Obésité : « L’effet Covid-19 a été une catastrophe pour les enfants »
Deux récentes études, dont une qui a été réalisée à Lille, montrent que le Covid-19 et le confinement ont eu une forte incidence sur l’augmentation de l’obésité chez les plus jeunes.
Alors qu’entre 2000 et 2020, la France avait mieux résisté au phénomène de surpoids précoce que d’autres pays, elle semble, cette fois, bel et bien décrocher. Deux récentes études semblent démontrer que le Covid-19 et le confinement ont eu une forte incidence sur l’augmentation de l’obésité chez les enfants. Avec des conséquences sur leurs capacités physiques, mais aussi, et surtout, sur leur santé et leur espérance de vie.
Souffre-t-on d’obésité de plus en plus jeune ? De récentes études semblent démontrer que le Covid-19 et le confinement ont eu une forte incidence sur l’augmentation du surpoids chez les enfants. Avec des conséquences sur leurs capacités physiques, mais aussi, et surtout, sur la santé et l’espérance de vie. Alors qu’entre 2000 et 2020, la France avait mieux résisté au phénomène de surpoids précoce que d’autres pays comme l’Angleterre, l’Italie, la Grèce ou encore l’Allemagne, elle semble, cette fois, bel et bien décrocher.
L’effet Covid-19 a été une catastrophe. On ne s’attendait pas à un tel résultat », souligne le professeur Philippe Froguel, directeur de l’Egid, un institut de recherche sur le diabète, basé à Lille.

Depuis la rentrée 2022, le dispositif de 30 minutes de sport par jour dans les écoles primaires, en plus des trois heures de sport hebdomadaires, a été généralisé à l’ensemble du territoire français, afin de lutter contre le surpoids des enfants
Il y a quelques jours, une étude menée par le collectif « Pour une France en forme » (un groupe de médecins et d’experts formé en 2019) et conduite auprès de plus de 9.000 collégiennes et collégiens en classe de 6e, alertait sur la baisse de leurs capacités physiques, entraînant une hausse de l’obésité et du diabète. Ainsi, les enfants, évalués par la VMA (vitesse maximale aérobie), courent moins vite, à 10,2 km/h, qu’une population du même âge, il y a plus de trente ans. « Il faut regarder les choses en face, nous sommes face à un tsunami sociétal d’inactivité physique et de sédentarité », assure le cardiologue François Carré, qui a dirigé cette étude. Ce dernier reste néanmoins optimiste : « La tendance est réversible à condition de réintroduire de l’activité dans le quotidien des élèves. ».
« L’effet Covid-19 a été une catastrophe »
Pour le professeur Philippe Froguel, directeur de l’Egid, un institut de recherche sur le diabète, basé à Lille, dans le Nord, le problème dépasse les performances sportives : « la santé et l’espérance de vie sont en jeu. » L’obésité entraînant très souvent des problèmes de diabète, les risques cardiovasculaires ou de cancer n’en sont que plus grand. « Et apparaissent de plus en plus tôt, vers 45-50 ans », s’inquiète Philippe Froguel.
Depuis la rentrée 2021, les équipes du Pr Froguel mènent également une étude, baptisée Elipse, pour repérer le surpoids chez 2.000 enfants âgés de 6 ans à 10 ans, dans les écoles de Lille. L’objectif est d’améliorer le bien-être en proposant aux enfants en surpoids de participer à un programme éducatif personnalisé.
Les premiers résultats sont préoccupants. Sur les quelque 800 premiers enfants suivis, près d’un tiers présente de sévères problèmes de poids et 10 % sont déjà en situation de réelle obésité. « L’effet Covid-19 a été une catastrophe, souligne Philippe Froguel. On ne s’attendait pas à un tel résultat. Et cette augmentation de l’obésité se retrouve prioritairement chez les familles les plus pauvres. Ce lien entre pauvreté et obésité est un constat moins surprenant puisqu’il avait déjà été dressé en 2010 par Jacques Weill, un médecin lillois. ».
L’objectif de l’équipe du Pr Froguel est désormais d’essayer de comprendre le phénomène. « Il faut tenter de trouver les causes environnementales, mais aussi génétiques, assure-t-il. Le problème aujourd’hui, c’est la sédentarité et la mauvaise gestion du stress. Les enfants mangent trop et on ne peut pas fermer le frigo à clé. »
Le chercheur pointe aussi une autre difficulté : le déni. « Les familles refusent de voir le problème en face et les médecins ne sont pas convaincus de la nécessité de le traiter dès le plus jeune âge. Or, 30 % des adultes obèses ont commencé leur obésité quand ils étaient enfants ou adolescents. »
Etude européenne pour prévenir l’obésité
Et de citer une petite révolution de santé publique aux Etats-Unis. « Il y a quelques jours, des pédiatres américains ont encouragé la prise en charge de l’obésité à partir de 13 ans. Il faut savoir qu’aux Etats-Unis, la stagnation de l’espérance de vie est principalement liée à cette maladie », signale encore Philippe Froguel.
En Europe, un projet de prévention de l’obésité de l’enfant, baptisé Obelisk, va également voir le jour à partir du 1er avril. Egalement piloté en partie par l’équipe du professeur Froguel, Obelisk va concerner neuf pays et plusieurs milliers d’enfants. Chaque pays va travailler sur une tranche d’âge spécifique, des 1.000 premiers jours jusqu’à l’adolescence. « En Italie, par exemple, le projet s’articule autour du hip-hop pour les ados », note le chercheur lillois.
La bonne nouvelle, c’est que l’étude pourra aussi s’appuyer sur un nouveau médicament repositionné. « On s’est rendu compte que la sémaglutine, utilisée pour soigner le diabète, faisait également maigrir », explique-t-il. Popularisé sur TikTok, il s’est vite retrouvé en rupture de stock. « Pour les besoins de nos études, je pense que les laboratoires pourront nous en fournir », sourit Philippe Froguel. La lutte contre l’obésité est à ce prix.