Saint-Nazaire (44) : « Fatiguées de payer pour les autres », deux jeunes noires victimes de racisme confient leurs traumatismes

Insultées violemment à propos de leur couleur de peau et menacées de viol à Pornic en juillet 2022, deux jeunes femmes ont témoigné de l’impact psychique et physique que cet épisode de racisme a laissé sur elles. Face au tribunal de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), l’auteur des injures a confié sa honte à propos de ses mots et ses actes. Il y a des audiences qui ravivent des souvenirs douloureux.

Même quand plusieurs mois séparent le jour des faits et le procès. Quand il s’agit de racisme, les séquelles sont souvent indélébiles. C’est le message porté, ce mercredi 8 mars, par deux femmes, victimes d’injures liées à leur couleur de peau. Face au tribunal de Saint-Nazaire, elles ne se contentent pas de raconter ce qu’il s’est passé le 18 juillet 2022 à Pornic. Leurs témoignages sonnent comme un cri du cœur. L’expression d’un désarroi.

« Jamais vécu une telle violence »

« Je suis fatiguée de devoir payer pour les violences que les gens m’infligent », clame la jeune femme noire. Après avoir pris de plein fouet les injures de la part d’un voisin, fortement éméché, qui a fait irruption dans son jardin, elle a dû entamer un suivi psychologique.

Elle déroule l’impact physique et psychologique que ces propos racistes, accompagnés de menaces de viol, ont déclenché chez elle : « Je n’avais jamais vécu une telle violence. J’ai eu peur que les propos proférés à mon encontre soient suivis d’un passage à l’acte, car c’est arrivé, dans certains cas. Dans les semaines qui ont suivi, mon corps était bloqué. »

Son amie, présente à ses côtés, se montre moins expansive. Quelques mots suffisent à imaginer le choc traumatique de ce que leur avocat, Maxime Gouache, n’hésite pas à qualifier « de haine » : « Si l’ami qui était avec nous ce soir-là n’était pas plus grand et plus costaud que l’auteur de ces violences, nous aurions pu finir dans le coma ce soir-là. »

Avant de se refermer dans sa bulle, elle ajoute : « Maintenant, quand une personne s’approche trop près de moi, je repense à cette scène. » Les deux jeunes femmes suivent le reste de l’audience, tête de basse, le regard dans le vide.

« J’ai dégoupillé »

Le soir du 18 juillet, le déchaînement d’injures dure une vingtaine de minutes. Du côté du prévenu, on se couvre de honte, ne se cherche pas d’excuses. « J’ai dégoupillé », dit-il face à un tribunal qui tente de comprendre pourquoi les insultes ont eu cette portée raciste. « J’ai employé des termes que j’entendais à la maison », reconnaît l’homme de 45 ans.

Le mot « négresse » a été répété en boucle lors de son déchaînement de colère dont lui-même parvient difficilement à expliquer l’origine : « Il faisait chaud, j’avais bu plusieurs pastis. Pour moi, c’est plus un problème d’alcool que de racisme. » Il évoque cette maison squattée illégalement près de chez lui comme une source de tension.

Prison avec sursis

L’intervention des gendarmes le soir des faits n’avait pas calmé son agressivité. Un militaire a reçu un coup de tête. Les insultes ont fusé jusqu’au lendemain de l’interpellation. Une violence que l’on retrouve dans les deux mentions du casier judiciaire du prévenu, pourtant décrit par un collègue et ami comme « une personne charmante. »

Un avis que ne partage pas le procureur, Jean-François Héry, qui requiert 150 jours-amendes à 10 € et un stage de citoyenneté. Son avocat, Morgan Loret, parie que ce procès et les mots des deux jeunes femmes auront « une vertu pédagogique ». Son client écope de six mois de prison avec un sursis probatoire de deux ans et promet de poursuivre ses soins. Ses victimes aussi, même si elles n’avaient rien demandé.

Ouest-France