Roissy (95) : Un “douanier d’élite atypique qui a défilé au 14 juillet”, aidait les dealers de cités à importer de la cocaïne (Màj : Chaque semaine, Bocar percevait au moins 100.000 €, réinvestis dans l’immobilier africain)
10/03/2023
Le fonctionnaire, âgé de 35 ans, est soupçonné d’avoir aidé pendant deux ans des trafiquants à importer de la cocaïne en provenance d’Amérique du Sud. Il a été placé en garde à vue, comme 12 autres personnes, en région parisienne.
Des millions de Français ont pu l’apercevoir quelques secondes à la télévision, le 14 juillet 2022. Arme au bras, la démarche fière, honoré de défiler sur les Champs-Élysées devant le président de la République et son ministre de tutelle, Gabriel Attal. Un douanier de 35 ans, B., a été interpellé et placé en garde à vue pour trafic de cocaïne mercredi 8 mars, a appris franceinfo jeudi 9 mars de source proche du dossier, confirmant une information du Parisien.
Le suspect avait même eu droit aux honneurs de son portrait dressé par sa hiérarchie, juste avant le défilé sur les Champs-Élysées. “Si B. a décidé de défiler en ce 14 juillet 2022, c’est avant tout pour partager la fierté qu’il a de représenter l’administration qui lui a donné une chance en le recrutant”, peut-on lire sur le site internet des douanes. “Ses affaires sont nombreuses et les contentieux parfois insolites. Il garde en mémoire notamment cette affaire de cocaïne dissimulée à l’intérieur de plusieurs noix de coco. Au total, deux kilos de cocaïne sont récupérés par B. et son équipe”. C’est notamment grâce à ce fait d’arme qu’il avait pu défiler à Paris.
Cette saisie effectuée par le douanier, qui a d’abord travaillé au port du Havre, pourrait donc prêter à sourire si les soupçons contre lui n’étaient pas aussi graves. Car B., interpellé mercredi 8 mars dans l’après-midi avec 12 autres personnes par la police judiciaire de Versailles, est en effet suspecté d’avoir aidé des trafiquants de cocaïne à échapper à des contrôles.
Les interpellations, qui ont eu lieu en même temps à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle et en région parisienne en pleine journée, sont le fruit d’un travail de surveillance de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI). Les gardes à vue, qui se tiennent toutes à Evry-Courcouronnes (Essonne), peuvent durer jusqu’à 96 heures sous la supervision de la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Paris.
Jusqu’à 50 000 euros par valise de cocaïne
L’enquête commence il y a deux ans, lorsque les policiers de l’antenne d’Evry (Essonne) de la police judiciaire de Versailles s’aperçoivent d’un drôle de manège. Des passagers fantômes, munis de billets, se rendent en zone d’embarquement. Au lieu de monter dans l’avion, ils se dirigent vers la zone des bagages et quittent l’aéroport avec une à deux valises de 30 kilos chacune, remplies de cocaïne pour un montant avoisinant les quatre millions d’euros, selon les cours actuels des prix de vente au détail de la poudre blanche. Le scénario se répète chaque semaine, et les enquêteurs se rendent compte que cela se passe à chaque fois que le douanier B. travaille.
Le suspect encadrait quotidiennement une vingtaine d’agents dans un des terminaux de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, où il gérait notamment les plannings et écrivait les procès-verbaux. Il est soupçonné d’avoir pleinement profité du trafic. Les enquêteurs estiment qu’il a touché entre 45.000 et 50.000 euros par valise de cocaïne qui partait de l’aéroport. B. est aussi soupçonné d’avoir investi dans l’immobilier au Sénégal, son pays d’origine. Lorsqu’il a été arrêté en compagnie de passagers fantômes – des mules, dans le jargon policier – deux valises contenant 60 kilos de cocaïne ont été saisies. Elles provenaient du Mexique ou de Colombie. Les enquêteurs travaillent activement pour retracer le parcours de la drogue.
Les trafiquants interpellés en même temps que le douanier sont des “criminels de haut vol”, selon les mots d’un fin connaisseur du dossier qu’a pu joindre franceinfo. Parmi eux, deux frères bien connus de la justice, les frères D., considérés à ce stade de l’enquête comme les organisateurs du trafic et implantés dans la cité de la Grande Borne à Grigny (Essonne).
La cocaïne qu’ils arrivaient à faire passer par Roissy était ensuite acheminée partout en région parisienne, pour alimenter le marché de la drogue en Île-de-France. Les enquêteurs estiment, après de longs mois de surveillance et un travail de terrain auprès de ce groupe très mobile, que leur patience a payé. Certains membres de ce groupe ont notamment été aperçus au Maroc ou à Megève (Haute-Savoie). Toute la difficulté de la BRI a été d’arrêter ces 13 personnes en même temps en Île-de-France. Mercredi 8 mars dans l’après-midi, “les planètes étaient alignées” selon une source proche de l’enquête.
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09/03/2023
Près de 100 kg de cocaïne, des armes et un douanier corrompu. C’est une vaste opération antidrogue qui a été menée à Grigny, Viry-Chatillon (Essonne) et à l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle (Val-d’Oise). Une dizaine de personnes ont été interpellées, mercredi après-midi par les enquêteurs de la Direction régionale de la police judiciaire de Versailles, suspectées de prendre part à une affaire de trafic de drogue de cité aux dimensions hors normes.
