Paris : Dépôt de plainte après la mort d’un enfant camerounais, tombé du quatrième étage d’un hôtel social, « à la sécurité précaire, mal tenu, visant à parquer des personnes d’origine étrangère »

Quatre jours après la chute mortelle de son fils de l’hébergement d’urgence où ils résidaient, Virginie F., la mère du petit Ruben, a déposé plainte, lundi 11 septembre, contre l’établissement situé Rue Philippe-de-Girard dans le 18e arrondissement de Paris.

D’un côté, une famille à jamais meurtrie, accusant la sécurité défaillante de l’hôtel social où elle vivait. De l’autre, une entreprise gestionnaire qui nie toute responsabilité. Après la mort d’un petit garçon de 2 ans et demi, tombé du quatrième étage d’un établissement, jeudi 7 septembre, deux versions irréconciliables s’opposent.

Quatre jours après le décès de son fils, Virginie F., la mère du petit Ruben, a déposé plainte, lundi 11 septembre, contre l’hôtel où elle résidait avec ses deux enfants, pour « homicide involontaire par personne morale par manquement d’une obligation de sécurité ». Dans cette plainte, que Le Monde a consultée, la responsabilité du personnel de cet hôtel faisant de l’hébergement d’urgence, où vivent des mères isolées, est clairement mise en cause.

Si ma cliente a déposé plainte, c’est parce que nous considérons qu’il y a eu manquement à une obligation de sécurité de la part du gérant de cet hôtel et de son personnel, et que ce manquement a causé la mort d’un enfant », souligne son avocat, Mario Stasi. Par ailleurs président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), ce dernier déplore, à ce titre, que « bien souvent ces drames surviennent dans des hôtels à la sécurité précaire, mal tenus, qui visent parfois à parquer des personnes d’origine étrangère ».

Cependant, il affirme qu’aucun signalement n’a été fait concernant la poignée cassée de la fenêtre. « L’immeuble est neuf et a été ouvert il y a un an pile », rappelle le dirigeant, selon qui « les résidents sont encouragés à faire remonter tous les problèmes ». Pour M. Mel, qui réfute toute pression, les habitants « ont évidemment le droit d’agencer leur logement comme ils le souhaitent ». Pourtant, plusieurs témoignages, y compris d’un professionnel accompagnant des familles, font état de l’opposition du personnel de l’hôtel à tout réaménagement, et d’un climat d’intimidation à leur égard.

Un petit autel fleuri comme seul indice du drame survenu là la veille. Jeudi, un garçon de 2 ans et demi est décédé en tombant du quatrième étage d’un immeuble situé rue Philippe-de-Girard, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, selon une information confirmée au Parisien par la mairie d’arrondissement. Les chambres de cet immeuble privé sont louées par le Samu social comme hébergement d’urgence pour des mères isolées. Il y aurait un peu moins de 40 chambres dans ce bâtiment de sept étages.

Ce jeudi, jour de fortes chaleurs, la fenêtre était ouverte. Le petit garçon qui se trouvait sur le lit aurait fait tomber un objet à l’extérieur et c’est en voulant le récupérer qu’il aurait chuté du quatrième étage.

Une femme auparavant hébergée dans l’hôtel avec un enfant dénonce un manquement dans l’agencement des logements de cet établissement. « Toutes les chambres sont identiques. Les lits sont tous sous les fenêtres donnant sur la rue et on nous demande de ne pas les déplacer. Nous alertons depuis des mois sur les dangers car on montant sur les lits, il est facile pour des enfants de basculer » dit cette femme encore sous le choc. Elle est descendue de l’immeuble immédiatement après avoir entendu le choc et la mère de l’enfant crier.

Un immeuble neuf

L’immeuble, une construction privée, a été livré il y a un an seulement. « À l’intérieur c’est neuf et en bon état. Seulement on nous interdit de déplacer les meubles. Nous avons essayé d’en parler plusieurs fois et on ne nous écoute pas. Il faut savoir que la plupart des femmes hébergées ici ne parlent pas français et ne savent ni lire ni écrire. Cela ne donne pas les moyens de se défendre et d’être écouté », dit celle qui a occupé une chambre de 12 m² environ avec un enfant en bas âge.

Contacté, le Samu social de Paris, répond que « le bâtiment est loué en hébergement d’urgence pour des mères seules avec leurs enfants. Le Samu social de Paris n’est pas locataire de cet hôtel (ni d’aucun autre hôtel à vocation sociale), mais il se charge, via l’opérateur de réservation Delta, de la gestion de l’offre hôtelière à vocation sociale en Île-de-France. Environ 55 000 personnes sont ainsi quotidiennement hébergées dans plus de 880 hôtels franciliens ».

« Depuis deux mois les locataires alertaient sur le danger encouru. Et depuis (jeudi) matin la direction de cet hôtel fait pression sur les habitants pour qu’ils se taisent sur l’aménagement des lieux », s’alarme une riveraine. Contacté, le parquet de Paris n’a pas répondu à nos sollicitations.

« Un hôtelier avec lequel on travaille bien »

De son côté, le Samusocial de Paris, que les résidents peuvent théoriquement solliciter en cas de difficulté avec l’hôtelier, indique ne pas avoir eu connaissance des problèmes rencontrés par cette famille. Le dernier contrôle qualité, inopiné, effectué par le Samusocial dans chaque chambre de l’établissement date de mars, et la dernière visite de médiation du 8 juin, avant l’arrivée de Virginie F. et de ses enfants. « C’est plutôt un hôtelier avec lequel on travaille bien », déclare sa directrice générale, Vanessa Benoît, précisant : « C’est l’hôtelier qui est responsable de la sécurité de l’hôtel, mais nos équipes signalent les situations dangereuses. » Ces dernières ont fait état d’un seul cas de lit placé sous la fenêtre, en septembre 2022. « Selon les comptes rendus, à aucun moment les familles, qui sont invitées à confier les éventuels problèmes, n’ont indiqué ne pas pouvoir déplacer les lits », affirme Vanessa Benoît.

Sur cette question si sensible des responsabilités, l’hôtelier fait valoir un défaut de surveillance de l’enfant décédé. Se basant sur le témoignage de sa salariée présente sur les lieux lors de la chute, il affirme que « la maman se trouvait dans la cuisine collective, au sous-sol, et est remontée en entendant le bruit demander ce qu’il s’était passé », assertion que cette dernière dément catégoriquement. Un témoin raconte au Monde avoir entendu crier la mère juste après le bruit de l’impact – contredisant la version de l’hôtelier.

C’est désormais la justice qui va se pencher sur cette affaire dramatique. Une enquête préliminaire en recherche des causes de la mort est en cours, indique le parquet de Paris. Elle prendra plusieurs semaines. La mère endeuillée et son aîné, âgé de 3 ans et demi, se sont vu proposer un hébergement dans une autre chambre d’hôtel. Une cagnotte a été lancée par des habitants du quartier pour aider à financer les obsèques du petit Ruben.

Le Monde