Nantes (44) : Le mystérieux squelette retrouvé est-il celui du général Charette ?
Les ossements découverts sur un chantier à Nantes sont-ils ceux du général Charette, le chef de la rébellion vendéenne?
Au bout de l’avenue du Lavoir, à Nantes, une plaque a été apposée, en 1997, par l’association du Souvenir vendéen: «Près d’ici dans les carrières appelées la fosse du chemin de Rennes, indique-t-elle, a été déposé, au soir de son exécution, le 29 mars 1796, le corps du général Charette.» Le 2 décembre dernier, c’est dans cette impasse tranquille du centre historique, lors de travaux de réfection des caves, qu’un ouvrier fit une macabre trouvaille: des ossements humains, notamment un crâne et des vertèbres, bien antérieurs aux immeubles.

Et si c’était les restes du chef de la rébellion vendéenne?», s’emballe-t-on au Puy du Fou. La découverte fortuite tombe en tout cas particulièrement bien, alors que vient de sortir Vaincre ou mourir, le premier long-métrage produit par le parc d’attractions, qui relate l’épopée de François-Athanase Charette de La Contrie, le «général des Brigands» au panache blanc…
Sur la place des Agriculteurs – aujourd’hui place Viarme -, en cet après-midi du 29 mars 1796, «cinq mille hommes de troupe forment un immense carré d’exécuteurs». Dans son Roman de Charette*, l’ancien président de la Vendée et fondateur du Puy du Fou, Philippe de Villiers, décrit les derniers instants de celui qui, souhaitant que «la dernière image de (s)a mort soit empreinte d’élégance», obtint de pouvoir commander lui-même le feu: «Je sors lentement mon bras gauche de l’écharpe où il est pris. Je relève la tête et j’écarte les mains de mon corps. Le peloton attend. Il obéit. Par un commandement muet, je lui fais signe, en mettant le doigt sur mon cœur: c’est là qu’il faut tirer, c’est là qu’on frappe un brave.» À l’officier bleu qui lui lance: «Tant d’héroïsme pour rien!», le général royaliste réplique: «Rien ne se perd jamais!» Puis s’écroule. Il n’avait pas 33 ans. Son corps sera jeté à la fosse commune «du chemin de Rennes», où furent aussi enfouis les restes de milliers de victimes de la Révolution.
Le squelette retrouvé dans la cave de l’avenue du Lavoir, actuellement confié à la Drac (direction régionale des affaires culturelles) «pour étude et conservation», n’a encore livré aucun secret sur son origine. Mais selon un anthropologue qui les a examinés, les ossements auraient «plusieurs siècles». Et d’après l’historien Jean-François Caraës, cité par Presse Océan, ils ont été retrouvés à proximité d’un «lieu de sépulture ouvert par la municipalité en 1794, pour y enterrer les corps de milliers de vendéens que les cimetières nantais saturés ne pouvaient pas recevoir.» Il n’en fallait pas plus pour que Nicolas de Villiers, fils de l’homme politique et actuel président du Puy du Fou, y voie «une coïncidence assez troublante».
«C’est une histoire incroyable!, s’exclame-t-il. Vous imaginez bien que c’est un enjeu important pour nous, comme pour la famille Charette». Au Puy du Fou, Charette est «le personnage préféré des visiteurs». «Notre premier film, Vaincre ou Mourir, est inspiré de l’un de ses plus grands succès: “Le Dernier Panache”, rappelle Nicolas de Villiers. Ce spectacle, déjà vu par 12 millions de spectateurs, est plébiscité chaque année par nos visiteurs et a reçu plusieurs récompenses internationales».
Dans une récente lettre à la Drac des Pays de la Loire, le président du Puy du Fou demande «toute la lumière sur la question des ossements de Nantes» : «De nombreux experts sont en mesure de confirmer l’éventuelle concordance entre le squelette et l’histoire du personnage, blessé à la main lors de sa capture et criblé par les balles du peloton d’exécution, écrit-il. Je sais que des membres de la famille Charette ont donné leur accord de principe pour se soumettre à des tests ADN.
Le Puy du Fou exprime son souhait d’accueillir les restes du général Charette – s’il s’agissait bien de lui, et avec l’accord de ses descendants – et s’engage à en assurer la conservation et l’accessibilité sous le contrôle scientifique et technique de vos services. Le “Roi de la Vendée” recevrait ainsi, près de 230 ans après sa mort, une sépulture digne». Une quête qui fait écho à tous les efforts déployés, en 2016, pour acquérir un anneau présenté comme «ayant appartenu à Jeanne d’Arc». Acheté 376 833 euros, «cet anneau est aujourd’hui exposé au cœur du château du Puy du Fou, où on peut le voir de très près, indique Nicolas de Villiers, et nous avons une demande de prêt tous les deux jours!»
Tests ADN
À la Drac, on «prépare une réponse qui devrait être transmise sous peu». «Afin de compléter les premières observations anthropologiques sur le terrain, il est prévu de réaliser une datation radiocarbone sur l’individu afin de mieux cerner sa datation», précisent ses services au Figaro. «Concernant l’interprétation du Puy du Fou, aucun argument scientifique ne permet d’étayer à ce stade que les restes humains récemment découverts puissent être ceux de François Athanase Charette ou de tout autre individu lié à l’insurrection vendéenne».
Sur son blog Vendéens & Chouans, Nicolas Delahaye rappelle qu’«un charnier bien plus important avait déjà été exhumé en octobre 1981 lors d’un chantier de terrassement dans la rue Coste-et-Le Brix, toute proche de l’avenue du Lavoir». «L’endroit se situe sur une ancienne carrière qui bordait autrefois le chemin de Rennes, et dans laquelle furent jetés les corps des victimes de la guillotine et des fusillades pendant la Révolution, explique-t-il.
Le charnier recevait également les victimes des épidémies qui sévissaient dans les prisons de Nantes. Les squelettes qui y reposaient étaient disposés sur quatre couches séparées par de la chaux et représentaient plusieurs milliers de personnes. Le corps du général vendéen Charette y fut déposé lui aussi». «S’il est possible de procéder à une reconstitution faciale, on dispose de deux masques mortuaires de Charette pour comparer, ajoute-t-il. Quant à l’ADN, on ne manque pas de descendants du frère aîné de Charette».
Ancien ministre des Affaires étrangères, Hervé de Charette «ne voit aucune objection» à se prêter au jeu des tests ADN. «Mais quand bien même on aurait retrouvé la fosse commune, il faudrait un miracle pour tomber sur quelques ossements de Charette!», fait-il remarquer. Président du Cercle Charette – rassemblant les descendants du frère aîné, Louis Marin -, Yannick de Charette renchérit: «S’il y a une chance sur cent, il faut la tenter! Et s’il est prouvé que ce sont les restes de François Athanase, on fera un travail familial, où la famille dans sa globalité devra se positionner sur le lieu de sépulture.»
- Éditions Albin Michel, 2012.