Nanterre (92) : « Les cambriolages, c’est parce que j’aimais voler », Abdelatif Redjil condamné à cinq ans de prison
Celui que l’on connaît sous le surnom du Serrurier», tant il excelle dans l’ouverture des portes des appartements, était jugé depuis mardi devant le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine).
Les vingt-quatre cambriolages reprochés à Abdelatif Redjil, dit l’Homme aux mains d’or ou le Serrurier, auront finalement peu occupé les débats durant ce procès. Car ce très habile voleur à la riche carrière, véritable artiste de l’ouverture des portes, les reconnaît sans chipoter. « Il n’ergote pas, ne conteste pas, même si, pour certains faits, il n’y a qu’un bornage (comme élément à charge) », a souligné son avocat, Me Oliver Ducombs.
Ce qui a plus intéressé les magistrats, qui le jugeaient ces mardi et mercredi pour cette série de vols avec effraction commis entre juin et octobre 2021 à Paris, Courbevoie, Levallois-Perret, Boulogne-Billancourt, Saint-Cloud, Puteaux, Sceaux (Hauts-de-Seine) et Marly-le-Roi (Yvelines), c’est la personnalité et le parcours de cet homme de 67 ans, qui est entré très jeune en délinquance. Sa première condamnation remonte à 1991. Et la justice a prononcé en tout plus de trente-deux années d’emprisonnement à son encontre.

Que faire pour que vous arrêtiez de cambrioler ? » le questionnait Marie Leymarie, la présidente du tribunal, mardi. Un peu ratatiné dans le box, celui qui a l’air d’un vieux chibani plombé par une forme de résignation ne sait trop que répondre, hésite et concède : « Mon parcours est exécrable. J’ai eu une vie de délinquant. Les cambriolages, c’est parce que j’aimais voler. »
Ce mercredi, le procureur, Laouen Mevellec, s’est aussi demandé « que faire pour qu’Abdelatif Redjil arrête cette activité ». « Même s’il fait des choses en détention, qu’il travaille, qu’il écrit, on a le sentiment que plus aucune main ne peut lui être tendue. » Pour ces 24 cambriolages commis alors qu’il était sous contrôle judiciaire, le magistrat a requis cinq ans de prison ferme. C’est la peine qu’a prononcée le tribunal correctionnel de Nanterre ce mercredi soir.
Deux ans ferme pour son petit frère
Seul dans le box, Abdelatif Redjil était jugé avec quatre autres personnes. Son frère Abdenour, un quinquagénaire souffrant de nombreux problèmes de santé, d’argent et de logement, était un simple ouvrier. « Il a fait le mauvais choix parce qu’il voulait rendre service à son frère », selon son avocate, Me Angélique Peretti.
Le petit frère « sous influence », selon un expert psychiatre, a intégralement reconnu sa participation à 17 des 24 cambriolages. La peine prononcée à l’encontre d’Abdenour est conforme aux réquisitions : trois ans de prison, dont un avec sursis. « Il a pleinement accepté d’entrer en délinquance et fait équipe avec son frère », justifiait le procureur : « Une équipe organisée d’une efficacité redoutable. »
Comme l’a expliqué Abdelatif Redjil, son frère était chargé de sonner aux portes pour s’assurer que le logement visé était vide de tout occupant. Quand il donnait le top, le Serrurier montait à son tour, avec un « forceur », un objet qu’il fabriquait spécialement pour actionner les serrures. Toujours les modèles Héraclès, dont Abdelatif Redjil avait découvert la faille. C’est ce qui a fait sa réputation.
Relaxe pour le receleur et le complice désignés, pas pour la femme du Serrurier
Avant de recourir aux services du plus jeune de ses frères, Abdelatif Redjil faisait équipe avec un autre complice. Ainsi, un ami du Serrurier répondait de sept cambriolages. Cambriolages qu’il a vigoureusement contestés alors que « rien ne colle dans ses déclarations », selon le procureur, relevant que celui qu’il désigne comme le premier complice de Redjil a été arrêté en sa compagnie à Boulogne-Billancourt, lors d’un simple contrôle routier. Mais pour le tribunal, les éléments de preuve étaient insuffisants : il a été relaxé au bénéfice du doute.
L’antiquaire poursuivi pour recel, connu dans le milieu sous le sobriquet de Mike Brant, est également relaxé au bénéfice du doute. Les juges ont considéré là aussi que les preuves faisaient défaut.
En revanche, la compagne d’Abdelatif Redjil est condamnée à dix mois de sursis pour « non-justification de ressources ». Cette femme menait grand train, en particulier dans les casinos de Deauville et Trouville (Calvados), alors qu’elle avait pour seules ressources officielles le RSA et l’allocation logement. Si, à la barre, elle a nié avoir eu connaissance des activités de son compagnon, en garde à vue elle avait admis qu’il ne pouvait s’agir que d’argent « pas propre ».
Dans sa plaidoirie, l’avocat d’Abdelatif Redjil osait espérer que la décision du tribunal serait « l’épilogue de la longue carrière » de son client. À l’entendre, aujourd’hui, l’Homme aux mains d’or, « qui ne s’enorgueillit pas de ces qualificatifs lus dans la presse » a pour seul projet de « sortir un jour et de s’occuper de sa famille ». Mais ce qu’il craint, c’est qu’avec cinq ans à purger et une santé défaillante, il sorte « les pieds devant ».