Depuis plusieurs semaines, le groupe stups du service de police judiciaire d’Évry est sur les traces d’une équipe de trafiquants de Viry-Châtillon et Grigny, qui importent de la cocaïne dans des proportions très importantes. « Ce sont les caïds de la Grande Borne qui alimentaient évidemment d’autres réseaux au-delà de l’Essonne », explique une source proche du dossier.

Les surveillances ont permis de matérialiser une livraison par semaine, avec des quantités d’environ 60 kg de cocaïne sur ce point de deal. Une telle quantité de poudre blanche est estimée à 1,9 million d’euros au prix du kilo en France et à plus de 23 millions si on prend en compte le prix de vente au détail.
La drogue était acheminée par avion depuis le Mexique avec la complicité d’un douanier de l’aéroport de Roissy. Ce fonctionnaire aurait été payé 50 000 euros par mois pour aider à la sortie de la marchandise. […]
Cet homme, prénommé Bocar, s’était distingué dans ses fonctions à l’aéroport par la découverte de deux kilos de cocaïne dissimulés dans des noix de coco. Cette belle prise lui a valu de participer au défilé du 14 juillet 2022 à l’occasion duquel il avait serré la main du ministre. Âgé de 35 ans, cet ancien militaire de l’armée de terre intègre les douanes comme informaticien. Il est en poste au Havre (Seine Maritime). Puis en 2014, il occupe des fonctions de contrôleur et de chef d’équipe au terminale 2E au sein de la plus grosse brigade de l’hexagone. « C’est un homme souvent à l’origine de constatations marquantes et de contentieux insolites », remarquait le site internet de son administration à l’époque qui estimait que leur agent avait « un parcours atypique… » Sollicitée ce jeudi, l’administration des douanes n’a, pour l’heure, fait aucun commentaire.
« Pour mener à bien cette série d’arrestations, toutes les forces de la police judiciaire de Versailles se sont mobilisées pour prêter main-forte aux enquêteurs », assure une autre source proche de l’affaire. Lors des perquisitions, une cache, qui contenait deux valises d’armes, a été mise à jour. Les suspects ont été placés en garde à vue dans les locaux de la PJ à Évry-Courcouronnes. Les auditions peuvent durer jusqu’à 96 heures avant leur présentation devant le parquet de la juridiction interrégionale de Paris (Jirs).
Portrait de Bocar – Contrôleur des douanes, douanier au parcours atypique
A seulement 35 ans, Bocar a déjà été militaire de l’armée de terre, informaticien en douane avant de devenir chef d’équipe au sein d l’unité de surveillance la plus importante par sa taille de France. Un parcours atypique rendu notamment possible grâce à un mécanisme de recrutement sans concours appelé PACTE, peu connu du grand public.
Bocar rentre dans la vie active très jeune, à 18 ans. Dans sa famille, personne n’est militaire, mais c’est pourtant après un stage en régiment médical qu’il décide de devenir militaire et intègre l’ALAT (l’aviation légère de l’armée de terre). Pendant trois ans, il est chef de soute au sein du 1er régiment d’hélicoptère de Combat basé à Phalsbourg. Ainsi, il gère notamment les embarquements et les débarquements des commandos.
Après plusieurs années de service, il rentre dans sa ville natale de Belfort et change de voie en intégrant cette fois la filière informatique. Il devient d’abord vendeur dans un magasin spécialisé puis suit une formation pour devenir technicien d’assistance en informatique.
C’est justement au cours de cette formation qu’il apprend qu’un poste d’informaticien est proposé par la Douane, sans nécessité de passer le concours traditionnellement requis pour obtenir ce type de poste. Depuis 2006, ce nouveau mode de recrutement dans les corps de catégories C des trois fonctions publiques, appelé PACTE (parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d’Etat), permet aux personnes sans qualification ou diplôme de bénéficier d’un dispositif de formation , en tout point comparable avec ce qui peut être proposé dans le secteur privé, mais avec une différence notable : la possibilité de se voir proposer un emploi de titulaire dans la fonction publique.
En 2010, Bocar devient ainsi le deuxième informaticien en douane recruté sans concours par voie de PACTE. Un nouveau métier qui l’emmène exercer au Havre, ou il est responsable de plus 430 postes informatiques répartis sur 16 sites différents et utilisés par plus de 400 douaniers. Une expérience que Bocar qualifie lui-même de « magnifique ».
Mais l’attrait de l’uniforme est plus fort, et Bocar décide de passer le concours interne de contrôleur de la surveillance des douanes (catégorie B) qu’il obtient au premier essai en 2013. Après une formation à l’école des douanes de La Rochelle, Bocar devient en 2014 chef d’équipe au sein de la brigade du terminal T2E, la plus grande brigade de France par le nombre de ses personnels (plus de 120 agents). Depuis 8 ans, Bocar exerce au sein d’une équipe de 14 collègues et vit son métier avec fierté et passion. Son engagement et son dynamiste sont reconnus de tous.
Souvent à l’origine de constatations marquantes et de contentieux insolites, il garde en mémoire notamment cette affaire de cocaïne dissimulée à l’intérieur de plusieurs noix de coco, la soudure était tellement bien faite qu’il était aisé de ne rien remarquer et de passer à côté. Au total, 2 kilos de cocaïne sont saisis par Bocar et son équipe.

Le Parisien & Douane.gouv (L’article officiel consacré à Bocar est toujours disponible en pdf même s’il a rapidement disparu du site de la douane)