Morlaix (29) : « Il y a beaucoup de visiteurs africains, qui ont une culture différente de la nôtre », deux prêtres exorcistes à l’écoute des paroissiens

Dans l’inconscient collectif, l’exorcisme est perçu comme une chasse aux démons. Une pratique d’un autre temps, tombée dans les oubliettes de l’histoire. Il n’en est rien.

« Nous ne sommes pas des magnétiseurs. Ni des êtres surnaturels. Nous n’avons pas de pouvoirs magiques. Nous sommes des hommes faits de chair et d’os. Voilà comment se définissent les pères Jean-Michel Moysan et Émile Dione (*), de la paroisse Saint-Yves, à Morlaix, quand on leur demande en quoi consiste leur étrange travail. Nommés en septembre dernier par l’évêque Laurent Dognin, les deux prêtres sont exorcistes. Le Finistère en compte quatre.

Contrairement à ce que beaucoup imaginent, la fonction existe donc toujours dans l’Église catholique. Peu connue, elle suscite son lot de fantasmes. Elle fait peur, aussi, parfois. « Quand on dit ce que l’on fait, on a souvent des réactions du type « Ça existe encore ? L’Église est vraiment rétrograde ! Vous ne croyez donc pas en la science ? ». Nous sommes habitués », souffle Jean-Michel Moysan. « On a pourtant une raison d’être, reprend Émile Dione. C’est même étonnant que nous soyons le dernier recours, dans un univers où on ne vient plus voir le prêtre ».

« Beaucoup plus doux » que dans le film

Pratiqué le plus généralement à l’église, exceptionnellement au domicile des demandeurs, l’exorcisme consiste en une série de bénédictions et de prières, dont celle de la Délivrance. N’importe quel prêtre (tous sont considérés comme exorcistes mineurs) peut le pratiquer, en s’appuyant sur des livres spécifiques. Le « grand exorcisme », en revanche, est réservé aux prêtres habilités comme Jean-Michel Moysan et Émile Dione. Une pratique très codifiée.

« Il intervient quand il y a manifestement présence de forces occultes. Une aversion pour le sacré, les statues, les images pieuses ou l’habit religieux, couplée à des injures blasphématoires à l’égard de Dieu, Jésus, les Saints. C’est rare mais ça arrive », renseigne le père Dione. La séance, crucifix en main, peut durer jusqu’à une heure trente.

Ça peut prêter à sourire. Mais pour les pères Dione et Moysan, c‘est on ne peut plus sérieux. Reste qu’on est loin des clichés véhiculés par le film d’horreur « L’Exorciste », sorti en 1973, assurent-ils. « Ce film est spectaculaire. Tellement poussé que ce n’est pas réaliste. En général, l’exorcisme est beaucoup plus doux », précisent les deux hommes d’Église.

Libre à chacun d’emprunter ou pas ce chemin

« Effrayé » par le développement des métiers liés à l’énergétique, symptomatique, selon lui, d’une société « en perte de repères et de sens », le duo a une mission : « Orienter les hommes et les femmes qui font appel à nous vers Jésus Sauveur ». Ce changement de « logiciel intérieur » est leur unique réponse à tous les maux.

Ce qui les différencie des magnétiseurs et autres guérisseurs ? « La gratuité. C’est ce qui nous donne de la crédibilité. Nous proposons aux gens en souffrance un chemin pour les relancer. Libre à chacun de l’emprunter ou pas ».

Vu de l’extérieur, d’aucuns peuvent estimer qu’il s’agit de prosélytisme, voire d’une démarche sectaire. Évidemment, les deux prêtres s’inscrivent en faux. « Nous ne sommes pas médecins et nous n’empêchons personne d’aller les voir. Nous ne touchons pas non plus aux prescriptions quand il y en a. Notre rôle, au quotidien, consiste essentiellement à écouter les gens ».

« On ne met pas du diable partout »

Les deux exorcistes morlaisiens ne manquent pas de travail. Ils reçoivent au minimum deux personnes par semaine. « Elles ne sont pas forcément croyantes, précisent-ils. Elles frappent à notre porte parce qu’elles ont fait le tour de tout le reste. La plupart ont des questions existentielles. Se sentent emprisonnées. Certaines ont parfois des visions, des envies suicidaires. D’autres peuvent faire un lien avec des esprits occultes, malfaisants, un sort qui leur aurait été jeté. Mais attention, on ne met pas du diable partout ».

Émile Dione en veut pour preuve le profil type de leurs visiteurs : « Une femme, 35 ans, ayant des problèmes familiaux, de couple ». « Il y a aussi beaucoup d’Africains, qui ont une culture différente de la nôtre », ajoute Jean-Michel Moysan. Qui n’aspire qu’à une chose : aider son prochain à se « libérer intérieurement ».

* Prêtre du diocèse de Thiès, au Sénégal, Émile Dione est en mission à Morlaix depuis 18 mois.

Le Télégramme