Nemours (77) : Les gens du voyage prêts à tenir un siège pour ne pas être expulsés
Soutenus par diverses associations et la France Insoumise, les gens du voyage refusent de quitter l’aire que la mairie veut évacuer. Voici leurs témoignages.
C’est un bras de fer qui risque de durer, désormais lancé entre la ville de Nemours (Seine-et-Marne), qui veut évacuer l’aire des gens du voyage située en bord d’autoroute, et la communauté des gens du voyage. Ici, ce sont 36 familles et 200 personnes qui vivent, déterminées à ne pas quitter leur lieu de vie.

La France Insoumise et plusieurs associations sont venues soutenir les gens du voyage ce vendredi
Cela fait plus de 30 ans que l’aire existe, et le dossier est plus que complexe. L’incendie géant survenu lundi a été l’élément déclencheur d’une semaine à haute tension. La ville a pris un arrêté pour raisons de péril sanitaire visant à évacuer le site, et a fait poser dans la journée de mardi des plots en béton, empêchant la sortie des véhicules.”
Depuis, les gens du voyage tiennent un siège, où l’on peut voir les enfants jouant sur les plots ou brandir des drapeaux, des inscriptions accusant la maire Valérie Lacroute de racisme, mais aussi des slogans rappelant que des familles vivent ici. Mercredi, la ville lançait même une pétition pour exiger la fermeture de « l’aire d’accueil illégale de Nemours ».

Le député LFI Maxime Laisney a discuté avec la communauté
Ce vendredi, alors que les gens du voyage ont refusé de répondre aux entretiens de SOLIHA 77 visant à étudier la situation de chacun, un rassemblement a duré toute la journée, avec de nombreuses personnes venues exprimer leur soutien. C’est le cas par exemple de deux enseignantes de l’école Lavaut, qui ont plusieurs enfants vivant sur le site dans leurs classes : « Les enfants sont perturbés, cette pétition les montre du doigt. La mairie n’a pas tenu compte de leur bien-être. Ce sont des enfants bien élevés, propres. Ils ne méritent pas d’être traités comme cela ».
Ritchi Thibault, administrateur de l’Association nationale des gens du voyage citoyens est en colère : « Cette pétition a un caractère raciste, les propos utilisés sont extrêmement graves. Au lieu de s’excuser, le mairie a décidé de les expulser manu-miltari, sans proposer de solution de relogement. Mettre des blocs en béton pour enfermer des gens, c’est une honte, d’autant que tout le monde ici est conciliant. Il faut mettre un terme à ce délire ».
Julie Garnier de la France Insoumise, de son côté, pointait un « courrier inadmissible. Pointer du doigt comme ça des personnes, sans rappeler que ce sont des citoyens, dont les enfants sont scolarisés dans les écoles de Nemours, cela apparait à un lynchage. Si on laisse faire, c’est la porte ouverte à tout. On pourra expulser n’importe qui pour sa nationalité, sa religion ou son orientation sexuelle ».
Présente également, la Ligue des Droits de l’homme, représentée par Sophie Bachmann : « On ne peut pas expulser en urgence sans proposer de solution concertée avec les personnes qui vivent ici. Ce sont des sédentaires, depuis longtemps, qui n’ont jamais fait de mal à qui que ce soit. Il faut trouver le moyen de sortir de cette crise par le haut ». Vidéos : en ce moment sur Actu
Le porte-parole des gens du voyage témoigne : « Nous ne partirons pas sans solution de relogement »
Daniel est le porte-parole du groupe des gens du voyage. Il s’explique sur les démarches entreprises, et la volonté de ne pas partir avant d’avoir une solution pérenne.
Comment jugez vous cette journée, encore sous haute tension ?
Daniel : C’est une petite victoire, car la mairie n’a pas obtenu ce qu’elle voulait. On nous a proposé le projet MOUS, avec une solution sortie du chapeau en cinq jours, avec un plan de cadastre. En si peu de temps, c’est impossible. Il y a ici 35 familles à reloger, et nous ne partirons pas tant que nous n’aurons pas la garantie qu’une solution satisfaisante de relogement nous est proposée. Désormais, le dossier est dans les mains de notre avocat, qui va faire le lien avec la mairie.
Vous avec donc déposé des référés contre l’arrêté de la mairie. Pour quels motifs ?
Il y a deux recours qui passeront au tribunal administratif mardi. Le premier porte sur l’installation des blocs qui nous empêchent de sortie de l’aire sans être dans l’illégalité, nous avons également trouvé un vice de forme dans la mise en demeure. Nous allons aussi contester le terme ‘d’occupation illégale’, puisque nous avons des documents qui prouvent qu’en 1992, le maire M.Hochart a payé pour installer l’eau et l’électricité ici. Nous n’avons rien détourné.
Pourquoi ne pas avoir répondu à la convocation pour étudier les solutions de relogement ?
Le projet va être étudié par notre avocat, pour voir s’il est conforme, si nous avons l’espace nécessaire. On veut être sûrs que l’on sera bien logés. On restera ici le temps des travaux, car si on part d’ici, on sait bien que nous n’obtiendrons rien. Nous avons des enfants, nos vies sont ici, on ne peut pas partir du jour au lendemain.
Est-ce vraiment raisonnable de vivre ici, avec cette décharge ?
C’est une décharge à ciel ouvert qui est alimentée par beaucoup de gens de l’extérieur. La mairie pourrait tout-à-fait faire ce qu’il faut pour surveiller les dépôts et la faire nettoyer. Il faudrait être fou de penser que nous avons provoqué cet incendie, c’était très dangereux. Nous avons essayé de l’éteindre avant les pompiers, en prenant des risques. Mais il faut bien comprendre que nous voulons bien partir et payer, mais si ils tiennent leurs promesses.
L’élu municipal Volkan Algul, désormais en marge de la majorité, accuse la maire Valérie Lacroute de « ne pas tout dire. Elle est élue depuis 2008. En 2009, il existait un projet accepté par plusieurs familles qui n’a pas été suivi. C’est facile de lancer des accusations, mais ce n’était pas une priorité pour la ville. Le camp existe depuis 30 ans, on a laissé faire, et tous les mandats de Mme Lacroute n’ont pas permis d’être rapide sur ce dossier. Je suis pour la suppression de l’aire, mais seulement s’ils sont d’accord sur le projet qu’on leur propose, car ils sont prêts à payer pour être logés dignement’ ».

Des enfants manifestant sur les plots, ce vendredi après-midi
« On doit supporter notre misère et celle des autres, nous confie l’un des membres de la communauté. C’est la mairie de Nemours qui a mis le courant à l’époque, et maintenant on vient nous dire que nous sommes hors la loi. Nous ne sommes pas agressifs, au contraire, et nous subissons cette décharge et les incendies. On ne veut pas que nos enfants soient en danger ».
Mardi, une étape importante sera à suivre : l‘examen par le tribunal administratif des recours contre l’arrêté de la mairie. En attendant, le siège risque de durer. Du côté de la mairie, ce vendredi soir, on regrette que les intéressés « ne se soient pas rendus aux entretiens. C’est désormais dans les mains de l’Etat. Bien sûr que nous n’allons pas utiliser la force pour évacuer, mais nous irons jusqu’au bout ».
La République de Seine-et-Marne