Paris : “Moi, ce que je veux, c’est la France aux Français”, le tueur raciste des Kurdes de la rue d’Enghien rejugé pour l’agression de squatteurs musulmans à son domicile en 2016
William Malet est jugé devant la cour d’appel de Paris, ce mardi, pour des violences avec arme en 2016 à Livry-Gargan. Il a par ailleurs reconnu être l’auteur de la fusillade mortelle rue d’Enghien à Paris, en décembre dernier.
William Malet, mis en examen et écroué pour l’assassinat de trois Kurdes le 23 décembre 2022 dans la rue d’Enghien à Paris, est rejugé mardi 22 mars par la cour d’appel de Paris pour avoir agressé à l’arme blanche trois squatteurs à son domicile en 2016 à Livry-Gargan, en région parisienne. Karatéka confirmé ceinture marron et membre du régiment parachutiste de Carcassonne lors de son service militaire, le propriétaire des lieux ne semble pas impressionné par ce face-à-face inattendu.

Un racisme assumé
Encadré par deux gendarmes, les cheveux gris presque hirsutes, le menton en avant, mal rasé, cet homme de 69 ans apparait devant la cour d’appel avec un certain embonpoint. Il porte un pull beige fatigué. William Malet se tient bien droit quand sa personnalité est évoquée et assume être raciste, d’extrême droite, solitaire et rigide. “En 2016, je voulais me convertir au judaïsme”, se souvient-t-il. Parce que j’aime bien l’État d’Israël, eux ne se laissent pas faire contre les musulmans”. Il développe sa pensée un peu plus tard à l’audience.
Moi, ce que je veux, c’est la France aux Français.” Depuis qu’il dit avoir côtoyé des ex-officiers ayant servi pendant la guerre d’Algérie, William Malet explique être convaincu qu”‘il faut se méfier, des non-européens, des traîtres.” Au sujet de la fusillade mortelle de décembre, William Malet assure : “Je crois que je voulais me suicider. Puis je me suis dit que tuer des arabes m’enlèverait mon envie de suicide. Je savais, précise-t-il, qu’en faisant ça, ça ferait du bruit dans le journal”. “Un peu comme les tueurs islamistes en somme”, relève la présidente. William Malet ne la contredit pas.
Un arsenal découvert dans sa maison
En 2016, les trois squatteurs qu’il a sérieusement blessés étaient précisément tous les trois d’origine nord-africaine. Ils ont expliqué s’être installés dans le sous-sol délabré de son pavillon en pensant que les lieux “très poussiéreux”, selon les enquêteurs, étaient abandonnés. Ce sous-sol n’avait jamais été réparé depuis la tempête de 1999. William Malet explique avoir agi en légitime défense. Un scénario qui ne semble pas convaincre la cour. Il a très sérieusement blessé à l’arme blanche ces trois hommes . “Quand je les ai découverts, même s’ils n’étaient pas armés, dit-il, je me suis senti en danger. Ils ne m’ont pas menacé, concède William Malet. Mais ils auraient pu me saucissonner, me séquestrer, me tuer, comme on voit dans la presse tous les attentats d’islamistes.”
Cette nuit de février 2016, quand les policiers ont fini par arrêter le sexagénaire, ancien conducteur de TGV, les trois squatteurs étaient dans la rue, au sol, en sang. Lui avait en main un fusil d’assaut M16. Quatre coffres forts, plus de 21 fusils ou armes de poing ont été retrouvés chez-lui, ainsi que des munitions par centaines. Aucune n’était déclarée et William Malet n’a jamais compris pourquoi la justice l’avait poursuivi puis condamné en première instance à un an de prison, tout comme les squatteurs. Ce point de bascule aurait décuplé sa haine des étrangers.
« Cela a décuplé sa rage contre les étrangers »
Alain, qui se définit comme « un homme de gauche » ne parlait jamais politique avec son fils mais lui prête volontiers une affinité avec les partis d’extrême droite, dans le sillage de sa mère, fidèle électrice de la famille Le Pen, « père et fille », précise-t-elle. En revanche, ni Alain ni Camilla ne lui connaissent d’appartenance à un parti ou à un groupuscule politique. « Quand j’entends dire que William a pu être commandé par des Turcs ou je ne sais qui, cela m’énerve », glisse sa mère.
L’affaire du cambriolage, vieille de cinq ans, aurait donc nourri à elle seule une dérive psychologique passée sous les radars de la justice et de la médecine en dépit des conseils de l’un de ses rares amis qui l’encourageait à consulter un spécialiste. Son premier passage à l’acte, en décembre 2021 dans le parc de Bercy, une tentative d’homicide volontaire (passible de trente ans de prison) requalifiée en violences volontaires aggravées (cinq ans de prison maximum), résonne pourtant comme une première alerte grave. Elle survient la veille de l’audience prévue au tribunal de Bobigny pour l’affaire de Livry-Gargan. Défendu à l’époque par Me Catherine Scotto, il est finalement jugé en juin dernier et condamné à un an de prison. Une peine dont il a fait appel.
« Récemment, deux de ses trois cambrioleurs, ceux qui ont été blessés, ont décidé de le poursuivre au civil et lui réclamaient 30 000 euros chacun de dommages et intérêts », renchérit Camilla, elle-même outrée par cette démarche. « Cela a décuplé sa rage contre les étrangers », interprète-t-elle, en tentant de donner du sens à un projet criminel qui dépasse l’entendement.
Une vie ascétique et très solitaire, près de ses parents
Sa retraite d’ancien cheminot (environ 2 300 euros mensuels) et le prestige de son ancienne profession de conducteur de TGV lui auraient permis de louer sans difficultés un appartement correct. Pourtant, William Malet décide à partir de cette époque de revenir à Paris auprès de ses parents dans une chambre de 6 m2 avec les commodités sur le palier. Il y rumine un ressentiment très fort à l’encontre de ses cambrioleurs, tous d’origine maghrébine, et développe les ferments de sa haine à l’égard des étrangers.
En plein cœur de la capitale, William Malet mène une vie ascétique — jamais d’alcool ou de tabac, pas de téléphone portable — centrée sur ses séances d’entraînement (karaté et tir sportif) et surtout très solitaire. « On ne lui a jamais connu de petit ami ou de petite amie, soupirent ses parents, pourtant épicuriens dans l’âme. Quand on le questionnait là-dessus, William nous répétait qu’il était asexuel. »