Paris : Après 21 ans d’attente pour un HLM, l’Égyptienne Mariam* a fait condamner l’État mais n’a toujours pas obtenu de logement social
Mariam, 52 ans, vit avec son mari et leurs deux enfants depuis 2001 dans 46 m2, à Paris. Près de la moitié des revenus de la famille passent dans le loyer. Comme plus de 74 000 ménages prioritaires Dalo en Île-de-France, ils n’ont encore reçu aucune proposition de relogement.

Un immeuble haussmannien dans le nord-est parisien, un digicode et, au premier étage, une porte qui s’ouvre sur un salon où rien ne dépasse. Plus de vingt ans de vie à cinq, rangée dans 46 m2. Mariam (le prénom a été changé) conseille le canapé près de la fenêtre pour s’asseoir, « plus confortable que l’autre ». Mieux vaut qu’il soit robuste, ce convertible, il sert aussi de lit.
« Les enfants, une fille et deux garçons, dormaient à trois dans la chambre quand ils étaient petits, mais en grandissant, ils ont eu besoin d’intimité, on a laissé la deuxième chambre à ma fille, et avec mon mari on dormait au salon », explique Mariam, 52 ans. L’aînée est devenue ingénieure. Elle est souvent en déplacement, alors les parents ont repris la chambre et quand leur fille dort là, c’est elle qui prend le canapé.
Les garçons, en études supérieures, dorment sur des lits superposés. Les repas se prennent au salon, la cuisine étant trop petite pour installer une table. À l’hiver 2001, ce « trois-pièces, cuisine, salle de bains », comme stipule le bail, sans mentionner la surface, était une aubaine pour la famille enfin réunie en France. Le papa, ouvrier en bâtiment, était arrivé d’Égypte le premier. Mariam, professeure de mathématiques au Caire, l’a rejoint avec les enfants, une fois le regroupement familial autorisé par la France. « On a commencé à vivre dans un studio mais, à cinq, c’était vraiment trop petit, ensuite on a trouvé ce logement » se souvient Mariam.
La moitié de leurs revenus passe dans le loyer
Le salaire du mari était trop juste pour postuler à cet appartement. « Le patron de mon mari l’a augmenté un peu et s’est porté garant pour nous », remercie Mariam. Aujourd’hui, leur loyer est de 1 082 euros, près de la moitié des revenus y passe : 1 850 euros de salaire du mari, aujourd’hui âgé de 61 ans, 100 à 150 euros de garde d’enfants et d’aide aux devoirs pour Mariam, qui perçoit aussi un peu plus de 300 euros de prime d’activité.
« Ma fille m’aide avec sa carte de ticket-restaurant, mais les fins de mois ne sont pas confortables, les factures augmentent, et s’il y a une urgence ça devient compliqué », glisse la mère de famille avec pudeur en ouvrant la pochette grise qui renferme toutes les preuves de ses démarches, et même deux propositions de logement HLM. Elle en parle avec des étoiles dans les yeux : « Ça, c’était à cours de Vincennes, c’était un logement magnifique, 5 pièces, 80 m2, chaque enfant aurait eu sa chambre… Deux mois après, un F5 porte de Bagnolet, un F 4 nous aurait suffi… On a toujours dit oui, mais on n’a jamais été retenus », regrette Mariam.
Le préfet condamné à assurer son relogement sous peine d’astreinte de 500 euros par mois
Il y a trois ans, une amie lui parle de la loi Dalo, qui reconnaît, depuis 2007 un droit au logement décent pour ceux qui n’arrivent pas à y accéder par eux-mêmes. Cette amie l’accompagne à la Fondation Abbé Pierre. Mais le dossier est rejeté par la commission départementale de médiation, le logement ne paraissant pas inadapté. La Fondation Abbé Pierre dépêche un architecte, qui mesure la surface : 46 m2, c’est à peine au-dessus ce que prévoit le Code de sécurité sociale : 16 m2 pour deux et 9 m2 par occupant supplémentaire, soit 43 m2 pour cinq…
Finalement, aidé par la Fondation, Mariam saisit le tribunal. Elle est reconnue prioritaire à reloger en urgence, au vu du délai d’attente de sa demande de logement social, « supérieur au délai fixé par arrêté préfectoral », précise le document. L’arrêté estime que le délai est trop long, au-delà de six ans d’attente pour un logement individuel, neuf ans pour 2 et 3 pièces, et dix ans pour 4 pièces et plus. Mariam, elle, attend depuis vingt ans.
Mais toujours pas d’offre de relogement depuis. Elle fait partie des 74 000 ménages franciliens qui n’ont pas été relogés. En juin 2022, elle a formé un nouveau recours, et le préfet a été condamné à assurer son relogement sous peine d’astreinte de 500 euros par mois de retard, destinés au Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL) dont la mission est justement de mener des actions en faveur des mal-logés. Soit 5 000 euros depuis dix mois. La bataille administrative continue, avec en perspective une demande d’indemnisation. Si l’État est condamné, la somme reviendra à la famille, quelques milliers d’euros peut-être, rien n’est certain. […]