« Recourir à des médecins étrangers réduit l’accès à la santé des populations des pays d’origine »

Le projet de loi Asile et immigration prévoit la création d’un titre de séjour « talent-professions médicales et de pharmacie » pour faciliter la venue de professionnels de santé étrangers. Mesure-t-on le ressentiment qui se développera dans les pays d’origine vis-à-vis de la France, accusée par cet appel à l’exode de vouloir poursuivre une politique néocoloniale ?

Voilà une mesure qui passe mal au sein du corps médical… Dans son projet de loi Asile et immigration, le gouvernement a prévu la création d’un titre de séjour « talent-professions médicales et de pharmacie » pour faciliter la venue de professionnels de santé étrangers. « Ne privons pas l’Afrique de ses médecins » clament, en réponse, dans une tribune publiée par le JDD (7 janvier), plusieurs professeurs de médecine, dont Xavier Emmanuelli, ancien ministre de Jacques Chirac et fondateur du Samu social.

Cet exode que la France appelle de ses vœux pour réparer des décennies de malthusianisme appliqué à l’accès aux études de médecine a un coût payé par les populations des pays d’origine : il réduit leur accès à la santé. Ainsi, la Tunisie forme autant de médecins annuellement qu’elle en voit quitter son sol. Les blouses blanches tunisiennes choisissent de plus en plus la France, le Canada ou les pays du golfe Persique, espérant de meilleures conditions de travail et des salaires attractifs.

À ce jour, plus de 22.000 médecins diplômés à l’étranger exercent dans l’Hexagone. Ce qui n’est pas suffisant pour pallier la pénurie organisée par le fameux numerus clausus instauré en 1971 afin de limiter le nombre de médecins. « Le nombre d’étudiants admis en faculté de médecine est passé de 8 500 au début des années 1970 à seulement 3 800 en 2000 », soulignent les professeurs dans leur tribune. À cela s’ajoutent les départs à la retraite. Près d’un médecin généraliste sur deux a 60 ans, d’où l’autorisation de travailler jusqu’à 73 ans. Alors que les difficultés d’accès aux soins et de répartition territoriale se posent, les professionnels étrangers peuvent apparaître comme une « solution », mais dont on ne mesure pas les conséquences sur les pays de départ.

Faut-il s’attendre à une augmentation en France des arrivées de malades étrangers souhaitant être pris en charge grâce à la législation la plus ouverte au monde ? Mesure-t-on le ressentiment qui se développera dans les pays d’origine vis-à-vis de la France, accusée par cet appel à l’exode de vouloir poursuivre une politique néocoloniale ? Pas de quoi, pour le moment, faire reculer le gouvernement. Bien décidée à capter ces cerveaux formés à l’étranger, la France veut séduire davantage les soignants provenant principalement du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne. Chacun pour soi et Dieu pour tous ! Mais alors pourquoi continuer à prôner l’aide au développement ?

Marianne