Seine-Saint-Denis (93) : « Les pavillons se dégradent plus vite à cause de la suroccupation »
Martin Wolf, de l’Atelier parisien d’urbanisme, analyse la situation du tissu pavillonnaire en Seine-Saint-Denis, où les prix de l’immobilier encore accessibles aiguisent les appétits des marchands de sommeil. Face à ce fléau, le territoire Est Ensemble vient de lancer un programme permettant de préempter les biens détériorés.
Martin Wolf est urbaniste à l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), une association à but non lucratif chargée « d’étudier et d’analyser les évolutions urbaines et sociétales à l’échelle de Paris et du Grand Paris ».

La lutte contre les marchands de sommeil est une des priorités de la Seine-Saint-Denis, particulièrement touchée par ce phénomène, où des locataires s’entassent dans des logements souvent insalubres ou inadaptés.
En 2020, il a publié une note sur les « 446.000 pavillons » de la Métropole et les perspectives pour adapter ce parc immobilier aux besoins actuels, sans sacrifier ses qualités et son rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique, notamment grâce au rôle des jardins. Il conduit actuellement une seconde étude plus poussée sur ces transformations.
Le tissu pavillonnaire de la Seine-Saint-Denis se distingue-t-il du reste de la Métropole ?
MARTIN WOLF. Oui, le 93 possède deux types d’espaces pavillonnaires très différents. Sur Plaine Commune et Est Ensemble, on retrouve un tissu ouvrier, qui a été bâti autour des gares comme Noisy-le-Sec. Les parcelles y sont en moyenne plus petites qu’ailleurs et présentent des coefficients d’occupation des sols plus élevés. Les jardins y sont donc moins présents. Les taux de végétation tombent à 37 % sur Plaine Commune et 39 % à Est Ensemble, contre 48 % sur la Métropole. Les logements y sont aussi plus petits, ce qui fait que les taux de suroccupation y sont plus élevés. A contrario, plus on s’éloigne de Paris, plus on va trouver des pavillons récents et plus grands datant d’après la Seconde Guerre mondiale.
Sur les territoires d’Est Ensemble et de Plaine Commune, les pavillons sont-ils de mauvaise qualité ?
C’est difficile à dire, mais on sait tout de même qu’une large partie du parc a été construite avant 1940. Il est plus ancien qu’ailleurs. On y trouve également moins de propriétaires occupants, les logements s’y détériorent donc plus vite, notamment à cause de la suroccupation. C’est ce qui fait qu’il y a davantage de logements durablement vacants. On voit des petits pavillons situés dans des secteurs très paupérisés qui ne sont pas habités.”
Pensez-vous qu’il faille préserver ces pavillons même s’ils ne sont pas d’une grande qualité architecturale, ou plutôt les démolir pour construire des logements répondant mieux aux attentes résidentielles d’aujourd’hui ?
Ça dépend des cas. Déjà, ce sont des parcelles difficiles à densifier car elles sont petites. L’essentiel, c’est de ne pas nuire aux qualités de ce tissu pavillonnaire, d’y préserver les espaces en pleine terre et les arbres de grande hauteur. Le plus intéressant est souvent de les réhabiliter et de les densifier par la surélévation, cela permet de préserver les îlots de fraîcheur urbains. L’enjeu primordial, c’est aussi la rénovation thermique de ces habitations. La réimplantation de commerces et d’équipements est également importante pour améliorer la qualité de vie des habitants et changer les mobilités.

Martin Wolf, urbaniste à l’Apur.
L’arrivée de cadres dans les villes limitrophes de Paris rehausse-t-elle le standing des pavillons ou est-ce marginal ?
On voit effectivement des populations plus aisées arriver à Plaine Commune et Est Ensemble. Ces territoires se transforment, puisque la part des grands logements de 4 ou 5 pièces y a augmenté. […]