Niger : Emmanuel Macron annonce que l’armée française est contrainte d’organiser un nouveau départ forcé, 1.500 soldats quitteront le pays

Emmanuel Macron a annoncé dimanche soir le retour «dans les prochaines heures» de l’ambassadeur français à Niamey, et le départ des troupes françaises d’ici la fin de l’année.

Après le Mali et le Burkina Faso, l’armée française va quitter le Niger. Plus de deux mois après le coup d’État qui a renversé le président Mohamed Bazoum, allié de Paris, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé dimanche soir le départ des soldats déployés sur la base aérienne projetée de Niamey et de ceux encore sur le terrain au nord du pays. «La France a décidé de ramener son ambassadeur», a-t-il expliqué. Sylvain Itté était contraint de demeurer reclus dans son ambassade, constamment menacé d’être privé de ressources ou d’eau. «Nous mettons fin à notre coopération militaire avec le Niger», a aussi annoncé Emmanuel Macron, pour sortir de l’impasse où se trouvait désormais la France.

Échec et incompréhension

Les quelque 1500 soldats français auront définitivement quitté le pays «d’ici la fin de l’année», a-t-il affirmé. La France avait envoyé ses soldats au Niger dans le cadre de l’opération Barkhane, à la demande des États du Sahel, incapables de faire face à la pression armée des groupes djihadistes dans la région. Dix ans plus tard, un double sentiment s’est installé, d’échec puisque la menace terroriste n’a pas disparu, et d’incompréhension puisque les Etats qui avaient appelé la France à l’aide lui tournent le dos aujourd’hui.”

Avec pragmatisme, l’état-major s’en tient aux missions successives qui lui ont été confiées. À Paris, on admettait depuis plusieurs semaines avoir commencé à élaborer des plans de retrait en attendant une «décision politique». Il s’agit désormais de désengager une base aérienne où sont stationnés des Mirage 2000 et des drones Reaper, mais aussi toute la structure de commandement et de soutien. Il faudra aussi retirer des véhicules tels que des VAB et des Griffon. Si des rotations aériennes pourront être organisées, les principaux équipements seront déplacés par voie terrestre, jusqu’aux ports du Golfe de Guinée, comme au Bénin par exemple. L’organisation précise du retrait devra être discutée avec les autorités nigériennes, explique une source militaire. Une partie des structures, sans pertinence militaire, pourrait être laissée sur place. «Le coût du transport peut être supérieur au coût de la «tôle»», fait remarquer un gradé. «Nous nous concerterons avec les putschistes parce que nous voulons que ça se fasse dans le calme», a expliqué Emmanuel Macron. L’opération s’annonce quoi qu’il en soit complexe logistiquement. Il avait fallu six mois au pas de charge pour se retirer de la base de Gao au Mali.

Exploiter le sentiment anti-français

Le contexte de ce désengagement sera cependant différent : en 2022, les forces françaises avaient progressivement fermé leurs bases, dont celle de Gao au nord de la région des Trois Frontières, épicentre du combat contre les groupes terroristes. Le risque d’attaques du RVIM ou de l’État islamique était réel. Si à Niamey la tension ou l’instrumentalisation politiques du sentiment antifrançais sont possibles, le risque djihadiste est très limité. Au nord du Niger, quelques soldats français étaient encore déployés sous la forme d’un «sous-groupement tactique inter-arme», vestige des dernières opérations militaires conjointes.

Les militaires racontaient encore il y a quelques jours le retour des Forces armées nigériennes au poste de Chinagodrar. «Le symbole est fort», disait-on. Il y a près de trois ans, les FAN y avaient subi d’une terrible défaite. Ce retour en forme de victoire n’aura pas suffi à sauver les liens entre Niamey et Paris. Le bénéfice politique offert par l’exploitation du sentiment anti-français était trop important pour la junte menée par le général Tiani. Depuis plusieurs jours, la tension était croissante. Lors de la dernière manifestation organisée à proximité de la BAP, il y a huit jours, des rumeurs de tentative d’intrusion avaient alerté l’état-major. Rien ne s’était produit. Mais aucune solution politique n’était non plus apparue.

Un compromis impossible

Depuis la fin de l’opération Barkhane en 2022, après les coups d’État au Mali qui avaient conduit Bamako à préférer les mercenaires russes de Wagner à l’appui de Paris, le gouvernement français avait espéré faire du partenariat franco-nigérien le modèle des nouvelles relations à tisser avec le Sahel. L’armée française opérait à la demande et quasiment aux ordres de l’état-major nigérien, qui gardait la main sur la conception des opérations militaires. L’armée française était censée demeurer au second plan. Dans les faits, son appui demeurait essentiel dans la lutte contre les groupes armés liés à Daech.

D’autres États européens avaient poursuivi leur coopération, comme l’Allemagne et l’Italie. Le retrait français préfigure le leur. Les forces américaines, basées notamment à Agadez, pourraient à l’inverse demeurer. Tout en dénonçant le coup de force contre le président Bazoum, Washington a veillé à défendre ses intérêts avec pragmatisme. Les opérations de surveillance aérienne avaient d’ailleurs repris la semaine dernière. «Le Niger a rouvert son espace aérien…», commentait-on laconiquement au sein de l’état-major français. La ligne jusqu’au-boutiste de la France, prête à soutenir militairement une intervention militaire de la communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (Cedeao) pour défaire la junte du général Tiani avait rendu un compromis impossible. À Paris, on espère que les dissensions au sein de la junte conduiront à un écroulement de son pouvoir.

Une mauvaise nouvelle pour la sécurité au Sahel

Sur la base aérienne projetée de Niamey, la décision du président Macron a été accueillie avec soulagement par les soldats. Depuis le 26 juillet, le partenariat militaire et de combat avait cessé, laissant les soldats désœuvrés ou pour seule occupation des «activités de cohésion». Bref, l’ennui le disputait au sentiment d’enfermement et d’incompréhension. Et certains soldats en fin de mandat attendaient leur retour. On espère désormais un déblocage de la situation.

Le retrait français est une mauvaise nouvelle pour la sécurité au Sahel. «Je suis très inquiet pour cette région», a observé Emmanuel Macron. Depuis le départ de la France du Mali, la situation sécuritaire s’est ainsi considérablement dégradée dans le pays, avec de violents affrontements au détriment des populations civiles et souvent des forces armées maliennes. La formation d’un califat territorial n’est pas à exclure. «La France, parfois seule, a pris toutes ses responsabilités [au Sahel] et je suis fier de nos militaires», a expliqué le chef de l’État. Depuis dix ans, 59 soldats français sont décédés au Sahel. À Paris, on rappelle constamment leur sacrifice. La présence militaire aurait permis d’éviter un effondrement de la région. «Mais nous ne sommes pas responsables de la vie politique de ces pays et on en tire toutes les conséquences», a ajouté le chef de l’État avec fatalisme. Face au rejet dont fait l’objet la France, il n’y avait sans doute pas d’autre option.

Le Figaro