septembre 2022. Lors de l’audience devant la chambre de l’instruction en janvier dernier, le parquet général de Montpellier n’a pu que constater l’illégalité de la fouille menée par les douanes et requérir la nullité des actes, sans toutefois requérir l’annulation des mises en examen. Une position finalement balayée par la Cour d’appel dans une décision lapidaire : l’illégalité de la fouille entraîne l’illégalité de tous les actes qui ont suivi.

“Là où c’est une belle victoire, c’est que le droit a fonctionné malgré l’ampleur de la saisie réalisée par les douanes, se satisfait Grégoire de Petiville auprès de RTL, parce qu’on se doute bien qu’il y avait un enjeu judiciaire assez important”. “Mais malgré cela, la Cour d’appel a décidé de faire respecter le droit, à savoir que cette saisie était irrégulière.” L’avocat relève qu’il y a eu des “incompétences” à tous les niveaux de la procédure, au moment de la fouille et la pesée des produits hors de la présence des policiers, mais aussi plusieurs mois plus tard quand un magistrat a ordonné la destruction des scellés, camion et produits, avant même les interpellations.

Les trois hommes sont donc désormais libres et considérés comme innocents. Sollicitée par RTL, la direction générale des Douanes n’a pas répondu à nos sollicitations.

RTL