Rennes (35) : « Il fallait défendre les enfants », un militant nationaliste face à des travestis au tribunal

L’ancien responsable local de l’Action française avait participé à une manifestation s’opposant à une lecture pour enfants menée par des personnes transgenres à Saint-Senoux.

Un militant d’extrême droite était jugé devant le tribunal correctionnel de Rennes pour injures et incitation à la haine après avoir perturbé un atelier de lecture pour enfants. La décision a été mise en délibéré au 9 octobre. Animée par des drag-queens, la lecture avait été la cible d’une vingtaine de personnes, dont l’action avait été très relayée par la presse française. La commune de Saint-Senoux (Ille-et-Vilaine) avait porté plainte, tout comme les personnes visées par les insultes.

Il a expliqué avoir été « injurié lourdement » à son arrivée au tribunal par les quelques manifestants antifascistes présents aux abords de la cité judiciaire. Lundi 11 septembre, un militant d’extrême droite était jugé devant le tribunal correctionnel de Rennes pour avoir participé à une manifestation contre une lecture de drag-queens dans la commune de Saint-Senoux (Ille-et-Vilaine) le 15 mai.

Très sûr de lui, cet homme âgé de 24 ans qui menait le comité local du groupuscule d’extrême droite Action française était le seul manifestant identifiable ce jour-là, faisant de lui le seul mis en cause convoqué à la barre. Après l’avoir contesté et avoir menti aux gendarmes, il a reconnu devant les juges être la personne qui avait lu le tract dans un mégaphone où il avait dénoncé « des délires décadents ». Il avait ensuite lancé des slogans homophobes comme « LGBT dégénérés » ou « Plus de France, moins de trans » pendant que ses camarades arboraient une banderole où l’on pouvait lire « A nos enfants inculquez nos racines, n’imposez pas les drag-queens ».

Cette action éclair n’avait duré que quelques minutes au creux d’un paisible après-midi dans une tranquille commune d’à peine 2.000 habitants. Diffusée par le tout jeune mouvement L’Oriflamme sur ses réseaux sociaux, cette manifestation avait été largement relayée par les médias nationaux. « Nous ne voulions pas attaquer des personnes, mais attaquer une idéologie, un lobby. D’ailleurs, il n’y a eu aucune violence. Il fallait avant tout défendre les enfants sur qui on a tenté de déverser une idéologie.

Notre objectif, ce n’était pas de mettre un terme à la lecture, mais d’en faire parler. Je considère cette action réussie, car tous les médias l’ont traitée », a déclaré le mis en cause à la barre, se félicitant d’être « passé sur BFMTV ». « Je ne regrette pas ce que j’ai fait, car l’important, c’est de défendre notre pays. Il n’y a eu aucune violence. Je porte un message politique. Je ne vise pas des personnes en particulier », a-t-il martelé avec aplomb, avant d’enchaîner un peu plus tard. « Ma paix, c’est moi et le Christ. Mon objectif, c’est de faire le bien de la France. Et pour moi, le bien de la France, ce n’est pas d’organiser des lectures drag-queens. »

« Pour moi, il n’assume pas sa responsabilité »

Ce jour de mai, un atelier de lecture avait été organisé par la mairie de Saint-Senoux et animé par des drag-queens sous l’intitulé « créé ton personnage de conte ». Elle avait été perturbée par une vingtaine de militants habillés de noir et cagoulés qui avaient brandi un fumigène avant l’arrivée des gendarmes. « Je suis encore émue par cette histoire. Nous avions prévu une lecture douce, habillés en robot ou en escargot, sans idéologie aucune », a assuré l’une des participantes, qui s’est portée partie civile.

« J’ai été extrêmement choquée », a ajouté une autre plaignante. « En tant qu’animatrice, j’ai été choquée par la violence. Je trouve ça révoltant », a ajouté une jeune femme à la barre. « Monsieur paraît très intelligent. Il semble intimement convaincu de ne pas avoir fait de mal. Pour moi, il n’assume pas sa responsabilité. Je suis là en tant que maire pour assumer ma responsabilité. J’assume totalement car ce sont bien des artistes qui ont fait cette lecture », a témoigné la maire de la commune, qui avait porté plainte.

L’avocat des victimes a plaidé dans le même sens : « Il se cache derrière la politique. On peut avoir toutes les opinions, à partir du moment où ce n’est pas un délit. Pour moi, il est allé au-delà des opinions. Il habille tout cela d’un discours très élaboré. On ne peut pas venir hurler des slogans haineux comme il l’a fait et utiliser des termes comme dégénéré. En autorisant des comportements comme ça, on met une cible dans le dos des personnes », a argumenté Me Benjamin Mayzaud. « On ne peut pas répondre à la haine par la haine. Vous n’êtes pas un sacrifié, vous êtes simplement quelqu’un qui profère des mots interdits par la loi », a plaidé le procureur, avant de requérir six mois de prison ferme et une interdiction de participation à une manifestation pendant trois ans.

Le mis en cause était poursuivi à la fois pour injure publique, provocation publique à la haine et la violence en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, mais aussi pour dissimulation du visage. La décision a été mise en délibéré au 9 octobre.

« J’ai quelques qualités oratoires »

Déjà condamné en 2020 pour avoir dégradé la permanence d’un élu LREM de la Sarthe en marge d’une manifestation des Gilets jaunes, le prévenu était également poursuivi pour organisation d’une manifestation sans déclaration. « Ce n’est pas moi qui devais prendre le mégaphone ce jour-là. Mais la personne qui devait le faire n’était pas là. J’ai un passé militant, j’ai quelques qualités oratoires donc je me suis porté volontaire. Je me suis sacrifié. Mais je ne suis pas celui qui dirige la troupe », s’est défendu le prévenu, fils de « parents prolétaires et malheureusement séparés ».

Questionné par le président sur son rôle au sein de L’Oriflamme, il a tenté de minimiser son implication au sein du groupuscule né à Rennes en janvier 2023 et issu de la scission de l’Action française. « Je faisais partie du bureau, mais je l’ai quitté », a assuré le prévenu, qui a dû se mettre en retrait « pour préparer le concours d’entrée à l’ENA » et prendre le temps de s’occuper de son fils. « Et si c’était à refaire, vous le referiez ? », interroge le président. « Si c’est pour aller devant un tribunal, non », a-t-il conclu. Dans une longue plaidoirie, son avocat a plaidé la relaxe. Verdict dans quatre semaines.

20 Minutes